Le traité de Tordesillas signé en 1494 entre les deux puissances coloniales de l’époque, l’Espagne et le Portugal, sous l’égide du pape Alexandre VI, allait décider du sort d’une grande partie du monde. Une ligne de partage y serait fixée, située à 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert. La « découverte » des terres brésiliennes par Pedro Álvares Cabral en 1500, placera cette partie des Amériques à l’est de la ligne de partage, sous souveraineté portugaise, le reste demeurant sous celle de l’Espagne. Si nous avons toute raison d’accorder la plus entière et urgente attention à la richesse des langues précédant l’arrivée des Européens, il est certain que deux grandes aires linguistiques liées à cette domination vont désormais se développer. Or bien entendu ces deux aires sont entrées en contact direct sur des zones de chevauchement, mais aussi dans les déplacements et échanges entre les pays concernés. C’est ainsi que les locuteurs de ces deux groupes vont y croiser leurs pratiques et héritages. Une variante commune à l’espagnol et au portugais va s’y manifester : le portuñol (en espagnol) ou portunhol (en portugais). Il est certes important de noter que l’intercompréhension entre les deux langues est elle-même assez élevée et, bien qu’elles se distinguent à de nombreux égards, un effort d’adaptation ou une pratique régulière de situations bilingues peut en faciliter les usages croisés. À noter également l’émergence d’un portunhol/portuñol littéraire. Est souvent cité le roman Mar paraguayo de l’auteur brésilien Wilson Bueno (1992) qui inclut en outre de nombreux termes guaranis. Occasion de noter l’existence de ce que l’on nomme un guarañol [on pourrait de même observer celle d’un quechuañol, etc.]. John M. Lipski cite de même dans la culture populaire ‘Los 3 amigos’, une bande dessinée brésilienne écrite dans un portunhol humoristique et assez torride, parfois improbable dans les situations réelles sans en perdre pour autant de leur intérêt. Comme il en va de ce type de situation à haut pouvoir créatif, il n’est pas non plus rare que des termes soient complètement inventés par un locuteur donné dont l’usage peut ultérieurement gagner en notoriété. Jusqu’où cela peut-il aller ? Quelques observateurs, de part et d’autre, s’inquiètent de l’expansion de cette variante qui pourrait à terme, selon eux, déposséder les locuteurs de l’une ou l’autre des deux langues. D’autres encouragent à bien observer certaines règles de passage de l’espagnol au portugais et inversement… À titre d’exemples :
« Espagnol -dad -> Portugais -dade [da-dji]
• ciudad -> cidade
• habilidad -> habilidade
Espagnol -ción -> Portugais -ção
• nación -> nação
Espagnol -zon -> Portugais -ção
• corazon -> coração
Espagnol -ble -> Portugais -vel
• invisible -> invisível
• comparable -> comparável
(…) L’espagnol utilise souvent des diphtongues alors que le portugais ne le fait pas :
• cuenta -> conta
• fuego -> fogo
• asiento -> assento…”
(source : http://hackingportuguese.com/)
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