On les appelle souvent « Eskimos », mais c’est un exonyme, nom donné de l’extérieur.
Eux se nomment « Inuits », un autonyme, nom qu’un peuple se donne à lui-même, signifiant « les humains »…
Répartis autour du cercle polaire, le monde inuit s’y est acclimaté.
Un monde où l’on va trouver l’inuksuk ᐃᓄᒃᓱᒃ , empilement de pierres, pouvant prendre forme humaine, ou le ulu ᐅᓗ , un couteau en demi-lune réservé aux femmes.
Un monde où l’on pourra rencontrer un chamane dit angakkuq ᐊᖓᑦᑯᖅ , ou une déesse de l’Océan, Sedna ᓴᓐᓇ …
Un monde de diverses langues : inuktitut, inuktun, inupiak… et même le plus épuré des syllabaires utilisés aux côtés de l’alphabet latin… Splendide à apprendre !
Autant de points de départ à bien des histoires et des mythes.
J’aimerais alors vous raconter celle bien réelle d’un petit garçon, Minik.
Pour cela rendons-nous à New-York une nuit de 1898.
Cette nuit-là, le petit Minik du haut de ses 8 ans a demandé que son père, Qisuk, soit enterré selon les rites de sa communauté.
Oui, enterré à N.Y. si loin des siens…
Demande qui malheureusement ne sera pas exaucée alors qu’un simulacre d’enterrement lui laissera pourtant croire que ce fut le cas.
Mais comment en était-on arrivé là ? C’est aussi simple que cynique.
Le grand Robert Peary réputé avoir été le premier découvreur du Pôle Nord en 1909, réputation certes controversée, avait ramené avec lui en 1897, à la demande du Muséum d’Histoire naturelle de New-York, non pas un mais six eskimos polaires.
Après les avoir exposés à une communauté prête à payer 25 cents pour les voir ainsi qu’une météorite, ils furent laissés dans une demeure où ils contractèrent une tuberculose foudroyante.
À part le petit Minik, et l’un d’entre eux qui s’en retournerait au Pôle, tous décédèrent : Qisuk, son père, une angakkuq, Atangana – son mari Nuktaq et leur fille Aviaq.
Après le simulacre d’enterrement, l’on décida alors de placer Minik chez un certain William Wallace.
Le temps de grandir, d’oublier et découvrir un jour de 1906 que les squelettes de son père et des autres infortunés, loin de reposer en paix, figuraient dans les collections du Muséum.
Après avoir tenté de faire reconnaître ses droits élémentaires, Minik finit par retourner au Pôle en 1909.
Il avait entre-temps été éloigné de sa langue maternelle, l’inuktun, et de sa communauté.
Et ce nouveau séjour ne fut pas globalement le plus réussi… à tel point qu’il réembarqua en 1916, destination : New-York.
Suscitant peu d’intérêt au beau milieu d’une Première Guerre mondiale qui tonnait de toutes parts, il rejoignit une compagnie de bûcherons dans le New Hampshire…
Il y trouva un peu de réconfort auprès d’une famille où une amitié réelle se noua.
Hélas en cette année 1918 la grippe espagnole vint le chercher à son tour et sa dépouille fut mise en terre dans l’Indian Stream Cemetery.
Morale de l’histoire :… Gardons la mémoire du petit Minik ainsi que de tous ceux et celles dont la vie fut volée par le cynisme et la cupidité…
Kenn Harper a remué ciel et terre pour que cette mémoire soit reconnue…
Finalement, les ossements de quatre d’entre eux furent rendus à Qanaaq, leur terre natale… en 1993.
Quant à Minik, il repose dans la terre du New Hampshire où il avait enfin reçu l’affection recherchée durant toute une vie.
Alors un dernier mot en inuktitut : AJURNAMAT ! C’est comme ça…
Drôle de monde !
Source : Diffusé avec SUP’DE COM dans le cadre de la série de vidéos « Les Improbables Rencontres » / 2023
Pantopique(s) lié(s) :
1850-1900Etats-Unis d’Amériquejusticelgs inuitesPôles