Si notre langue écrite en dispose, on les emploie le plus souvent sans trop s’y interroger. Nous parlons ici de ces petits signes qui viennent s’intercaler dans une phrase ou un paragraphe et auxquels les conventions en usage attribuent diverses fonctions : rythmer un texte, lui apporter des informations en matière de sens ou de structure… Oui, ce sont les marques de ponctuation. Qu’elles soient : « point », « virgule », « point d’exclamation » ou « point d’interrogation », chacune possède son histoire propre, renvoyant à des origines plus ou moins identifiées, mais aussi à sa déclinaison dans la diversité linguistique.
Quant aux hypothèses de leur création, les amateurs d’histoires hautes en couleurs verront par ex. dans le point d’interrogation « ? » l’abréviation du latin quaestio (« question ») en « qo », le « q » minuscule se plaçant bientôt sur le « o ». De même du point d’exclamation qui renverrait, selon les mêmes inspirations libres, à la « joie » latine, aboutissant à un « i » au-dessus d’un « o ». De plus scrupuleuses considérations leur emboîteront le pas qui iront chercher du côté de leurs premières occurrences attestées. Sans oublier la créativité littéraire qui s’en emparera que ce soit avec George Sand qui s’insurge contre trop de règles strictes, de même que le fera Baudelaire tandis qu’Hervé Bazin suggérera que l’on adopte le « point d’amour », le « point de conviction », le « point d’autorité », le « point d’acclamation » ou encore le « point de doute »… À bon entendeur !
Les langues certes disposent de bien des moyens de se différencier en la matière. En chinois, le point « 。» consistera en un petit cercle, et les points de suspension en une succession de six points « …… ». En espagnol, le point d’interrogation utilisera une forme inversée en début de phrase « ¿ » et se conclura par la forme plus connue « ? ». En Inde, le sanskrit comme d’autres langues disposeront du daṇḍa « । » voire du double daṇḍa « ॥ » respectivement pour marquer la fin d’une phrase (ou la moitié d’une stance) ou la fin d’une stance ou d’un paragraphe…
Parmi toutes ces variations, intéressons-nous à une langue particulière qui a une approche toute singulière en la matière : l’arménien. Constituant à elle seule une branche de la famille des langues indo-européennes, on distingue l’arménien oriental, langue officielle de la république d’Arménie, parlé également en Iran et Russie, et l’arménien occidental, pratiqué par la diaspora arménienne. Pour en venir à la ponctuation, celle-ci se caractérise par de nombreux éléments : le point final de la phrase est indiqué par « : » pendant que les deux-points sont quant à eux marqués par un « . » ! Plus intéressant encore, est le point d’interrogation « ՞» qui a la particularité de naviguer dans la phrase en se plaçant directement après l’objet sur lequel porte la question. Tant qu’à faire, autant appliquer le même principe au point d’exclamation « ՜»…
Nous ne saurions quitter la langue arménienne sans rappeler que ces éléments sont à rattacher à l’histoire toute spéciale de son écriture créée par le moine Mesrop Machtots, en 405, soit un siècle après l’adoption du christianisme comme religion d’état (en 301). Une écriture qui n’est pas sans rapport bien entendu avec la préservation de la culture et de l’identité arménienne à travers les turbulences de l’Histoire…
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