Gandhi. Un nom qui ne laisse généralement pas indifférent.
Une personnalité que l’on se représente le plus souvent dans sa vieillesse, drapé de coton blanc et portant des lunettes rondes, éventuellement en compagnie de son rouet.

Une personnalité que l’on attache bien entendu à l’Inde, et plus particulièrement à l’indépendance acquise sur l’Empire britannique en 1947.
Nous proposons ici de réaliser ensemble un pantopique de Gandhi, en visitant ou revisitant quelques-uns des repères susceptibles d’évoquer sa vie, ses engagements, son œuvre et la trace qu’il a pu laisser dans le monde.

Bien sûr, il y a autant de pantopiques de Gandhi possibles qu’il est de manières différentes de raconter une personnalité aussi riche, aussi centrale à une multitude de défis et des manières d’y répondre… Les choix effectués n’ont donc pas vocation à dire ce qui DEVRAIT être dit, mais à partager quelques éléments de ce qui pourrait l’être, parmi l’infinité des possibles, libre à chacun d'y associer les compléments à ses yeux indispensables...

ÉCOUTER

Notre premier temps « ECOUTER » nous met aussitôt devant une avalanche de possibles. Qui écouter en effet pour nous parler de Gandhi, cet être si particulier dans l’histoire de l’humanité ? Les candidats et les situations sont légion, faisant appel à nombre de nos 52 repères… Certains y sont des plus attendus, issus tout particulièrement de l’entourage politique de Gandhi, d’autres sont plus rares ou inattendus. À ce dernier titre, que dit par exemple l’acteur Charlie Chaplin au sujet de leur rencontre en 1931 en Angleterre ? Si Gandhi déclina dans un premier temps la demande d’audience, son entourage eut raison de ses réticences et l’entretien eut effectivement lieu… Mais parmi ceux qui comptèrent grandement dans l’entourage de Gandhi, citons Tagore (1861-1941), de son nom complet, Rabīndranāth Thākur, compositeur, écrivain, philosophe. Prix Nobel de littérature en 1913, celui-ci s’engagea également dans le mouvement pour l'indépendance de l'Inde [swaraj] et une relation complexe le lia à Gandhi, tantôt en accord, tantôt en désaccord… C’est sans doute chez un des plus proches de Gandhi, le Pandit Nehru (1889-1964) lequel sera le premier Premier ministre de l’Inde indépendante, que les échos à cette relation sont les plus explicites. Quelques années avant la mort de Tagore, celui-ci faisant état de leur personnalité respective, assurera qu’ils présentaient « des aspects différents aux multiples facettes… » Profitons de l’intervention du pandit Nehru pour accueillir la parole de quelques interlocuteurs politiques de Gandhi. Commençons pour cela par Vallabhbhai Patel (1875-1950), leader nationaliste et originaire, comme Gandhi, de l’Etat du Gujarat. S’il ne lui accorda tout d’abord guère d’intérêt, il changea fondamentalement d’avis lui reconnaissant « d’être sincère, et d’avoir consacré toute sa vie et tout ce qu'il avait à la cause qu'il servait, habité par le désir de libérer son pays de l'esclavage ». Gandhi fréquenta bien entendu tous les ténors politiques de l’Inde, parmi lesquels on comptera indiscutablement Mohammad Ali Jinnah, le futur premier président du Pakistan. Parmi les personnes qui l’ont approché de près, dès l’Afrique du Sud, l’on peut également compter Charles Freer Andrews (1871-1940), un missionnaire anglican britannique. Gandhi avec lequel il lui arrivait d’avoir quelques désaccords mineurs, le nommait Deenabandhu (« l’ami des démunis ») ou encore « l'apôtre fidèle du Christ » [Christ’s Faithful Apostle, ce qui par amusement, correspond à ses initiales : C.F.R.]. Andrews éprouvait une profonde admiration pour Gandhi.

Mais bien entendu, lorsqu’on évoque le fait d’écouter en ce pantopique, comment ne pas donner la parole à Gandhi lui-même qui n’a pas manqué tout au long de son existence de partager sa pensée sous les formes les plus diverses, commentant les principaux actes et événements de sa vie, partageant quantité d’aphorismes que la postérité va parfois amplifier. Cependant qu’on ne s’y trompe pas, la parole de Gandhi portait tout autant sur les aspects les plus divers de sa vie quotidienne. C’est ainsi qu’il peut se moque de sa propre tentative de se couper les cheveux, ou de repasser un col de chemise, tout en mentionnant dans la foulée l’importance de définir la pensée, le bonheur, la justice…

CONNAÎTRE

Nous voici dès lors projetés dans une destinée tourbillonnante alors que des noms de personnes, de lieux, de langues, alors que des enjeux politiques & sociaux, se profilent à travers les quelques témoignages partagés lesquels en appellent quantité d’autres ! Mais, nous voici à présent dans le second temps du pantopique, appelant à de multiples connaissances, notions, faits liés à Gandhi… Prenons le temps d’en convier quelques-uns à rejoindre notre cercle, à commencer par l’ahimsa, un terme sanskrit qui signifie « non-violence », et renvoie au « respect de la vie ». On profitera de cette ouverture sur un autre concept central à la pensée et à l’œuvre de Gandhi, le satyāgraha, littéralement s'en tenir fermement à la vérité ou à la force de la vérité). C'est le résultat direct de son adhésion, dans toutes ses actions, à la vérité et à la non-violence, les deux principes cardinaux de sa vie et de sa pensée.

Tandis que nous pourrions citer à propos de l’ahimsa l’épopée du Mahabharata, il est important de rappeler l’attachement de Gandhi à une partie essentielle de cette vaste épopée qu’est la Bhagavad-Gita भगवद्गीता . Se traduisant par « le chant du Bienheureux », elle offre en 18 chapitres l’un des écrits fondamentaux de l'hindouisme. La Bhagavad-Gita nous raconte l’histoire de Krishna & Arjuna alors que ce dernier, à la veille d’une terrible bataille, est en proie au doute. Il n’est donc pas très étonnant que Gandhi y ait trouvé une force, un plein réconfort, aux moments les plus critiques de son existence… *
Un autre terme est évidemment décisif dans le parcours de Gandhi, c’est celui-là même d’indépendance, dite swaraj स्वराज … Terme hindi qui associe swa : « par soi-même », et raj- : « gouvernement ». Qui de mieux que Gandhi lui-même pour nous en partager la connaissance avec un certain nombre de nuances…

Associons à présent un autre mot à ces termes représentatifs de l’engagement de Gandhi, celui de hartal. Utilisé dans de nombreuses langues asiatiques, il désigne une forme de protestation pacifique, que Gandhi va hautement populariser.
Enfin la connaissance qu’appelle le pantopique de Gandhi suppose en outre de piocher dans une chronologie où quantité de moments mériteront d’être retenus afin d’en éclairer le parcours, les révélations, les épreuves, les résolutions… Chronologie au sein de laquelle, bien des figures, certaines citées, ainsi que beaucoup d’autres, sont appelées à se croiser, se compléter, se contredire parfois… Une fois encore, il serait vain d’imaginer une « connaissance » absolue de Gandhi, mais une infinité de fragments dans lesquels nous pourrons continuer à puiser sans hâte… Alors pour situer cette existence au travers de quelques moments clés, commençons bien sûr par sa naissance…

En 1942 Gandhi lance le mouvement « Quit India ». Il est temps désormais d’exiger le départ immédiat des Britanniques de l'Inde. Il s’ensuit des arrestations massives qui n’auront pas raison de sa détermination bien au contraire. Et finalement l’indépendance de l’Inde vient en 1947, mais se concrétise à travers deux nations, l'Inde et le Pakistan [regroupant alors le Pakistan occidental et le Pakistan oriental, qui deviendra le Bangladesh en 1971]. Gandhi s'oppose à cette partition sans arriver pour autant à faire entendre sa voix pour une réconciliation entre les communautés hindoues et musulmanes. Un nombre incalculable de victimes en résultera et le jour de l'indépendance, le 15 août 1947, Gandhi ne participe pas aux festivités demeurant seul à Calcutta, portant le deuil de l'unité de l'Inde et travaillant à l'arrêt des violences…

COMPRENDRE

Il est alors temps de traverser ou retraverser un certain nombre de lignes que nous avons partagées jusqu’ici pour tenter de formuler avec ce troisième temps : « COMPRENDRE », quelles questions le pantopique de Gandhi amène avec lui. Bien entendu, il ne s’agit pas ici de relayer quelques questions préétablies et applicables à tout profil indépendamment de sa singularité. Mais tout au contraire de nous interroger sur chaque pantopique de manière distincte. Une fois encore, il n’y a pas de questions « obligées » et d’autres qui mériteraient d’être jugées « secondaires » ou « accessoires ». Nous partons ici de l’idée que la réflexion sur un « col de chemise » ou une « lecture » privilégiée peuvent ouvrir à des compréhensions tout aussi décisives que celles d’un « titre officiel » ou d’une « idéologie »… Partons donc sur ce chemin de quelques questionnements vagabonds…

Reflétant et prolongeant divers développements que nous avons partagés, nous pourrions par exemple nous demander… « Quels sont les concepts majeurs sur lesquels s’est appuyé Gandhi ? » ou encore « Quelles personnes Gandhi a-t-il côtoyées tout au long de son existence ? ». Mais pour continuer à varier les registres, introduisons quelques autres thèmes en cherchant donc à comprendre : Qui Gandhi a-t-il influencé ? et comment s’est exercé cette influence ? Si Nelson Mandela, voire le 14ème dalaï-lama, Tenzin Gyatso, ont revendiqué à un titre ou un autre une influence ou une inspiration venant directement de Gandhi, le nom qui ne tardera pas à revenir parmi les plus cités, est incontestablement celui de Martin Luther King Jr. Comment celui-ci a-t-il découvert la pensée du Mahatma ? Mais aussitôt une autre question, en miroir de la précédente, survient. Si l’on a souvent tendance à observer l’influence exercée par Gandhi, demandons-nous : Qui a influencé la pensée de Gandhi ? et de quelle manière ?
Parmi les figures qui s’imposent d’emblée, on notera l’écrivain russe Léon Tolstoï (1828-1910) lequel, outre sa production romanesque, fut très critique des pouvoirs civils et ecclésiastiques. Une correspondance le relia à Gandhi vers la fin de sa vie, en particulier autour d’un texte : Lettre à un Hindou que Tolstoï publia en 1908. Associerons-nous à ce premier influenceur, le philosophe, naturaliste et poète américain Henry David Thoreau (1817-1862)… Ou encore l’écrivain, poète, peintre et critique d'art britannique, John Ruskin (1819-1900). Auteur de divers ouvrages qui vont assurer sa célébrité, dont Unto This Last…

Nous poursuivons notre questionnement en nous intéressant aux différents cadres de vie qui ont accueilli l’existence de Gandhi. Nous porterons alors notre regard sur sa relation à ses engagements communautaires successifs, à travers plus particulièrement la notion d’ashram. Plusieurs lieux y feront écho qui renvoient à différentes étapes de son existence. On y trouvera le Phoenix Settlement, établi en 1904 en Afrique du Sud, suivi en ce même pays par la Tolstoy Farm établie en 1910, renvoyant bien entendu à sa découverte de l’écrivain russe. Plus célèbre que ses prédécesseurs, l’Ashram de Sabarmati fut fondé en 1915 à Ahmedabad lors du retour de Gandhi en Inde. Enfin un dernier ashram sera fixé après la marche du sel en 1930 : le Sevagram Ashram qui se situe près de Wardha, dans l'État du Maharashtra. Ce fut son lieu de résidence principal jusqu'à la fin de sa vie.

Si l’on se demande quels autres lieux nous pourrions lier à Gandhi, on pourrait encore citer le Kirti Mandir, un sanctuaire commémoratif situé à Porbandar, dans le Gujarat, en Inde, établi en souvenir de Mohandas Karamchand Gandhi et de son épouse Kasturba. Il ne serait pas non plus des plus inintéressants en termes de lieux, de mentionner les nombreuses prisons où Gandhi a eut le temps de mesurer les conséquences & effets de sa vie d’opposition non-violente. Parmi ces endroits, citerons-nous la prison centrale de Yerwada à Pune au sein de laquelle il écrivit certaines de ses œuvres emblématiques.

Une autre question nous vient à l’esprit qui aura sa place en ce troisième temps, portant sur les termes employés afin de nommer Gandhi ou, de son vivant, de s’adresser à lui. Bien entendu le terme d'origine sanskrite de « Mahâtmâ » महात्मा est l’un des plus utilisés : le « Mahâtmâ Gandhi ». Ce mot signifie « grande âme », terme que Gandhi n’aurait jamais trop apprécié.

SE COMPRENDRE

Alors que des fragments du pantopique continuent à se sédimenter, nous abordons le quatrième temps visant à relever des éléments de dialogue. Avec « SE COMPRENDRE », tout le principe à ce stade est d’inviter à dépasser les lieux de querelle, d’opposition, en défendant partout où cela se peut, une approche d’échange, de partage, de discussion aussi apaisée que possible. Requérant une écoute réciproque, la vérification d’éléments de connaissance, mais aussi le désir de compréhension sincère, et non d’une posture fondée sur des a priori et préjugés diversement conscients, la visée du pantopique est d’en débattre, supposant bien entendu que l’on soit dans des systèmes de pensée ou dans des environnements qui l’autorisent.

En vérité, ce ne sont pas les débats nourris qui manquent dès lors que l’on évoque l’existence de Gandhi. Ainsi par exemple de certaines dénonciations avançant que son attitude à l’égard des populations noires en Afrique du Sud aurait manqué d’universalité. Les tenants de cette approche lui reprocheraient d’avoir prôné un activisme centré sur les droits des Indiens en semblant exclure les intérêts des populations noires. D’autres remarques peuvent également porter sur le vocabulaire qui était à l’époque le sien, jugé rétrospectivement discriminatoire. Autant de points qui invitent, comme dans chaque destinée humaine, a fortiori sous les feux de la célébrité, à recontextualiser son action, tout en reflétant les contradictions inhérentes à tout parcours, comme l’évolution que l’on peut observer dans les opinions et actions, tout au long d’une vie d’engagement...

Quant à ceux qui préfèreront à ces débats, rappeler la continuité de combat entre Gandhi et le plus représentatif des sudafricains, Nelson Mandela, partageons un propos tenu par Yogendra Kumar, ancien ambassadeur indien, lors de la Journée internationale Nelson Mandela du 18 juillet...

Evoquons également un tout autre débat, en lien avec les lettres que Gandhi adressa à Hitler, dans la tentative de dissuader le dictateur allemand de poursuivre la voie de la guerre… Lisons ainsi la première d’entre elles, datant du 23 juillet 1939, écrite depuis Wardha que nous venons de quitter...

Un autre grand sujet de discussion tient au fait que malgré la force et la portée de son œuvre, et malgré le fait que son nom y ait été avancé à cinq reprises [1937, 1938, 1939, 1947 et 1948], Gandhi n’a jamais obtenu le Prix Nobel de la Paix. Les raisons, ou ce qui est censé en tenir lieu, en ont été avancées par différents membres du Comité… et chacun se fera son opinion.

Et pourquoi ne pas conclure provisoirement notre collecte de sujets de débat, en prêtant écoute à un thème récurrent de réflexion dans l’existence de Gandhi, celui de la sexualité. En particulier en matière d’abstinence, mais aussi de diverses pratiques qui font débat…

COMMUNIQUER

Nous voici donc parvenus au cinquième et dernier temps du pantopique : « COMMUNIQUER ». Tout le principe est ici de collecter des formes de synthèse, plus ou moins larges, afin de pouvoir communiquer sur le sujet que ce soit à travers des symboles, des contes & légendes, des œuvres artistiques, des conférences spécialisées, des journées internationales ou mondiales…

Puisque nous parlons de communication, prenons tout d’abord le temps de nous mentionner les langues employées par Gandhi, renvoyant à la nature même de la mémoire qu’il a laissée.

Venons-en alors à quelques communications majeures qui tournent autour de Gandhi, de sa vie, de son œuvre… Bien sûr, un film s’impose d’emblée produit par Richard Attenborough et sorti en 1982m ou plus récemment en 2023, « Gandhi Godse - Ek Yudh » de Rajkumar Santoshi...

Dans un tout autre registre de communication possible autour ou à partir de Gandhi, que dirions-nous de saisir la Journée internationale de la non-violence célébrée le 2 octobre, jour anniversaire de la naissance du Mahatma Gandhi ?

Enfin que diriez-vous de quitter ce cinquième temps, en partageant un extrait de la Bhagavad-Gita, au sein duquel Krishna s’adresse au guerrier Arjuna…

ALLER PLUS LOIN

Ainsi se suspend, provisoirement, la première version de ce pantopique consacré à Gandhi. Moment requis pour nous rendre compte à quel point celui-ci est incomplet et subjectif, n’ayant, heureusement pour lui, jamais affiché qu’il couvrirait une immensité que les spécialistes du sujet pourraient prolonger à tous les niveaux… Mais peut-être aura-t-on également retenu que l’exhaustivité ou la fixation de repères « absolus » ne font pas partie de la démarche visée… Le pantopique est une introduction au voyage, un compagnon qui tente de se préserver de toute prétention, tout en se rappelant fortement à la mission de la Pantopie : nous accompagner dans la constitution & la consolidation de notre répertoire tout en contribuant à des formes diverses d’échange mutuellement respectueux. Ainsi que le générique le pointera, quelques dizaines de ces repères y ont été convoqués et bien entendu, ils s’inscrivent à leur tour dans une spirale pantopique qu’il appartient à chacun, à chacune de questionner et étendre…

Alors pour conclure vraiment, une dernière petite histoire qui assurera le relais…