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Une utopie en braille…

repère(s) :penser

[La bouteille cherche-t-elle un « monde meilleur » ? Selon quels critères ? À quelles fins ? Pour y vivre ? Pour en imposer la lecture aux autres, y compris en les contraignant ? Et si le meilleur monde commençait en chacun de nous, dans la part d’humanité et de respect que nous nous devons, autant qu’à l’autre ?…]

Utopie : le terme désigne ordinairement un « projet imaginaire ». Plus précisément il renvoie à un ouvrage de Thomas More (Morus) paru au 16e siècle sous le titre d’Utopia lequel décrit un « pays imaginaire où tout est réglé au mieux ». Dans son merveilleux dictionnaire des lieux imaginaires, Alberto Manguel fait figurer l’Utopia de More, entre le pays des Ustensiles, peuplé de poêles à frire et de rouleaux de pâtisserie, et l’Uxal, île découverte en 1452 par Chac Tukul Kiu dans le Pacifique Sud. C’est dire la place prestigieuse qu’y occupe l’île de Monsieur More sur plus de huit colonnes, île du bonheur pour tous, sur laquelle on continue néanmoins à trouver quelques esclaves, et autres accommodements d’époque. Selon l’étymologie consacrée (gr. ou, « non », et topos, « lieu »), certains qualifieront d’utopie toute velléité de progrès désignant en cela sa prédisposition à inventer un monde qui n’est pas, ou ne pourrait être. Bien des épisodes et pensées utopiques se succèderont de la Cité du Soleil de Campanella au socialisme utopique de Proudhon, ou au Royaume du ciel des Taiping !

Figure ici une écriture du terme « utopia » en braille, un système mis au point par Louis Braille (1809-1852). Clin d’œil à l’aventure humaine et à sa capacité à se réinventer. Clin d’œil à la force des rêves et à leur pouvoir d’incarnation car ainsi qu’Oscar Wilde y convie, il est sans doute sage « d’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit ». Quels sont les rêves d’aujourd’hui ? Comment, par-delà leur qualification d’utopies, ou de dystopies, y trouver la part de projection nécessaire et de possible émerveillement qui devrait emporter l’humanité vers la nécessité d’un projet à la dimension de sa situation contemporaine ? Et si la question n’était pas de choisir entre utopies vouées à leur chimère, et dystopies contant la gueule de bois de leur inévitable désillusion, mais de relever l’unité du monde dans toute sa pluralité d’être ? En quelque sorte, une approche « pantopique », à savoir de tous les lieux (gr. pan-, pantos : « tout »), rappelant que « le centre du monde est partout et la périphérie nulle part » (Nicolas de Cues).

Et si l’on commençait par questionner notre indéfinition de « l’utopie », de la « dystopie », de la « pantopie » ?

Pantopique(s) lié(s) :
Ecriture brailleutopie