21 septembre 2022

repère(s) :

Les Colonnes de Justice

PROLOGUE

Nous nous demandons un jour si ce que nous faisons est juste. Et cette question n’est pas aisée à cerner. Car en vérité au nom de quoi, de qui, de quel cadre, de quelle vérité, pouvons-nous prétendre juger ce qui est juste et ce qui ne l’est pas ? Quand bien même nous le déterminerions à l’instant présent dans un contexte donné, en sera-t-il toujours ainsi ? De quoi faire écho à notre bon paysan chinois qui, de l’issue d’un épisode heureux ou malheureux à l’autre, demande à chaque interlocuteur : « Est-ce bien, est-ce mal, qui le sait ? » Et le sage Gandalf lui-même ne rabroue-t-il pas Frodon qui reproche à Bilbon d’avoir fait preuve de pitié à l’égard du sinistre Gollum, déclarant : « Ne soyez pas trop prompt à disperser mort et jugement. Même les grands sages ne peuvent connaître toutes les fins. » Assurément, comment être juste ! Pourtant bien des situations, environnements, systèmes, colloques intérieurs, ont prétendu y répondre convoquant la vertu, le droit, la loi, des principes moraux, des codes… C’est dans cette constellation que nous avons choisi de naviguer pour ce cinquième acte des « Dialogues du 21 ». Il apparaîtra tout aussitôt, et nos développements s’attacheront à le montrer, que bien d’autres actes du cycle 2021-2026 s’y trouvent impliqués. Parmi d’autres, citerons-nous bien entendu le rapport aux cultures (Acte 10), à l’histoire (Acte 8), aux langages (Acte 3) ou encore à l’éducation (Acte 15)…

Bien entendu notre fabrique dictionnairique supposait que nous y privilégions le questionnement des mots et du sens que nous y plaçons. Ce sera notre fil conducteur tout au long des propos qui suivent. « Responsabilité », « code », « sanction », « vérité », « jugement »… y occuperont ainsi parmi quelques dizaines d’autres une place déterminante. Et leur indéfinition (Acte 7), y jouera tout son rôle dans l’invitation au dialogue et à la multiplicité des points de vue. En effet, s’il est bien une chose que les mots une fois encore peuvent nous révéler, c’est la pluralité de nos approches, leurs visées souvent différenciées… C’est pourquoi nous y poursuivrons notre collecte d’opinions, de faits culturels, de fragments historiques, de légendes et de mythes, afin, peut-être, de questionner quelques-unes des certitudes qui nous habitent ou bien de contribuer à éclairer nos doutes…

Un poster reprenant une partie de cette collecte accompagnera notre navigation, imaginé comme l’esquisse d’une « colonne de justice » en écho à ces stèles que le roi Hammourabi avait fait installer dans son empire babylonien voici près de 4000 ans. Empruntant tant aux droits coutumiers qu’aux droits religieux, qu’ils soient juifs, bouddhistes, musulmans, visitant les types de codes, de chartes, de textes, oraux ou écrits, qui se sont succédé au fil de l’histoire des sociétés, renvoyant à une variété de situations, de symboles ou de pensées, ce poster est un point de départ. Il invite à de multiples prolongements et à des versions ultérieures, confiant dans l’enrichissement de ceux et celles qui l’honoreront de leur savoir, leurs expériences, leur quête heuristique et humaniste… Alors bienvenue dans cet Acte 5 et, en toute logique, commençons par le premier d’entre ces mots, celui de « justice »…

Qu’est-ce que la justice ? Comment la définir (l’indéfinir) ?

Tenterons-nous alors une indéfinition mettant en avant la polysémie du terme de « justice » oscillant entre une vertu morale, un système juridique ou l’institution chargée de le mettre en œuvre…

Justice – Qualité de déterminer et défendre ce qui nous paraît équitable, moral, mérité – La justice renvoie également aux systèmes, méthodes et procédures juridiques, à la fixation des droits et à la conformité aux lois, dans toute la diversité de leur établissement à travers l’espace et le temps – Elle qualifie enfin l’institution chargée de mettre ce système en œuvre et d’en accompagner l’application. La volonté de défendre la justice peut constituer un cap dans l’existence d’un être humain faisant alors l’objet d’un engagement plus ou moins continu, s’évaluant en particulier au regard du combat visant à réduire les formes diverses d’injustice. – voir

La justice est l’habitus par lequel on donne, d’une perpétuelle et constante volonté, son droit à chacun. – Thomas d’Aquin… voir

La justice est un habitus qui fait agir quelqu’un conformément au choix qu’il a fait de ce qui est juste. – Aristote – voir

Depuis l’aube de l’humanité, toute société a cherché à organiser les rapports entre ses membres de façon juste. Mais qu’est-ce que la justice ? Les philosophes grecs, autant que ceux des Lumières, se sont posé la question… sans trouver de réponse universelle ! Il semble qu’il y ait des justices, comme il y a des vérités. Justice divine, justice naturelle, justice politique, ou, tout simplement, justice de proximité. Comment conjuguer le sentiment intime de justice de l’individu à la Justice, institutionnelle et sociale ? Approcher la vérité par la justice, c’est un peu comme lever les yeux vers le ciel, et, de l’infinie diversité des astres, autant que des forces invisibles, tenter de déduire l’unité du monde… – Ugo Bellagamba – voir

Et vous, quelle est votre indéfinition de la « justice » ?

Quel rapport entre force & justice ?

« Ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force. » – Blaise Pascal

Parmi les reproches qui sont faits à la justice, ou à la Justice, survient fréquemment la (non) prise en compte des plus faibles. Comme si la justice, échappant à un objet idéalisé, se réfugiait aisément derrière les murailles de la force qu’elle justifie et qui, en retour, la consacre…

Il est juste que ce qui est juste soit suivi ; il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite, parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Aussi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice et dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste soit fort on a fait que ce qui est fort fût juste. – Blaise Pascal… voir

Quand l’esprit de la justice et de la vérité, pour primer sur la violence aveugle et criminelle, parvient à susciter une force efficace, cette force, par la grossièreté de son essence, par l’importance de son volume, par la vibration de son intensité, s’apparente fâcheusement aux déchaînements mêmes qu’elle entend réprimer. – Jacques Audiberti – voir

Où surgit non sans s’imposer en bien des espaces ce que l’on a qualifié, douce ironie, de loi du plus fort, exigeant pour le moins qu’on en observe les nombreuses démonstrations qu’elles soient politiques, économiques, militaires… à défaut de trouver les moyens de les restreindre…

Loi du plus fort – Désigne toute situation où un rapport de force s’exerce au profit d’une partie (individu ou groupe) au détriment d’une autre, se manifestant par l’usage illégitime de la violence et de la coercition menant à la domination de l’autre… – voir

« Le droit en lui-même est impuissant ; par nature, règne la force. Le problème de l’art de gouverner, c’est d’associer la force et le droit afin qu’au moyen de la force, ce soit le droit qui règne. Et c’est un problème difficile si l’on songe à l’égoïsme illimité qui loge dans presque chaque poitrine humaine. » – Arthur Schopenhauer

Qu’est-ce que l’injustice ? Comment la définir (l’indéfinir) ?

« Justice extrême est extrême injustice. » – Terence

Au passage, Tareq Oubrou nous encouragera à penser que les sociétés humaines, à défaut d’une « justice absolue », ont à se soucier « de l’injustice à réduire »… Sur quoi porte-t-elle ? En quoi la volonté de réduire l’injustice figure-t-elle ou non parmi les missions de la justice ?

Il se peut […] que la loi elle-même ne soit pas juste. Dans cette mesure il peut être injuste de respecter la loi, et juste de la transgresser. L’injustice sera alors non plus de ne pas respecter la loi positive, édictée par les hommes, mais de contrevenir à une norme de justice inscrite dans la nature même des choses. Mais il se peut aussi qu’une loi juste donne lieu à des applications injustes de la loi. En effet la loi étant par essence générale, elle ne peut anticiper sur les cas particuliers qui se présentent. Il se peut alors que la loi soit juste dans son principe, mais donne lieu à des applications injustes. L’injustice est alors manque de jugement, c’est-à-dire incapacité à appliquer la loi avec discernement… voir

Bien entendu, la nature de l’injustice et du sentiment qu’elle nous inspire, varie considérablement selon notre sensibilité et l’importance qu’on lui accorde. Ainsi lvan Cankar de rappeler au détour d’une « tasse de café » combien l’idée d’avoir commis une injustice, peut se rappeler à nous sans crier gare…

J’ai souvent été injuste, injuste envers les gens que j’aimais. Une telle injustice est un péché impardonnable, permanent, durable, inoubliable dans sa conscience. Parfois, le péché est oublié, effacé de votre vie, noyé dans les événements des jours ; mais soudainement, peut-être au beau milieu d’une belle journée agréable, peut-être la nuit, il revient sur vous pour alourdir votre âme, pour vous faire souffrir et vous brûler la conscience, comme si vous veniez de le commettre… – lvan Cankar – voir

Et certains de mettre en lumière, les approches différenciées et flottantes de l’injustice…

Le sentiment d’injustice n’existe pas scientifiquement parlant, comme beaucoup de concepts utilisés en psychologie populaire (…) En premier lieu, ce qui interpelle, c’est que ce qui paraît injuste pour quelqu’un ne l’est pas pour l’autre et inversement. La notion de justice ne serait donc pas absolue mais relative (…) – On peut également ressentir de l’injustice parce que l’on est victime de la transgression d’une règle établie par un règlement, une loi, une norme (…) Il y a aussi le sentiment d’injustice qui ne concerne pas soi mais qui concerne autrui… Cela peut rejoindre la partie sur l’empathie et la projection éventuelle de nos sentiments et de nos peurs. La première chose à se demander est si l’autre personne ressent réellement de l’injustice… surdoue.fr – voir

Alors, comment de ses effets collectifs et massifs, à la douleur intérieure d’un obsédant souvenir, comment d’une personne à l’autre, indéfinir l’injustice ? Essais…

Injustice – Peut de prime abord refléter strictement une opposition à la justice, en ce sens qu’une action commise a sciemment ou non échappé à un principe moral, un code, une loi et peut être reconnue comme telle – Toutefois, s’inscrit plus souvent encore sous les traits d’un sentiment qui nous porte à penser, en dehors ou en marge d’un appareil ou d’une lecture judiciaire, que telle action, telle décision, tel jugement manquent à leur devoir d’équité, de morale, de respect… voir

Quelle place prennent les mythes dans le récit de justice ?

Il est peu de dire que la notion de justice, et la relation aux injustices commises par les hommes, ou les dieux, occupent une place centrale dans les mythes, contes et légendes. Leur récit entretient ainsi de longue date une incitation à en penser les logiques, les paradoxes, le dénouement… Deux histoires en passant…

Cette histoire commence avec Acrisios, roi d’Argos. N’ayant pas d’héritier mâle, le roi se rendit à l’oracle de Delphes qui déclara que sa fille, Danaë, aurait un enfant mâle qui le tuerait. Acrisios décida alors de l’emprisonner dans une chambre de bronze (ou dans une haute tour de cuivre) sans portes ni fenêtres, à l’exception d’une minuscule lucarne… voir

On raconte que la ville de Hamelin connut une bien étrange affaire en 1284. À cette époque, la ville était infestée par les rats. Leur multiplication était telle que les habitants de la cité médiévale en étaient épouvantés. Ils avaient bien tenté de s’en débarrasser de diverses manières, mais rien n’y faisait. Il semblait que la ville fût condamnée à tomber… voir

Bien entendu, nous pouvons tout autant convoquer les désirs contrariés de l’ogresse Baba Yaga, ou la destinée de Sedna dans le monde inuit, mais aussi la mort de Baldr dans les épopées scandinaves, ou la légende du koala dans celui des Aborigènes australiens, comme celle du chasseur Hailibu dans les steppes mongoles… Partout s’affiche avec force de récit et d’engagement, le sens de la justice colporté par les sagesses anciennes. Partout semble alors se définir comme l’idée d’une justice « supérieure », « immanente », de ce repère immuable qui semblerait flotter au-dessus de l’imperfection humaine et de ses multiples faiblesses…

Quels systèmes juridiques ont-ils été conçus et mis en oeuvre au cours de l’histoire humaine ?

Dès lors que se profile une idée de défendre une forme de justice, nous assistons à la mise en place de systèmes juridiques reflétant la diversité des sociétés humaines. Au regard de leurs caractéristiques, les spécialistes du droit ont été amenés à retenir quatre ou cinq catégories de systèmes différents : droit civil, common law, droit coutumier, droit religieux, enfin droit mixte (renvoyant à une combinaison de systèmes) :

  • Systèmes de droit civil et systèmes mixtes avec tradition civiliste…
  • Systèmes de common law et systèmes mixtes avec tradition de common law
  • Systèmes de droit religieux…
  • Systèmes de droit coutumier et systèmes mixtes avec tradition de droit coutumier…
  • Systèmes mixtes…

Quelles sont les principales différences entre les deux systèmes juridiques les plus répandus [Systèmes de droit civil et de common law] et comment déterminent-elles une certaine idée de la justice ?

Quelle est la force du code ? Comment la jurisprudence peut-elle interférer sur l’application du droit ? Les deux principaux systèmes reflètent deux approches différenciées en la matière…

La Civil Law aussi appelée droit continental, droit romano-civiliste, droit romano-germanique ou parfois encore droit civil correspond au système le plus répandu […] Une de ses principales caractéristiques est d’être un système de droit codifié. La principale source de droit est la loi. La jurisprudence est importante concernant l’interprétation des lois, mais les juges ne sont pas considérés comme des créateurs de droit. D’ailleurs, les arrêts et jugements ne produisent d’effets qu’à l’égard des parties sauf exception (décision des cours constitutionnelles par exemple). Autre caractéristique, en matière pénale, la procédure est inquisitoire ce qui signifie que le juge qui défend les intérêts de la société a un rôle clef et que les parties n’ont qu’un rôle secondaire. Les jurys ne sont prévus que dans des cas limités, les plus graves… voir

À ce premier système de droit codifié, vient donc s’ajouter celui dit de common law, de droit écrit, non codifié…

La Common Law est le deuxième système juridique le plus répandu dans le monde. Il a été adopté dans la plupart des pays anglo-saxons (…) mais aussi dans les pays du Commonwealth. […] Il s’agit d’un système de droit écrit, mais non codifié. Les principales sources de droit sont les textes adoptés par le législateur et la jurisprudence. Le principe du précédent est un des grands principes de la Common Law. Il signifie que les juges doivent suivre les solutions retenues précédemment par d’autres juridictions. En effet, les décisions de justice ont force exécutoire à l’égard de tous et non juste des parties. Les juges ont un rôle créateur de droit. Ils sont souvent élus ou nommés par des instances politiques… – voir

Comment les religions administrent-elles la justice ?

« L’Éternel est le Rocher; son œuvre est parfaite, car toutes ses voies sont équitables; c’est un Dieu fidèle et sans injustice, c’est lui qui est juste et droit. » (Deutéronome 32.4)

Dans la révélation dont elles sont porteuses, à travers des textes et des rites, dans leur quête de régulation des affaires humaines, les religions sont tout particulièrement amenées à s’occuper de justice. Si la parole du prêtre, de l’officiant, du guide spirituel… (à la rencontre de laquelle se destine l’Acte 11) n’est pas celle du juge [entendons non investi d’une charge religieuse], elle peut largement s’y associer, s’y substituer, voire s’y opposer lorsque l’évolution de la société lui paraît mettre en péril les fondements de ses croyances… On pourra ici trouver le droit canonique en vigueur au Vatican, le droit talmudique appliqué en Israël, le droit hindou ou encore bien entendu le droit musulman sur lequel nous venons ci-dessous. Il n’en demeure pas moins que bien d’autres influences de nature religieuse se sont exercées dans l’extrême variété des systèmes religieux et de leur préoccupation en matière d’affaires politiques, sociales, familiales, etc.

Un cas tout particulier d’expression de cet attachement spirituel transparaît avec la Constitution en 17 articles 十七条憲法 (jūshichijō kenpō) voulue par le prince Shōtoku-taishi 聖徳太子, qui manifeste sa vision proprement politique et morale…

L’œuvre politique et sociale de Shōtoku-taishi se résume dans le texte connu sous le nom de Constitution en dix-sept articles (604), qui n’est pas un texte organisant le gouvernement et définissant son rôle et ses prérogatives, mais une instruction morale, fondée sur le confucianisme et le bouddhisme, à l’usage des grands et du peuple. Harmonie, soumission à l’empereur dont la place est semblable à celle du Ciel par rapport à la Terre, obéissance aux rites et honnêteté, nécessité de choisir pour chaque emploi le meilleur et de distribuer judicieusement les récompenses, de ne prendre les décisions importantes qu’en conseil, tous ces points devaient constituer les lieux communs de la morale politique ultérieure… – universalis.fr – voir

« [10] Chacun a son propre esprit ou sa façon de penser. Si vous avez raison, je dois avoir tort. Je ne suis pas toujours saint, et vous n’êtes pas toujours pécheurs. Nous sommes tous deux de faillibles mortels, et qui est assez sage pour juger duquel d’entre nous est bon ou mauvais ? Nous sommes tous deux sages et fous alternativement. » – Constitution en 17 articles (Jūshichijō kenpō)

Bien entendu, s’il est un autre système juridique vers lequel tous les regards se tournent dès lors qu’est évoquée cette dimension religieuse, c’est celui du droit musulman si couramment désigné sous le terme de charia avec tous les débats, internes et externes à l’Islam, qui y sont attachés. De quoi encourager de nombreux exégètes, commentateurs, spécialistes du droit à tenter de faire le point sur la complexité d’un sujet qui renvoie à la grande disparité des situations socio-politiques et religieuses des communautés musulmanes réparties à travers la planète, majoritaires ou minoritaires, et à la manière dont elles-mêmes s’y réfèrent.

Le terme « charia » fait référence à un chemin droit et clair, mais aussi à un endroit irrigué où les êtres humains et les animaux viennent boire à condition que la source d’eau soit un ruisseau ou une rivière en mouvement… – Wikipédia

La charia, c’est l’Enseignement divin. Le fiqh, c’est l’entendement humain de cet Enseignement, ce qu’on peut appeler la doctrine. Le fiqh s’est développé de manière très autonome, à partir de quelques dispositions coraniques et d’une partie du corpus des traditions prophétiques. La question de savoir s’il s’agit d’un droit, au sens où l’on comprend ce terme aujourd’hui, est délicate. Personnellement, j’aurais tendance à dire qu’il n’y a de droit musulman qu’avec l’apparition de l’État moderne, et que c’est donc une invention tardive (19ème siècle). Autrement dit, le droit musulman, c’est le résultat de la volonté de penser le fiqh dans les termes du droit étatique. Aujourd’hui, il existe à mes yeux aussi bien une charia qu’un fiqh et un droit musulman, qui coexistent plus ou moins. Si la charia est ce que j’appelle l’Enseignement divin, elle persistera comme telle comme source de foi, pour les croyants, ou objet d’intérêt historique, pour les sciences humaines. Le fiqh, lui, en tant que mode de compréhension de la charia, continue à évoluer et peut donc connaître des développements. Ainsi en va-t-il du fiqh al-aqalliyyat, qui n’est en aucun cas un droit, mais une doctrine sur la façon de vivre des musulmans en situation minoritaire. Enfin, le droit musulman, c’est tout ce dont le droit des États-nations d’aujourd’hui a hérité de la charia et du fiqh, et ensuite intégré dans ses législations: droit de la famille, droit des successions, parfois le droit criminel, quelques rares dispositions du droit civil, etc. – Baudouin Dupret – voir

Comment se manifestent les droits coutumiers ?

Enfin, un quatrième type de systèmes [en dehors des systèmes mixtes] sera à considérer qui s’appuie sur les droits coutumiers. Ainsi que leur nom l’indique, la coutume y occupe une part prépondérante laquelle renvoie à un ensemble de règles de droit et d’usages considérés obligatoires.

Il n’existe plus guère aujourd’hui d’entités politiques dont le système puisse être dit proprement et entièrement coutumier. La coutume peut prendre les visages les plus divers, selon qu’elle est enracinée dans une sagesse bâtie sur le concret quotidien ou, plus intellectuellement, dans des grandes traditions spirituelles ou philosophiques. Néanmoins, le droit coutumier (en tant que système, et pas seulement en tant que complément accessoire du droit positif) joue encore un rôle, parfois d’une grande importance, notamment en matière de statut personnel, dans un nombre relativement élevé d’entités politiques de droit mixte. Le cas est évident pour un certain nombre de pays africains. Mais cela vaut aussi par exemple, dans des conditions certes différentes, pour le droit de la Chine ou de l’Inde… – voir

Un cas particulièrement conséquent est illustré par le Rwanda dans la période qui succéda au génocide des Tutsis (1994), avec la réactivation de l’institution de la gacaca… Gacaca signifie « herbe » en kinyarwanda, et désigne par extension « la justice sur l’herbe ». Chargées à l’origine de régler des différends de voisinage ou familiaux sur les collines en des lieux où chacun pouvait demander la parole, elles deviennent formelles à partir de 2002. Face à l’ampleur des procès à administrer, elles apportent dès lors un essentiel concours de proximité fondé sur les notions d’aveu et de pardon, dont nombre d’observateurs vont dire les vertus et les inévitables limites…

Créées pour faire face à une situation anormale, les nouvelles juridictions gacaca s’inspirent d’une pratique ancestrale qui fait appel aux sages d’une colline pour régler un litige. La loi du 26 janvier 2001 transpose ce système coutumier en instituant de nouvelles instances de jugement. En juin 2002, quelque onze mille tribunaux sont inaugurés. Ce système se base sur une justice participative : la population est à la fois témoin, juge et partie. Le principe est de réunir sur les lieux mêmes des crimes les protagonistes du drame : rescapés, témoins, criminels présumés. Tous doivent débattre de ce qui s’est passé afin d’établir la vérité, de dresser la liste des victimes et de désigner les coupables. Les débats sont encadrés par des « juges » non professionnels élus parmi les hommes intègres de la communauté et habilités à prononcer les peines à l’encontre des coupables. Ce système est désormais appliqué à l’immense majorité des accusés. Seuls les individus soupçonnés de figurer parmi les « grands responsables » du génocide relèvent encore de la justice classique… – voir

Combien de savoirs, combien de richesses culturelles sont à extraire de ces univers où se sont forgées sur le temps souvent long des idées de justice, différentes et souvent complémentaires de celles qui aujourd’hui dominent le monde ?

Quelles sont les lois en usage ? Qui les fixe ? Comment évoluent-elles ?

S’il est un axe structurant l’ensemble des systèmes qui précèdent, ce sont les règles, les règlements, les lois, oraux ou écrits, établis au fil du temps, en plus ou moins grande cohérence, ce qui suppose en premier lieu de les indéfinir. Qu’est-ce donc que la loi ?

Loi – Règle ou ensemble de règles obligatoires établies par une autorité souveraine, sanctionnées par la force publique, faisant l’objet d’un accord plus ou moins accepté par celles et ceux supposé.es les suivre. Dans une extrême diversité de contextes socio-politiques, religieux, culturels… les lois conditionnent de manière forte la vie des groupes humains, faisant l’objet d’évolutions sensibles dans le temps, au regard des luttes, avancées, parfois régressions susceptibles de survenir… – voir

La loi (…) régule les relations entre les hommes et permet ainsi d’instituer la justice. Elle fait et doit faire autorité sur tout le monde pour justement empêcher les rapports de force et de domination entre les hommes. La loi est la seule réponse pertinente et rationnelle à l’arbitraire de la force. Elle est une autorité suprême et indépendante des puissances individuelles. Elle s’applique à tous, quelles que soient ses forces (physiques, financières…). Ce n’est que quand la loi juridique est bafouée, mal appliquée ou inexistante que la force intervient pour régler les relations entre les hommes, empêchant ainsi la justice. La loi est ce qui institue l’ordre et la justice dans le chaos et l’instabilité provoqués par le règne du plus fort. Si la force ne fait qu’offrir à certains des possibilités de domination à laquelle les autres ne peuvent que se soumettre, la loi elle donne à tous des droits et des devoirs… voir

Il apparaît clairement, ainsi que les systèmes de droit religieux l’ont introduit, que ces lois peuvent être d’ordre divin, et s’imposer comme telles…

1 – L’Eternel dit à Moïse : « Taille deux tables de pierre pareilles aux premières, et j’y écrirai les paroles qui étaient gravées sur les premières tables que tu as brisées.

2 – Sois prêt de bonne heure. Tu graviras dès le matin le mont Sinaï et tu t’y tiendras devant moi, au sommet de la montagne.

3 – Que personne ne monte avec toi et qu’on ne voie personne sur toute la montagne. Que pas même le petit et le gros bétail ne broutent près de cette montagne. »

4 – Moïse tailla deux tables de pierre pareilles aux premières. Il se leva de bon matin et gravit le mont Sinaï, conformément à l’ordre que l’Eternel lui avait donné. Il prit avec lui les deux tables de pierre.

5 – L’Eternel descendit dans une nuée, se tint là près de lui et proclama le nom de l’Eternel.

6 – L’Eternel passa devant lui et s’écria : « L’Eternel, l’Eternel est un *Dieu de grâce et de compassion, lent à la colère, riche en bonté et en vérité.

7 – Il garde son amour jusqu’à 1000 générations, il pardonne la faute, la révolte et le péché, mais il ne traite pas le coupable en innocent et il punit la faute des pères sur les enfants et les petits-enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième génération ! »

8 – Aussitôt Moïse s’inclina jusqu’à terre et adora… voir

Comment s’établissent les codes ?

« 2- Si un homme a jeté un sort sur un autre homme, et ne l’a pas convaincu de tort, celui sur qui a été jeté le sort ira au fleuve, et se plongera dans le fleuve ; si le fleuve s’empare de lui, celui qui l’a incriminé prendra sa maison ; si le fleuve l’innocente et le garde sauf, celui qui a jeté le sort sur lui est passible de mort ; celui qui s’est plongé dans le fleuve prendra la maison de celui qui l’avait incriminé. » – Code du roi Hammurabi

Les lois trouvent leur place au sein de corpus qui les assemblent, de codes dont la richesse et la pluralité reflètent largement l’aventure humaine et sa prédisposition à mettre en œuvre une vision du juste et de son application. Qu’est-ce alors qu’un code de lois ? Quand apparaissent les codes et dans quelles circonstances ? Détour par l’illustre code du roi Hammurabi…

Un monolithe noir, en basalte, symbole d’une fantastique odyssée du temps car il a porté jusqu’à nous, à travers plus de trente-sept siècles, l’un des plus anciens systèmes de justice dont nous ayons connaissance, codifié et gravé pour l’éternité par le grand roi de la Mésopotamie antique, Hammurabi : telle se présente la stèle de 2,25 mètres de haut, exposée au Louvre, où l’on peut voir, inscrite au burin dans la pierre, en caractères cunéiformes et en langue akkadienne, la quasi-totalité d’un texte juridique, dont le premier traducteur (J.V. Scheil) a dégagé 282 articles. Cette longue inscription comporte un prologue et un épilogue, tous deux à la gloire de Hammurabi qui régna sur Babylone de 1792 à 1750 environ avant notre ère. Son sommet s’orne d’un bas-relief au sens limpide : assis sur un trône, Shamash, dieu-soleil garant de la justice et de l’équité, remet au roi qui se tient debout devant lui les insignes de la royauté (…) De très nombreux aspects de la vie babylonienne sont réglementés dans le corpus des lois de Hammurabi : famille, mariage, adultère, propriété, commerce, activités économiques, etc. La peine de mort, les châtiments corporels, les mutilations, l’ordalie y sont souvent de mise… – Joël Couttausse – voir

Non moins captivant est le Code Tang (唐律 Tánglǜ) qui apparaît dès le début de cette dynastie, au détour du 7e siècle et qui va accompagner le système juridique chinois dans toutes ses transformations jusqu’en… 1912. Ce code comprend 12 sections, parmi lesquelles :

  • Définitions et règles générales
  • Délits commis par les fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction
  • Lois relatives aux levées de troupes
  • Lois relatives aux faux et contrefaçons, etc. voir

Et nous pourrions bien sûr poursuivre cette évocation à travers la planète, en y ajoutant par exemple le Code Yassa, initié à la demande de Gengis Khan, ou encore la Bulle d’Or qui va régir le Saint-Empire romain :

Le 10 janvier 1356, l’empereur Charles IV promulgue La Bulle d’or à la diète de Nuremberg, puis le 25 décembre à Metz. Elle servira de code juridique fondamental au Saint-Empire romain jusqu’à sa dissolution en 1806… voir

Quelle est la part du discernement en matière de justice ?

« Nous sommes dans une société hyper-réglementée, très conflictuelle, où chacun est prompt à faire valoir ses droits. Toutes les instances de jadis qui résolvaient de multiples conflits par leur autorité morale – le père de famille, le prêtre, le professeur, le notable – ont disparu ou perdu tout charisme. Dès lors il ne reste plus que le juge dont la fonction est de dire le droit – et le juste – ce qui est plus difficile encore. Cette judiciarisation, annoncée par Tocqueville, ira grandissant… » – Robert Badinter – lesechos.fr / 2006

Les systèmes étant définis, les lois posées, l’exercice de la justice suppose une capacité à discerner, à distinguer le vrai du faux, en un mot à juger… Où l’on ne manquera pas de se rappeler à l’illustre jugement de Salomon…

21. Ce matin, je me suis levée pour allaiter mon fils et voici qu’il était mort. Je l’ai regardé attentivement, le matin venu, et ce n’était pas mon fils, celui que j’ai mis au monde.» 22. L’autre femme dit: « C’est faux! C’est mon fils qui est vivant et ton fils qui est mort. » – (Jugement de Salomon) … voir

… Ou aux quarante-deux juges du Tribunal d’Osiris, parmi lesquels :

  • Celui qui marche à grande enjambées, chargé de juger l’iniquité…
  • Celui qui est muni d’un long nez, chargé de juger la cupidité
  • Briseur d’os chargé de juger le mensonge
  • Le Renverseur, chargé de juger la transgression
  • Celui qui annonce la décision, chargé de juger l’insolence…

Juger n’est pas affaire ordinaire et le statut même du juge occupe une place élevée dans toute société…

L’idéal du juste est indissociable de l’activité de juger. La justice s’éprouve dans la tension qui sépare l’injuste du juste, et dans l’acte par lequel on rend la justice. Elle désigne le fait de corriger une inégalité, de combler un handicap, de sanctionner une faute. L’activité de justice mobilise un ensemble de règles, de statuts, de pratiques, de discours et de métiers qui participe à la fonction de juger. – Nicolas Braconnay… voir

Juger c’est d’abord séparer, partager, donner à chacun son dû, suum cuique, selon l’expression latine qui exprime l’idée de justice et désigne souvent les allégories de celle-ci, autrement dit attribuer à chacun sa part qui en allemand se dit « Teil » et qui forme « Urteil » c’est-à-dire le jugement, sur le fondement d’une racine commune à la notion d’ordalie, qui désigne en français un serment validé par Dieu, et à la notion d’ « ordeal » qui désigne en anglais moderne une épreuve. Or départager les parties est une expression qui trouve une signification évidente dans la justice civile, dont la fonction même est de déterminer les droits et les obligations réciproques des personnes privées. – Jean-Marc Sauvé – voir

Dès lors que le terme de « juger » comprend une acception plus courante, moins judiciaire, quelle indéfinition en donner ?

Juger – Procéder à l’analyse d’une situation, d’un fait, d’un acte, d’une personne, au regard de certains critères liés à des codes donnés et/ou à sa conviction personnelle, prenant en considération plus ou moins approfondie et connaissante les éléments fondamentaux ou conjoncturels qui sont supposés les caractériser, pouvant alors donner lieu à la prononciation d’une décision juridique, morale, interpersonnelle, avec des conséquences diversement applicables sur la poursuite, la modification, l’arrêt, voire la sanction qui peut en résulter et leur acceptation et mise en œuvre ou au contraire leur rejet.

Porter preuve de son innocence, ou de son accusation ?

« La justice, c’est quand on gagne le procès… » – Samuel Johnson

Mais que juge-t-on ? Que cherche donc à démontrer un tribunal ? Quelle est la finalité d’un procès ? Où l’on s’interroge sur le rapport à l’accusation, à la défense, et à la vérité…

Lors d’un procès, le juge ne sait pas ce qui s’est véritablement passé, il n’était pas présent au moment des faits. Il travaille à partir de ce que lui disent ou… cachent les parties au procès. De leur côté, les personnes qui étaient présentes ont chacune leur propre version, leur propre vérité. Elles sont peut-être de bonne foi et peut-être pas parce qu’elles se protègent et, par exemple, cherchent à échapper à une condamnation. Dans sa recherche de la vérité, le juge est aussi éclairé par des enquêtes et des rapports exécutés par des humains. Un procès permet donc rarement de découvrir « LA » vérité toute crue, celle qui serait évidente et mettrait tout le monde d’accord. En réalité, dans son jugement, le tribunal va dire que le prévenu est ou n’est pas coupable de ce dont on l’accuse et cela deviendra la vérité judiciaire. Cette vérité dite par la justice est donc relative, c’est pourquoi l’on précise ‘vérité judiciaire’. – questions-justice.be … voir

Dès lors que la vérité ‘absolue’ n’est pas forcément la chose recherchée, qu’en est-il de la ‘preuve’ ?

Lorsqu’un homme, quel qu’il soit, est accusé par la société d’avoir commis un crime, la question n’est nullement de savoir si l’on est certain de son innocence. Aussi paradoxal cela puisse-t-il paraitre, cette question devient même en ce cas presque accessoire. Dans tout système judiciaire respectueux des droits et libertés fondamentaux des hommes et femmes qui y sont soumis, il ne pourrait se concevoir qu’il appartienne à celui qui est accusé de prouver son innocence.

La raison en est simple : il est, dans la toute grande majorité des cas, totalement impossible de rapporter cette preuve, s’agissant d’une preuve négative. En revanche, apporter la preuve d’une accusation, c’est apporter une preuve positive. Affirmer un fait ne suffit pas à l’établir. Si tel était le cas, la vie en communauté serait tout bonnement inconcevable. Et établir un fait n’est pas impossible : il s’agit d’en rapporter la preuve.. – justice-en-ligne.be … voir

Ceci renvoyant clairement à la notion de défense et au rôle de l’avocat et de sa plaidoirie…

Comment défendre un accusé qui vous ment ? Face à cette question, de nombreux avocats répondent qu’un accusé a le droit de ne pas dire la vérité. Selon eux, leur mission n’est pas de rechercher ce qui est vrai ou pas, mais de bâtir une défense la plus crédible possible en fonction des éléments du dossier. – Pierre Bienvault

« Quand je vois un prévenu pour la première fois, je ne lui demande pas si ce qu’il me dit est vrai ou pas. Je l’écoute, je confronte ses propos avec les éléments du dossier et je vois si cela tient la route ou pas. Et s’il va être possible de bâtir une ligne de défense cohérente et crédible. Je n’ai pas une exigence de vérité mais de sincérité… » – Me Olivia Ronen

Existe-t-il une sanction juste ?

« Les condamnations et peines regroupent les différentes sanctions prononcées par le juge ou par les forces de l’ordre à l’encontre des auteurs d’infractions. Elles sont prévues par la loi et leur sévérité est proportionnelle à la gravité de l’acte puni. Le juge contrôle la régularité de leur adoption ainsi que leur exécution. L’administration tient un registre qui permet de reconstituer pour chaque citoyen, l’historique de ses condamnations. » – service-public.fr

Acquitter, innocenter, disculper… mais aussi châtier, punir, sanctionner… rendre un jugement n’est jamais sans conséquences, qu’elles soient jugées négatives ou positives. Comment accède-t-on à une sanction « juste » ? Sur quels critères la fonder ?

« Il s’agit plutôt, à l’occasion de la punition, quand nous décidons de punir, de nous poser à nouveau la question de la justice : qu’est-ce qui est juste ? Certes, la réponse n’est pas aisée. C’est une question redoutable et difficile. Mais cette difficulté ne doit pas nous servir de prétexte pour ne plus nous poser cette question. Alain disait que la justice est ce doute sur le droit qui sauve le droit. Nous dirions en le paraphrasant que la punition est ce doute sur la justice qui sauve la justice, à condition qu’il y ait bien un doute sur la punition. Sinon la justice est perdue. » – voir

Principe d’autorité de la chose jugée, déni de justice, possibilité de se pourvoir en appel ou en cassation, tout jugement peut se prolonger sous des formes diverses qui contribuent à le confirmer ou participent à sa mise en cause…D’ailleurs comment ne pas introduire le répertoire de toutes les erreurs de jugement et donc de justice, renvoyant aux conséquences et réparations de cette erreur ! Ainsi par exemple de ces avis concernant le tribunal rabbinique.

Si un tribunal rabbinique a autorisé la transgression de l’un des commandements de la Tora (et s’est rendu compte par la suite de son erreur) et qu’un individu, suivant cette décision, a transgressé par erreur, il est quitte (de l’obligation d’apporter un sacrifice expiatoire). Qu’il ait transgressé en même temps que le tribunal, après lui ou indépendamment. En effet, il a fait dépendre son acte de l’autorisation du tribunal… – voir

Quels sont les lieux de justice ?

« L’existence d’un cérémonial, d’un rite judiciaire, est un trait commun qui caractérise la pratique de la justice en Chine et en Europe. Le lieu de justice est un lieu distinct, « une aire […] retranchée du monde ordinaire » : un temple majestueux, un Palais-Royal, dans lequel l’on ne peut entrer sans remarquer la clôture qui le sépare de l’extérieur ; un « yamen », initialement un poste de commandement, autrement dit un lieu de pouvoir, de puissance. Le juge, qu’en Chine l’on appelait comme on appelle les dieux, en frappant un gong, et qui n’apparaît en Europe qu’après l’annonce à voix haute de « la Cour » ou après l’ouverture des portes de la salle d’audience, ne se regarde qu’avec révérence : il siège sur une estrade, surélevée, au centre de la pièce. Si la symbolique, d’un antipode à l’autre, ne revêt sans doute pas tout à fait la même signification, l’existence partagée d’un rituel judiciaire n’en est pas moins, je le crois, le reflet d’une idée commune et d’un sens commun de la justice : celle-ci tient du sacré et, à tout le moins, d’une catégorie universelle qui participe de la construction, pour une société donnée, de son identité. » – Jean-Marc Sauvé

La justice dans toutes ses déclinaisons, en particulier la fixation des lois, la discussion que celle-ci exige, mais aussi leur application, en appelle à la détermination de lieux, souvent solennels, investis de cette charge. De quoi nous rappeler ici à toutes sortes d’espaces qu’ils soient parlements, tribunaux, palais…. Où l’on trouvera par exemple sur notre chemin le premier parlement attesté en 930, l’Althing…

Le premier parlement islandais, l’Althing (en islandais : Alþingi), a été établi dans le parc national de Thingvellir en 930 après J.-C. – un drapeau se dresse aujourd’hui à l’endroit exact en guise de commémoration. Après avoir été dirigées pendant plusieurs siècles par un gouvernement très avancé pour l’époque, l’histoire et la politique de l’Islande ont changé lorsqu’elle a été conquise par le Danemark. Sous la domination coloniale, l’Althing a perdu tout pouvoir, sauf celui de tribunal, jusqu’au 19e siècle, lorsqu’un mouvement nationaliste croissant s’est répandu en Islande. Le désir d’indépendance s’est concrétisé par la création d’un nouveau Parlement islandais dans le même bâtiment que celui où il se trouve aujourd’hui, qui servait aussi à l’époque à stocker les œuvres d’art qui se trouveraient plus tard au Musée national d’Islande. Le 1er juillet 1881, la cérémonie d’ouverture du nouveau Parlement islandais a eu lieu dans la cathédrale luthérienne de Reykjavik, située juste à côté du bâtiment du gouvernement. Au cours des décennies suivantes, l’Althing a œuvré à l’indépendance de l’Islande, atteignant concrètement son objectif en 1944 avec la création de la République d’Islande… – voir

Moins ambitieux dans ses prétentions, décisif dans son activité au cœur des équilibres individuels et collectifs, témoignant une fois encore d’une diversité inouïe, quelle indéfinition donner à un tribunal ?

Tribunal – Lieu dans lequel des personnes habilitées ou requises se rassemblent autour de présentations et d’argumentations contradictoires, en vertu de systèmes juridiques ou moraux donnés, en vue de trancher des différends entre individus et/ou entités physiques ou morales dans l’intention de rendre justice. – voir

Et Robert Badinter de proposer au passage un rapprochement entre justice et théâtre :

La justice, comme le théâtre, rassemble devant un public les acteurs d’un drame pour essayer de déterminer les responsabilités de chacun et de prononcer un jugement équitable. Des deux côtés, il y a un lieu, des décors, un rituel, des costumes… Mais la différence majeure – vraiment majeure ! – entre une pièce et un procès criminel, c’est que le dénouement en justice n’est pas écrit à l’avance. – Robert Badinter – voir

Comment représenter symboliquement la justice ?

Il sera ici intéressant, dans le cadre même de la représentation de la justice, de nous attarder un instant sur les symboles usuels susceptibles de la désigner à la vue de tous. Figurant sur les frontons et frontispices, marquant les textes de leurs sceaux les plus divers, ils sont l’incarnation d’une vision, en l’occurrence que l’on considère intérieure puisque les yeux seront souvent bandés…

La représentation classique de la justice comme une femme les yeux bandés, ayant un glaive et une balance à la main correspond à la déesse grecque Thémis. Les Grecs connaissaient deux déesses de la justice, correspondant à deux types de justice : thémis, justice expiatoire (religieuse, intra-familiale), et dikè, justice réparatrice (politique, extra-familiale).

Le bandeau symbolise l’impartialité : la justice devrait être rendue objectivement, selon ce qui est juste en droit (positif), et non en fonction de qui juge, de ce qu’on juge, ou de qui est jugé.

Le glaive représente la dimension répressive de la justice : elle applique les peines. On peut aussi y voir l’idée que la justice décide, elle tranche sur ce qui est juste ou non.

Enfin la balance manifeste l’importance de l’appréciation : la justice évalue, elle jauge, et constate avant de décider. Elle écoute le pour et le contre (les deux cotés de la balance). – voir

Certes, bien d’autres traditions viendront enrichir notre palette symbolique tout en continuant à en pointer la solennité par la diversité des attributs. Y convierons-nous ainsi le dieu Yama présidant tout à la fois à la mort et à la justice ? Où nous serons rejoints par les symboles du bâton des morts, du lasso, de la hache, du poignard, ou encore par la désignation du véhicule des dieux (vahana), en l’occurrence un buffle…

Yama est entouré de divers assistants, de bêtes mythiques et d’apsaras. Cette antique divinité, probablement d’origine aryenne, comme en atteste le nimbe festonné qui le couronne, préside le tribunal des morts (Vicharabhu). Il est aidé dans sa tâche par Chitragupta qui lui présente la liste des actions des défunts et il rend justice par le bâton des morts couronné d’un crâne (khaṭvāṅga ou yamadaṇḍa), attribut encore visible de manière fragmentaire dans l’une de ses mains gauches. De ses autres mains, le dieu tenait sans nul doute un lasso (paśu), servant à piéger les âmes, une hache et un poignard. À la base de la stèle, deux dévots entourent la monture du dieu, un buffle, et le prient. Associée aux déités issues des RigVeda (Ṛgveda), la barbe symbolise cette antériorité et assimile Yama aux plus anciennes divinités du corpus védique. Yama compte parmi les gardiens de l’espace ou Aṣṭadikpāla. Au nombre de huit, ces divinités protectrices président aux points cardinaux et intercardinaux de l’édifice religieux, nichés sur les parois extérieures des temples où les pèlerins leurs rendent hommage lors de la circumambulation… – voir

Quelle est la place de la responsabilité en matière de justice ?

« Quand nous disons que l’homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire qu’il est responsable de sa stricte individualité mais de tous les hommes. » – Jean-Paul Sartre

Avant de conclure en illustrant brièvement cet Acte 5 par une série de champs et de domaines où s’active la justice, il est deux termes qui s’y révèlent à bien des égards. Le premier est la responsabilité qu’on lui associera. Non point seulement dans la charge juridique et légale de la culpabilité et de sa preuve éventuelle, mais dans la relation à l’existence que nous menons et à une autre charge, plus morale, inscrite dans les fondements de nombreuses civilisations et des apprentissages auxquels elle nous invite, souvent à l’âge qu’elles estiment opportun. Où l’on retrouvera par exemple sur notre chemin quantité de rites initiatiques par lesquels on atteint non pas simplement l’âge légal et automatique de la redevabilité, mais celui de la place et du rôle que notre devoir moral va désormais nous assigner… Et que dire de la responsabilité collective présente au fondement de nombreuses sociétés traditionnelles, comme il le semblerait chez les Aborigènes australiens.

« Le droit moderne exclut par principe de tenir les membres d’un groupe pour collectivement responsables de quoi que soit » (p. 270 – Justice et guerre en Australie aborigène – Christophe Darmangeat). Il se borne à ne punir que des individus ou des personnes morales ; ce qui reste éminemment symbolique en termes de responsabilité. Chez les Aborigènes australiens en revanche, et probablement dans la plupart des sociétés pré-étatiques, tout individu pouvait être considéré comme responsable des faits et gestes de son groupe. Dans les sociétés agropastorales, où la constitution de surplus est devenue possible, des formes de dédommagement d’un meurtre par exemple ont été instaurées afin d’éviter le déclenchement de vengeances en série, de vendetta, voire de guerres mettant en danger la survie même de la familles ou de la communauté tout entière de l’assassin – Patrice Brun – voir.

Une justice égale pour tous et toutes ?

« Article 1er – Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » – Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789

Dès lors que nous nous éveillons à cet idéal de justice, un second terme ne peut être oublié, c’est celui d’égalité et tout particulièrement de désigner jusqu’où nous portons l’idéal d’universalité du droit… Selon l’époque, selon notre hiérarchie des valeurs, renverrons-nous à la division sociale opérée en castes ou classes sociales diverses, conférant des droits et devoirs propres à celle où nous avons été élevés, élevés, déchus… Ainsi par exemple, de la distinction au sein du code de Hammurabi et des nuances de répartition, qu’elle appelle de la part des spécialistes :

Classiquement, les lois distinguent entre les libres et les esclaves pour évaluer la nature du préjudice et déterminer sa sanction et/ou son dédommagement. Mais une troisième catégorie est parfois ajoutée, désignée par le babylonien muškēnum et l’assyrien aššurāiau, termes qui ont été compris en référence à une classe intermédiaire de semi-libres… – Sophie Démare-Lafont – voir

Serons-nous les défenseurs acharnés d’une vision qui rendrait tous et toutes égaux devant la loi ? Ce ne sont pas les quelques lignes suivantes, traversant divers champs de justice, qui ne nieront pas la difficulté de le garantir, ni davantage le devoir de nous y employer…

Quelques domaines au regard de la justice

Combattre les inégalités ?

« Voir ce qui est juste et ne pas le faire est un manque de courage. » – Confucius

Bien des actions en justice défendent l’idée de combattre les inégalités. Toutefois quel est le périmètre d’une inégalité ? Où commence-t-elle ? En quoi nous concerne-t-elle dès lors que nous ne la subissons pas nous-même, ou en tout cas le supposons ?

Inégalité – Ce qui apparaît, au regard d’une échelle d’évaluation personnelle ou collective, comme relevant d’une différence de statut, de position (en particulier économique ou sociale), de droit, de traitement (par ex. salarial)… avec toutes les conséquences que cela représente dans le rapport à la vie, à ses activités, à la liberté ou encore à la dignité. Dès lors que l’on en prend conscience, cela suppose ou non que l’on s’emploie à la corriger ou la réduire. Renvoie donc fondamentalement à l’idée de justice et à l’idéal qui l’habite au nom d’une intervention souhaitable ou au contraire de sa récusation … voir

Les inégalités renvoient bien entendu à la société, et à la justice sociale. Rappellerons-nous qu’il existe une Journée mondiale de la justice sociale qui se tient le 20 février ?

La justice sociale est fondée sur l’égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour tous les êtres humains sans discrimination de bénéficier du progrès économique et social partout dans le monde. Promouvoir la justice sociale ne consiste pas simplement à augmenter les revenus et à créer des emplois. C’est aussi une question de droits, de dignité… voir

Comment protège-t-on les minorités ?

Il est peu de dire que le droit est souvent établi par rapport à une majorité détenant le pouvoir… Dès lors se pose la question des minorités et de leur prise en compte plus ou moins équitable. Qu’il s’agisse de différences de genre, de handicap, d’appartenance ethnique ou religieuse, de pratique linguistique, de métier… en quoi la justice intervient-elle et comment nous employons-nous – ou non – à la faire progresser ?

Article premier. Les personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques (ci-après dénommées personnes appartenant à des minorités) ont le droit de jouir de leur propre culture, de professer et de pratiquer leur propre religion et d’utiliser leur propre langue, en privé et en public, librement et sans ingérence ni discrimination quelconque… – Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques – voir

Quelle justice à l’égard du handicap ?

De même que la société fonctionne au regard de sa majorité, elle a tendance à fixer des normes de développement physique ou psychique, en-deçà desquelles survient la désignation d’un handicap, diversement accompagné ou tout simplement accueilli par la communauté.

Une forme de déficience qui est vue comme un handicap dans une culture ne le sera pas obligatoirement dans une autre. Le niveau de handicap d’une déficience peut donc être déterminé par l’attitude de la communauté environnante. Les superstitions, les mythes, les notions religieuses et le manque de compréhension déterminent les attitudes envers le handicap. Cela concerne de manière égale les gouvernements, les institutions, les ONG, les professeurs, les parents et bien sûr nous-mêmes. Ainsi, dans de nombreuses cultures les filles et les garçons handicapés voient leur dignité humaine diminuée, non seulement ils doivent se battre avec leur propre handicap mais ils ont aussi moins d’opportunités que les autres concernant leur développement individuel. Ils risquent d’être cachés comme s’ils étaient une sorte d’être humain inférieur. Ils risquent aussi d’être opprimés, abusés et exploités. Dans certaines cultures, avoir un enfant handicapé peut être vu comme honteux ou comme une punition de Dieu. Il existe même des croyances qui prétendent que le handicap peut affecter toute personne qui toucherait la personne handicapée… – voir

Le cas des albinos et de la superstition qui les entoure, constitue l’une de ces lignes rouges que franchissent bien des actes criminels…

Les personnes atteintes d’albinisme sont victimes de nombreuses formes de discrimination dans le monde. L’albinisme continue d’être profondément mal compris, aussi bien sur le plan social que médical. L’apparence physique des personnes souffrant d’albinisme est souvent l’objet de croyances et de mythes erronés découlant de superstitions, ce qui favorise leur marginalisation et leur exclusion sociale, qui, à leur tour, donnent lieu à toutes sortes de stigmatisations et de discriminations. Dans certaines communautés, ces croyances mettent en danger constant la vie et la sécurité des personnes atteintes d’albinisme. Et ces mythes millénaires sont présents dans les pratiques et attitudes culturelles des populations à travers le monde. (En 2015, le 13 juin a été adopté par les Nations Unies comme la date de la Journée internationale de sensibilisation à l’albinisme… voir

Au combat pour la dignité et la justice mené par le musicien malien Salif Keita, fera écho celui conduit sur d’autres fronts par Grégoire Ahongbonon, investi dans la lutte contre la souffrance mentale et l’exclusion dont sont victimes celles et ceux qui ont à la vivre…

« Ma mission est de rendre leur dignité aux personnes atteintes de troubles mentaux, en leur apportant des soins, un soutien et une aide à la réinsertion dans la société. L’association St Camille assure l’hébergement, le traitement médical et le suivi des anciens patients et de leurs familles et soutient leur réinsertion sociale et leur réhabilitation par la formation et l’éducation… » – Grégoire Ahongbonon

Quelle justice à l’égard des femmes ?

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » – Simone de Beauvoir

Parmi les grandes questions d’équité et de justice entre les êtres humains, se pose bien entendu celle du genre et tout particulièrement des droits des femmes. La question renvoie aussitôt à un spectre très large de situations : accès à l’égalité salariale, lutte contre le harcèlement, violences conjugales, féminicides, parité dans la représentation politique, sociale et médiatique, éducation des filles, le droit à l’avortement, la reconnaissance des douleurs menstruelles… Ces questions culminent dans le cadre des violences criminelles menées spécifiquement contre les femmes, ainsi que nous le pointons durant l’Acte I, en évoquant les deux Prix Nobel de la Paix 2018 Denis Mukwege et Nadia Murad :

« Si nous sommes indifférents au sujet des violences basées sur le genre, la terre et l’humanité sont en péril et nous sommes toutes.tous responsables ». – Denis Mukwege

Nous soutenons les demandes des survivants pour un monde où la violence sexuelle en tant qu’arme de guerre ne soit plus tolérée, et porte des conséquences pour les auteurs individuels et les États. Nous travaillons pour un avenir où les survivants recevront les soins et les compensations dont ils ont besoin pour reconstruire leur vie. Nous créons des opportunités pour que les survivants puissent s’exprimer et être entendus, et où ils puissent s’organiser pour créer le changement, influencer les politiques, et demander justice et responsabilité… – voir

Que l’on ne s’y trompe point pour autant, le combat pour cette reconnaissance des droits des femmes ne se limite pas à cette dénonciation de la barbarie et de la cruauté qui continuent de se déployer, souvent impunément. Il s’inscrit tout autant ainsi que les quelques domaines cités plus haut en attestent, dans la défense de droits acquis et si facilement remis en question. Il peut tout autant se traduire comme nous le soulignons durant l’Acte 4 et l’attention apportée aux femmes de sciences, dans la dénonciation de l’Effet Matilda…

La minimisation, quand il ne s’agit pas de déni, de la contribution des femmes scientifiques à la recherche n’est pas un phénomène nouveau : l’historienne des sciences Margaret Rossiter l’a théorisé sous le nom d’effet Matilda. Pour concevoir cette théorie, Margaret Rossiter a approfondi celle de Robert King Merton. Dans les années 60, ce sociologue s’est intéressé à la façon dont certains grands personnages sont reconnus au détriment de leurs proches qui, souvent, ont participé aux travaux à l’origine de cette renommée. Il élabore alors une théorie sur la façon inéquitable dont la gloire est partagée (…) Elle approfondit donc les recherches du sociologue, et nomme le fruit de ses propres recherches “effet Matilda” en hommage à la militante féministe Matilda Joslyn Gage qui, dès la fin du XIXème, avait remarqué qu’une minorité d’hommes avaient tendance à s’accaparer la pensée intellectuelle de femmes… – voir

Quelle justice en matière de genre ?

«  L’homosexualité est réprimée par la loi dans 69 pays du monde, selon le rapport 2020 de l’Association internationale des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes. Ce décompte recouvre des législations variables. Certains pays considèrent explicitement les relations entre adultes de même sexe comme un crime. D’autres États mentionnent dans leurs textes de loi des « actes contre-nature », « indécents » ou « immoraux », laissant la place à l’arbitraire des juges, ce dont les personnes homosexuelles sont victimes dans les faits. Les peines encourues peuvent aller d’amendes à la prison, en passant par des « thérapies » forcées, des coups de fouet, voire la peine de mort. Partout où l’homosexualité peut être punie par la loi, les personnes homosexuelles ou soupçonnées de l’être vivent dans la peur d’être arrêtées et condamnées ». – inegalites.fr

Dans la ligne directe de ce qui vient d’être énoncé, la justice en matière de genre, figure aujourd’hui au premier chef des débats les plus animés. Tandis que discrimination et ségrégation arpentent les humanités, jusqu’à l’emprisonnement, voire à la torture, tandis que les droits souvent inspirés par des positions religieuses ou idéologiques, affirment des positions souvent tranchées, comment avancer sereinement sur ces chemins où des luttes majeures se jouent ? où certains ont le sentiment de perdre leurs repères et d’autres aimeraient bien les trouver ?

Nous rappellerons-nous ici à l’histoire de l’Empire britannique et à la situation dans laquelle des dizaines de milliers de personnes comme Alan Turing ont fini par se retrouver, broyées par une machine implacable…

Amendement Labouchere – Section 11 de la loi d’amendement du droit pénal de 1885 qui a fait de la « grossière indécence » une infraction pénale au Royaume-Uni, principalement lorsque la sodomie réelle ne pouvait être prouvée. La loi sur les délits sexuels de 1967, a partiellement décriminalisé le comportement homosexuel masculin. Texte : « Toute personne de sexe masculin qui, en public ou en privé, commet, ou participe à la commission, ou procure ou tente de procurer à toute personne de sexe masculin la commission de tout acte de grossière indécence avec une autre personne de sexe masculin, est coupable d’un délit et, si elle est reconnue coupable, est passible, à la discrétion de la Cour, d’une peine de prison n’excédant pas deux ans, avec ou sans travaux forcés. »… – voir

Défendre le droit dans le cadre du travail ?

« S – Eh bien donc ! repris-je, jetons par la pensée les fondements d’une cité ; ces fondements seront apparemment, nos besoins.

A – Sans contredit.

S – Le premier et le plus important de tous est celui de la nourriture, d’où dépend la conservation de notre être et de notre vie.

A – Assurément.

S – Le second est celui du logement ; le troisième celui du vêtement et de tout ce qui s’y rapporte.

A – C’est cela.

S – Mais voyons ! dis-je, comment une cité suffira-t-elle à fournir tant de choses ? Ne faudra-t-il pas que l’un soit agriculteur, l’autre maçon, l’autre tisserand ? Ajouterons-nous encore un cordonnier ou quelque autre artisan pour les besoins du corps ? – Certainement. – Donc, dans sa plus stricte nécessité, la cité sera composée de quatre ou cinq hommes.

A – Il le semble.

S – Mais quoi ? faut-il que chacun remplisse sa propre fonction pour toute la communauté, que l’agriculteur, par exemple, assure à lui seul la nourriture de quatre, dépense à faire provision de blé quatre fois plus de temps et de peine, et partage avec les autres, ou bien, ne s’occupant que de lui seul, faut-il qu’il produise le quart de cette nourriture dans le quart de temps des trois autres quarts, emploie l’un à se pourvoir d’habitation, l’autre de vêtements, l’autre de chaussures, et, sans se donner du tracas pour la communauté, fasse lui-même ses propres affaires ? […] »

Platon – République

Non moins intéressant et déterminant est le rapport de la justice au travail. Avant de l’ériger en valeur libératrice, nous héritons en ces domaines d’une histoire de corvée et de servage, de labeur, de peine mais aussi d’esclavage qui en dit long sur la conception de la répartition des tâches et ce faisant, de la justice qui les accompagne. Où de nouveau, se révèlent la segmentation sociale et la distribution peu équitable qui la traverse…

La liberté est un statut qui s’oppose dans l’Antiquité grecque à celui d’esclave. Le travail est considéré par les citoyens Grecs libres comme un enchaînement à la nécessité : il faut cultiver la terre, s’occuper du bétail etc. On n’a pas le choix, sauf à faire exécuter ce labeur par quelques autres. L’homme est enchaîné à la nécessité de travailler pour extraire de la terre de quoi se nourrir, construire un abri, se défendre, élever ses enfants etc. Le terme grec désignant l’artisan (banausos) est péjoratif chez les Grecs. Le travail désigne les activités qui déforment le plus les corps. L’homme qui travaille est méprisé, l’esclave quant à lui ne jouit d’aucun droit. L’homme qui ne travaille pas peut au contraire disposer de son temps, il est respectable car il se sert des parties nobles de son âme à des activités intellectives. Il jouit de droits qui le protègent, et participe à la vie politique de la Cité. Il faut en effet être oisif, vivre une vie de loisirs pour se consacrer à l’étude (skholè) ou à la vie politique… – voir

Alors bien entendu, s’avance la longue marche de la justice qui n’est certes pas sans obstacles… Ainsi de la lutte en vue de l’abolition de l’esclavage et de toutes les situations qui en ont écrit l’histoire…

Le Treizième amendement de la Constitution des États-Unis fut adopté par le Congrès le 6 décembre 1865. Section 1. Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n’est en punition d’un crime dont le coupable aura été dûment condamné, n’existeront aux États-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur juridiction… – voir

Jusqu’à arriver bien entendu à sa reconnaissance moderne, dans le cadre de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme…

Art. 23

1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.

2. Toute personne a droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.

3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant, ainsi qu’à sa famille, une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.

4. Toute personne a le droit de fonder des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. – voir

Qu’en est-il du droit des enfants ?

S’il est une autre catégorie de personnes qui réclament une justice plus éclairée, plus protectrice, relevant la disparité de situations honteuses incluant esclavage, exploitation sexuelle, enrôlement forcé dans les milices (enfants-soldats), sous-nutrition, déscolarisation, analphabétisme, ce sont bien sûr les enfants… Ainsi l’ancien Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, de reconnaître :

Nous, les adultes, avons malheureusement failli à notre devoir de défendre tous vos droits. Un tiers d’entre vous ont souffert de malnutrition avant l’âge de 5 ans. Un quart d’entre vous ne sont vaccinés contre aucune maladie. Presque un cinquième d’entre vous ne vont pas à l’école (…) C’est à nous, adultes, qu’il incombe de corriger toutes ces situations qui reflètent nos manquements… – voir

Comment élever l’humanité à la pleine et irrécusable reconnaissance des droits fondamentaux de tout enfant ? Comment mettre en application la Convention internationale des droits de l’enfant, toute la convention.

La Convention comporte 54 articles énonçant que chaque enfant a :

  • le droit d’avoir un nom, une nationalité, une identité
  • le droit d’être soigné, protégé des maladies, d’avoir une alimentation suffisante et équilibrée
  • le droit d’aller à l’école
  • le droit d’être protégé de la violence, de la maltraitance et de toute forme d’abus et d’exploitation
  • le droit d’être protégé contre toutes les formes de discrimination
  • le droit de ne pas faire la guerre, ni la subir
  • le droit d’avoir un refuge, d’être secouru, et d’avoir des conditions de vie décentes
  • le droit de jouer et d’avoir des loisirs
  • le droit à la liberté d’information, d’expression et de participation
  • le droit d’avoir une famille, d’être entouré et aimé

La convention met en avant quatre principes fondamentaux concernant les enfants : la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de vivre, survivre et se développer ainsi que le respect des opinions de l’enfant. Trois protocoles facultatifs ont été ajoutés au texte principal. Le premier vise à protéger les enfants contre le recrutement dans les conflits armés, le deuxième concerne la vente d’enfants (à des fins de travail forcé, adoption illégale, don d’organes…), la prostitution ainsi que la pornographie mettant en scène des enfants. Le troisième définit la procédure internationale qui permet à tout enfant de déposer une plainte pour violation de ses droits, directement auprès du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, lorsque tous les recours ont été épuisés au niveau national.

Comment le numérique transforme-t-il dans la forme et le fond notre rapport à la justice ?

Avant de conclure ce tour d’horizon succinct initié par cet Acte 5 abordant diverses questions inhérentes à la justice et à l’idée que nous nous en faisons, il paraissait opportun de renvoyer à un autre Acte qui ne saurait manquer de s’y coordonner: celui sur le numérique (Acte 10). En effet, que ce soit dans le droit à la protection des données, le droit à la déconnexion, la lutte contre le cyberharcèlement, l’accès libre à Internet, la liberté d’expression dans son extension et ses limites (au regard de la diffamation, des contenus discriminatoires ou haineux…), l’ensemble des questions que nous venons ici d’évoquer traverse le monde numérique et pose clairement une série de défis à notre entendement…

… Les blogueurs et les journalistes citoyens sont-ils considérés comme des journalistes et doivent-ils bénéficier des mêmes protections en matière de liberté d’expression ? Comment les États doivent-ils réglementer le fait de retweeter ou de repartager des discours de haine ? Qu’en est-il de la réglementation relative aux déclarations diffamatoires provenant de comptes anonymes ? Les décideurs politiques et les tribunaux du monde entier sont activement confrontés à ces défis… – voir

Saurons-nous relever ces défis ? Saurons-nous nous préparer aux bouleversements d’ampleur que l’intelligence artificielle, l’automatisation, la surveillance accrue et tant d’autres continueront de promouvoir de manière désordonnée ou plus instruite ? Et si le numérique était l’occasion inattendue de revisiter l’ensemble des lignes que nous venons d’esquisser en matière juridique, dans le rapport à l’enfance, au genre, au travail, aux inégalités…, questionnant plus largement l’idée éthique du monde dans lequel nous souhaitons vivre ?


EPILOGUE

Une histoire japonaise sur les chemins, visant à un partage équitable…

Une personne marchait lorsque par mégarde une bourse tomba de sa ceinture. Vint une seconde personne qui la trouva sur son chemin. Selon les codes d’honnêteté en usage, cette dernière s’empressa de rejoindre l’infortunée qui l’avait perdue et l’enjoignit de reprendre son bien. Ce à quoi l’autre, selon les mêmes codes, assura qu’elle n’en ferait rien car un bien perdu doit appartenir à celui qui le trouve. Ne pouvant trancher, les deux compères décidèrent de se rendre devant le juge. Celui-ci écouta attentivement leur requête et décida la chose suivante. Il compta tout d’abord les ryōs contenus dans la bourse : il y en avait trois ! Puis il ajouta une quatrième pièce de sa poche, et en donna deux à chacun. Après cela, il encouragea à observer que le possesseur de la bourse aurait dû avoir trois pièces, or il n’en avait désormais plus que deux. Le second aurait pu en gagner trois, mais il n’en avait également que deux. Quant à lui, juge, il en avait perdu une. Ainsi donc tous trois étaient-ils à présent au même point. Chacun avait perdu une pièce, ce qui était en soi équitable. – voir

Et voici qu’une autre réflexion nous parvient, encourageant à une autre forme de partage équitable…

Il y a beaucoup de confusion au sujet du salut du fait que nous n’avons pas toujours une définition biblique de la justice. Pour la plupart, la vraie justice est de traiter tous également. Je lègue 400 000 $ et j’ai quatre enfants ; je dois léguer 100 000 $ à chacun. Si j’ai un enfant qui a un handicap qui l’empêche de travailler, est-ce juste que je lui lègue le même montant qu’aux autres qui peuvent travailler ? Si parmi les trois autres, il y en a deux qui travaillent dur pour faire vivre leurs familles pendant que l’autre ne fait rien et qu’il ne veut pas travailler, est-ce juste qu’il reçoive le même montant ? Notre notion de justice n’est vraiment pas bien balisée. La justice de Dieu est très simple : ce qui est juste est ce qui est conforme à la loi de Dieu… – Wayne Grudem, Théologie systématique – voir

A l’instar de ces deux dernières considérations du partage équitable, ou tout du moins du questionnement qu’il inspire, nous sortons de cet Acte 4 avec une petite certitude, ou au moins un moindre doute. Celui-ci tient à la variabilité de tous les termes que nous venons ici de mobiliser, aussi hâtivement soit-il… Si le mot même de « partage » est si difficile à saisir, que dire de tous ceux que nous avons mobilisés, et qui méritent que nous les reprenions un à un, précisément sans hâte ? Et plus encore comment ne pas voir dans leurs interactions constantes, leur tissage, leur dialogue, une ferme invitation à en prolonger l’enquête. La question de la justice n’est pas moins que celle qui peut nous aider à bâtir un monde meilleur, plus équilibré, plus digne, plus respectueux de chacun, et des autres espèces. Il est une condition essentielle à cela, qui renvoie à l’Acte 15 des « Dialogues du 21 » et se formule ainsi :

Comment éduquer à la justice ?

Juste ou pas juste ? Cette question traduit ce qui se joue dans toute relation interpersonnelle : la recherche d’équilibre entre les rapports humains, au sein des groupes sociaux. Elle interroge la capacité de l’homme à s’ajuster à soi, aux autres, à son environnement, à Dieu. Elle nous interpelle tant il est urgent, en ce monde incertain et aux profondes mutations, de sensibiliser les jeunes et les adultes à la justice, au service et à l’engagement au nom d’un meilleur vivre ensemble – voir

Petit dictionnaire LEXIS21 en guise d’ouverture à la suite de l’Acte 5 :

abolition de l’esclavage – abus – accusation – accusé.e – acquitter – acte – action – administration – adoption illégale – adulte – adultère – âge légal – aide – alimentation – amende – analphabétisme – analyse – anonymat – appartenance – appel – application – arbitraire – arrêt – arrêter – article – automatisation – autorisation – autorité – autre – aveu – avocat – avortement – balance – bandeau – barbarie – bâton – besoin – Bible – bien – Bouddhisme – buffle – cas – cassation – caste – cérémonial – certitude – charia – charte – châtier – châtiment – chemin – Christianisme – civiliste – classe sociale – code – codifier – coercition – commandement – commentateur.rice – commerce – common law – communauté – compensation – condamnation – condamner – conflit – conformité – confronter – Confucianisme – conscience – conseil – conséquence – constitution – constitutionnel.le – conte – contradictoire – contrefaçon – contre-nature – contrevenir – conviction – Coran – corriger – corvée – costume – coupable – cour – courage – coutume – coutumier.ère – crédibilité – crime – cruauté – culpabilité – culture – cyberharcèlement – danger – débattre – décider – décision – décriminaliser – dédommagement – défenseur – délit – déni de justice – dénouement – départager – déscolarisation – devoir – diète – dieu – diffamation – différend – dignité – discernement – discours – discrimination – disculper – dispute – diversité – doctrine – domination – don d’organes – dossier – doute – drame – droit – droit à la déconnexion – droit à la protection des données – droit canonique – droit civil – droit continental – droit coutumier – droit criminel – droit hindou – droit mixte – droit musulman – droit religieux – droit romano-civiliste – droit romano-germanique – droit talmudique – droits – droits de l’homme et du citoyen – dû – école – économie – écouter – écriture – éducation – effet – égalité – égoïsme – élément – empathie – emprisonnement – enfant – enfant-soldat – engagement – enquête – enrôlement – enseignement – épreuve – équilibre – équitable – équité – erreur – esclavage – esclave – éthique – ethnie – être humain – évaluer – exclusion – exécution – exécutoire – exégète – expiatoire – exploitation – faible – faiblesse – fait – famille – faute – faux – féminicide – femme – finalité – fiqh – foi – fonctionnaire – force – fouet – gacaca – génocide – genre – glaive – gouvernement – gouverner – gravité – guerre – guide – habiliter – habitus – hache – haine – handicap – harcèlement – harmonie – hiérarchie – histoire – homme – homosexualité – honnêteté – idéal – identité – illégitime – immoralité – impardonnable – impartialité – imperfection – impuissance – impunément – incriminer – indécence – individualité – inégalité – inéquitable – infraction – infraction – ingérence – injuste – injustice – innocence – innocenter – inquisitoire – instance – institution – instruction – intègre – intelligence artificielle – intérêt – interprétation – involontaire – Islam – jauger – Judaïsme – judiciarisation – jugement – juridiction – juridique – jurisprudence – jury – juste – justice – justice sociale – labeur – langage – langue – lasso – légal.e – légende – législateur.rice – législation – liberté – liberté d’expression – liberté d’information – liberté de participation – libre – logique – loi – loi du plus fort – loi positive – main de justice – majorité – mal – maladie – malnutrition – maltraitance – mariage – méchant.e – mensonge – menstruations – mentir – mérite – méthode – métier – minorité – mission – morale – mort – mutilation – mythe – naissance – nationalité – nature – nécessité – nom – non-discrimination – norme – numérique – obéissance – obligatoire – officiant.e – opinion – opposition – oralité – ordalie – ordre – origine – palais – Palais-Royal – paradoxe – pardon – parfait.e – parité – parlement – parole – partage – partager – partie – péché – peine de mort – peine – pénal.e – peuple – peur – philosophie – pitié – plaidoirie – plaignant.e – poignard – politique – pornographie – porte – pouvoir – pratique – précédent – préjudice – prérogative – présumé.e – prêtre – preuve – preuve négative – preuve positive – prévenu.e – principe – prison – privé – procédure – procès – progrès – prophète – proportionnel.le – propriété – prostitution – protagoniste – protection – prouver – proximité – public – puissance – punir – rabbinique – raison – rapport – redevabilité – refuge – registre – règle – règlement – régularité – régulation – réparation – repère – réprimer – réprimer – rescapé.e – respecter – responsabilité – révélation – révérence – rite – sacré.e – sacrifice – sage – sagesse – salaire – salle d’audience – salut – sanction – sanctionner – savoir – secours – sécurité – ségrégation – semi-libre – sentiment – serment – servage – servitude – sévérité – sexe – sincérité – société – solution – soumission – sous-nutrition – spirituel.le – statut – stigmatisation – succession – superstition – surveillance – symbole – symbolique – syndicat – système – système juridique – table – témoin – temple – texte – théâtre – thérapie forcée – tolérer – Tora – tort – torture – tradition – transgresser – transgression – travail – tribunal – tyrannie – universalité – usage – utilité – valeur – vérité – vérité judiciaire – version – vertu – violation – violence – violence conjugale – voie – voisinage – vrai.e – yamen…

(à compléter par vos soins…)