29 février – Dialogues du 21

« Journée du concept qui nous manque… »

Session 2024

Il y avait cette année, à l’occasion de la première session d’une « journée du concept qui nous manque… », en ce 29 février 2024, année bissextile, comme un furfurmure dans l’air.

Nous nous étions lancé un défi au sein des « Dialogues du 21 » – Partir en quête de mots ou d’expressions susceptibles d’accompagner, de nourrir notre relation au monde, notre aptitude à le dire en ses blessures comme en ses espérances. Des mots parfois nouveaux, créés de toutes pièces, parfois extraits d’un fonds culturel ou linguistique… Le tout décliné en sept dimensions pantopiques.

De la dimension du temps, nous avons vu émerger des termes questionnant l’urgentisation croissante du monde, ce chronocentrisme obsessionnel qui tourne parfois à la chronofrénésie, cette accélération, ce précipitationnisme qui donne le tournis et ne sied guère à la prise de recul, à la distempsciation. De quoi en appeler à une pause, une fika apaisante. De quoi y partager un café désinstantané ou qualifier certaines activités au regard non plus de leurs occurrences mécaniques, mais de leur afréquence. Et si, loin des pièges de la confirmité, nous clamions la force d’un meraki, un engagement total de passion, de créativité et d’âme… sans nous soucier du temps que cela prendra…

De la dimension de l’espace, nous retiendrons le chant de la pachamama, tandis qu’une forme d’okjollisation nous enjoint de trouver ou retrouver le sens de nos responsabilités. Interpellés sur l’éco-anxiété, la solastalgie, ou encore la noctalgie, nous avons observé le fugitif sentiment d’une sidérhartha. De quoi revisiter nombre des termes liés à cet environnement qui, loin de nous « environner », nous compose, nous corpstitue littéralement nous menant à apprécier l’invitation du nunchi, de l’harmonie qu’il suggère. Puis nous avons repris le sens de la marche, en forêt, en montagne et sur le bord de mer, a fortiori lorsqu’elle cesse d’être portambule, pour se faire ici hanyauku, et là makan agin alors que monte la solupluie, la pluie qui vient du sol…

À son tour la dimension de la société n’a pas manqué d’activer bien des vocables ambitionnant d’en dire le tiss’âge, les interactions vertueuses, les équilibres recherchés. Prenant tout d’abord la mesure des ruptures de toutes sortes, des fragilisations accumulées, à l’image des hikkikomori, de l’infirtimité, ou des réseaux asociaux ou contresociaux, puis observant la mise en œuvre de formes de stigmergie ou de solitarité, voici que se présentent de toutes provenances la voie du fihavanana, du hozho, de l’ubuntu, de la teranga, du kaitiakitanga ou du nogar. Ballet proprement pantopique qui nous dit combien les civilisations en appellent à notre mémoire collective & universelle.

Non moins déterminante en notre « journée du concept qui nous manque », se révèle bien entendu la dimension du savoir, des savoirs. Des savoirs bousculés par des formes diverses d’illectronisme, tiraillés par la faiblesse de la vérifactualité. Des savoirs qui peuvent pourtant redevenir complixes, assumer leur statut d’innorance ou de neurodivergence, questionner les voies nouvelles & déroutantes de la cré.IA.tivité, s’enthousiasmer sur celles inépuisables de la sérendipité… Des savoirs dont l’encyclopédagogie peut impulser de nouvelles formes de désir et de rencontre.

Voici que se présente alors la dimension du pouvoir, débordant de mots qui tentent d’en dire les évolutions, et les possibles dérives. Quelle attitude adopter à l’heure de la contentiarisation du monde, alors que de multiples formes l’accueillent au sein de démocratures, de pratiques illibérales, et bientôt d’algocratie ou d’IA.rchie ? À l’heure où déferle une forme d’occidentobashing, quel chemin reste-t-il pour accueillir et accroître une indispensable pacifiabilité, même si bien des acteurs sembleraient aujourd’hui n’en avoir cure ?

Indissociable de la dimension précédente, celle de l’économie nous renvoie d’emblée à la façon dont nous envisageons le commerce des activités humaines. Sommes-nous en quête d’un perpétuel eldorado vantant nos appétits jusqu’à notre cupidisme ? Sommes-nous tentés par l’omniassistance de l’IA jusqu’à céder à une forme de p.IA.resse ? Ou bien prendrons-nous enfin la pleine mesure de l’œuvre économique pouvant être portée par des valeurs d’écopénie ou d’éthiconomie ? Entendrons-nous de par les mondes la force du micro-crédit, du jugaad, du shramdaan ou du chalay ?

C’est alors avec la dimension de la communication que nous suspendrons cette collecte du 29 février 2024, non sans avoir mentionné combien celle-ci figure à la croisée de bien des axes parcourus. Axes de la fébrilité des âmes et de cœurs blessés ou amers, prompts au gaslighting, au textotunisme, au parolytisme ou à la glottophobie… Mais aussi et principalement axes de l’expérance qui se fonde sur un partage opportun de l’expérience, d’un récit narractif engageant chacun, chacune, ou encore d’une forme de perplexigence. De quoi activer le fonds culturel qui de longue date nous entretient d’une communication pleine de mutuel respect et d’inventivité qu’elle soit du poporo ou du talanoa, alors que dans la forêt bruisse un furfurmure…

Où serons-nous le 29 février 2028 ? Où le monde en sera-t-il ? Quels autres termes auront montré le bout du nez, ou seront sortis de leur oubli, afin de nommer les évolutions du monde… ou les anticiper ? Pour qui y voit un intérêt, sachez que les « Dialogues du 21 » le partagent. Bonnes routes néologiques à tous !

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