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21 février 2025 Acte

ACTE 12 : Le mur de l’IA…

repère(s) :

Culture générale & IA

Nous l’avions inscrite en préambule dans sa relation à la culture générale, et la voici qui prend le relais en cet Acte 12. L’IA puisque c’est bien d’elle dont il s’agit, se trouve au cœur de ce temps dont les oracles nous annoncent les lendemains ici rieurs, et là épouvantés. Et si l’IA dans toute la dynamique hautement questionnante qui l’accompagne, nous plaçait devant un Mur ?…

Et si l’IA était un mur et que nous nous dirigions à son encontre à vive allure ? Un mur sur lequel bien des idéaux, bien des équilibres propres à l’espèce humaine seraient appelés à se fracasser à plus ou moins long terme, ou se fracassent déjà ? Un mur mettant brutalement un terme au chemin, certes quelque peu turbulent, d’une humanité se pensant au sommet d’une pyramide de « l’intelligence » mais voyant soudain se fragiliser nombre des critères définitoires dont elle s’attribuait l’exclusivité ?

Et si l’IA était effectivement un mur, cependant quelque peu différent de celui qui précède, entendons un mur de questionnement, une sorte de miroir appelé à recevoir le reflet des problématiques les plus actuelles et de la manière, des manières dont nous entendons y répondre ? Un mur à l’urgence très contemporaine susceptible de voir s’assembler en sa proximité questionnante les profils les plus légitimes qu’ils soient scientifiques, sociaux, culturels, éthiques, linguistiques, marchands, artisanaux… éducatifs ? Un mur destiné à accueillir l’expression d’une intelligence collective, se tenant à distance des déclarations hâtives, des peurs incontrôlées [ou incontrôlables] comme des enthousiasmes béats ? Un mur permettant d’interroger notre rapport à l’IA dans le cadre non seulement de « l’intelligence », mais de la « communication », du « travail », de la « santé », du « pouvoir », de la « justice » ou encore du « code », parmi quelques autres, en nous demandant non pas « où nous conduit l’IA » mais « où nous souhaiterions la conduire » ?

Eric

Face au Mur de l’IA, février 2025

11 VARIABLES

Afin de permettre la production de ce mur,  et fidèles à l’esprit encyclopédagogique qui anime ces colonnes, 11 variables  ont été sélectionnées. Celles-ci ont fait et continuent de faire l’objet d’investigations et de relevés au fur et à mesure des développements qui traversent le monde de l’IA. C’est en leur convergence, celle des thèmes et questions qu’elles soulèvent, qu’est appelé à s’animer ce « Mur de l’IA » & les déclinaisons qu’il pourra connaître à travers le monde… Bienvenue à votre sagacité et à la créativité qui l’accompagne !

INTELLIGENCE

L’avènement de l’intelligence artificielle (IA) bouleverse notre rapport à l’intelligence, à la compréhension, à la pensée, à la complexité. Mais avant toute chose et tout emballement, de quelle ]intelligence[ parle-t-on ici ? Si l’intelligence humaine se caractérise par sa capacité à interpréter, à ressentir et à relier des idées au sein d’un cadre expérientiel et contextuel, que dire de cette ]intelligence[ de l’IA, reposant sur des algorithmes et des modèles statistiques : est-ce là une autre forme d’intelligence, ou simplement une imitation fonctionnelle ? Comprendre implique-t-il seulement d’associer des données de manière logique, ou faut-il en percevoir le sens, dans toute sa profondeur et sa nuance ? Une IA peut-elle, pourra-t-elle saisir la ]signification[ intrinsèque d’une idée, ou devra-t-elle se ]contenter[ de manipuler des symboles sans accès à leur essence ?

Par ailleurs, alors que l’être humain pense dans la chair de l’expérience, porté par ses émotions, son intuition et ses limitations, peut-on dire d’une IA qu’elle ]pense[ lorsqu’elle génère des réponses, ou s’agit-il d’un processus dépourvu d’]intentionnalité[ et de ]conscience[ ? À l’instar de cette équipe de recherche italienne qui avance l’idée d’un « système 0 » de la pensée, externalisé dans l’IA, quels impacts peut avoir un usage massif et substitutif de l’IA ? Celle-ci, loin de s’y restreindre, pourrait-elle embrasser la complexité des paradoxes, des dilemmes moraux ou de l’ambiguïté humaine, redéfinissant les contours de la collaboration entre humain et IA… ou s’en affranchissant ?

Enfin demandons-nous ce qu’est créer. Peut-on s’accorder à dire que l’humain puise dans son imaginaire, son vécu et son inconscient afin de produire l’inédit [ou ce qu’il pense l’être], alors qu’une IA réorganiserait des éléments préexistants en suivant des modèles de données ? [Au passage, à qui appartiennent les œuvres produites par ces outils ?] En admettant cette distinction, jusqu’à quand tiendra-t-elle ? Et en la dépassant, quelles sont & seront les conséquences pour tous les métiers de la création ? Les êtres humains seront-ils amenés à devenir – provisoirement – des curateurs ou des directeurs d’IA créatrices ?

Pour une signalétique de l’IA – Thème de l’intelligence :

intelligence
intelligence (2)
penser
complexité
signifier
art

ÉDUCATION

L’emploi de l’intelligence artificielle est appelé à redessiner les contours de l’éducation, de l’enseignement, de l’apprentissage, tout comme le rapport même à la connaissance & à sa transmission. Comment y intégrer des outils d’IA capables d’adapter l’apprentissage à chaque élève tout en préservant la dimension profondément humaine de la relation éducative ? Alors que l’éducation ne saurait se réduire au seul transfert de connaissances, impliquant une interaction, un échange, voire une confrontation d’idées, comment une IA peut-elle enrichir ce processus ? Risque-t-elle, au contraire, d’uniformiser les expériences en les réduisant à des schémas algorithmiques ? Par ailleurs si l’IA peut analyser en temps réel les besoins d’un apprenant et lui fournir des réponses ciblées, qu’advient-il dans un tel système du rôle de l’enseignant ? Comment y éveiller des questionnements et guider un parcours intellectuel qui dépasse les résultats immédiats ? Peut-on imaginer que l’IA puisse jouer ce rôle ? Par-delà les aspects techniques et répétitifs de la pédagogie , faut-il penser à de nouvelles formes de collaboration mêlant transmission de savoirs, développement de l’esprit critique et construction de l’autonomie ?  

La nature même de la connaissance s’en trouve-t-elle transformée ? Peut-on dire d’une IA qu’elle ]connaît[ lorsqu’elle restitue des informations ou élabore des modèles prédictifs ? Connaître implique-t-il une compréhension sensible, une appropriation intérieure, ou suffit-il de manipuler efficacement des données ? Et en matière de mémoire, si tout est stocké, consultable et analysé, que devient la valeur de l’effort de se souvenir ? Cette externalisation soulage-t-elle l’esprit, libérant de l’espace pour d’autres formes de pensée, ou affaiblit-elle notre capacité à relier les faits à une expérience vécue ? Quelles sont et seront les implications culturelles et identitaires de confier à des machines la garde de nos récits, de notre histoire, voire de nos valeurs ?

Pour une signalétique de l’IA – Thème de l’éducation :

éducation
apprendre
enseigner
connaître
mémoire

AGIR

Agir, une capacité fondamentale à transformer le monde et à nous transformer nous-mêmes, une capacité entièrement revisitée à l’ère de l’intelligence artificielle, en particulier dans une analyse poussée des tâches, de leur imitation, de leur reproductibilité. Ceci suppose que l’on se demande ce que l’on entend par « tâche » lorsqu’une IA peut en effet automatiser, optimiser, et parfois même réinventer nos actions quotidiennes. Si pour l’humain, accomplir une tâche engage l’intention, le contexte, et même la créativité, doit-on penser que pour l’IA, cela revient davantage à une série d’opérations définies par des paramètres précis ? Cette distinction est-elle durable ? Que dire par exemple de l’enchaînement d’un nombre élevé des tâches, un processus complexe que l’IA rationalise souvent mieux que nous, même si nous pouvons lui disputer la profondeur intuitive de nos décisions. De même qu’en est-il de la notion de finalité ? Celle-ci est-il encore la même lorsque les moyens pour l’atteindre sont délégués à une entité artificielle ? Au passage, une IA peut-elle nous aider à clarifier nos objectifs en éliminant les obstacles superflus ? Et à imaginer qu’elle nous propose des ]finalités[ que nous n’avions pas envisagées, jusqu’où peut-on lui accorder ce rôle sans abdiquer notre propre capacité de choix ?

Il ne sera pas moins intéressant de nous questionner sur la nature même de la décision, sans doute l’un des actes les plus humains qui soient. Qu’advient-il de cette faculté lorsque les algorithmes participent de plus en plus aux prises de ]décision[, des finances aux diagnostics médicaux, en passant par la justice ? Alors qu’une décision humaine est censée intégrer des valeurs, des émotions, parfois des intuitions, peut-on parler de ]décision[ d’une IA lorsqu’il s’agit d’une action algorithmiquement déterminée ? De plus, quelles conséquences sur notre autonomie lorsque ces systèmes interviennent dans des domaines de plus en plus cruciaux ? En quoi le recours à l’IA peut-il en effet enrichir ou, au contraire, appauvrir notre capacité de discernement ? Si l’IA devient un filtre incontournable de l’information et de l’analyse, risquons-nous de perdre une partie de notre faculté à juger par nous-mêmes, au profit d’un outil qui, bien qu’efficace, reste étranger à nos valeurs ? Plus largement dans le domaine du travail, l’IA bouleverse la nature même de l’activité humaine. Quels métiers sont-ils appelés à disparaître ? A quelle échéance ? Quels autres métiers, dont certains hybrides ayant un recours plus ou moins important à l’IA, peuvent-ils émerger ?

Pour en décliner quelques premiers domaines, comment le rapport au corps s’en trouve-t-il transformé, notamment dans le domaine de la santé ? Comment ainsi qu’on l’évoquait, le diagnostic y emprunte-t-il des voies différentes, en matière de précision, de suivi personnalisé, de traitements, parfois anticipés avant même l’apparition des symptômes ? Que peut bien signifier cette évolution pour la perception de notre propre corps ? Sommes-nous en voie de le réduire à des données et des prédictions ou, au contraire, à le réinvestir comme un espace d’intervention proactive et consciente ? Si l’IA amplifie notre capacité à percevoir le monde – par des technologies immersives ou augmentées – ne risque-t-elle pas aussi de déformer notre rapport au réel ? Et lorsqu’il s’agit d’un acte aussi essentiel que manger, comment l’IA pourrait-elle transformer notre alimentation, de la production à la consommation, en passant par la santé et le goût ?

Enfin, qu’en est-il du jeu ? Activité par excellence de la liberté, le jeu est aussi un espace où l’IA excelle, que ce soit par le développement de mondes virtuels, de stratégies complexes, ou d’interactions inédites. Mais si l’IA peut jouer, qu’advient-il de la spontanéité, de l’imprévisibilité, et surtout de l’humain dans cet acte profondément culturel ?

Pour une signalétique de l’IA – Thème de l’action :

agir – faire
travail
finalité
décider
santé
jeu
manger

TEMPS

Qu’est-ce que le temps, sinon l’étoffe même de notre existence ? L’IA, en modifiant notre manière de vivre, transforme également notre rapport au temps. Avec ses outils d’automatisation et d’optimisation, l’IA promet de nous libérer des contraintes temporelles : des tâches effectuées en une fraction de seconde, des prévisions qui anticipent nos besoins, des décisions prises avant même que nous les formulions. Mais cette accélération continue nous rend-elle maîtres du temps ou esclaves d’un rythme toujours plus effréné ? Peut-on encore parler de « prendre le temps » lorsque tout semble se précipiter dans l’immédiateté technologique ? Et surtout, que deviennent la lenteur, la contemplation, ces espaces où se niche souvent l’essentiel de l’expérience humaine ?

Le temps, c’est aussi l’Histoire. En quoi l’IA change-t-elle notre manière de l’aborder ? Avec ses capacités d’analyse, elle revisite les archives, croise les sources, ]réécrit[ parfois le récit de notre passé. Mais cette relecture algorithmique, si puissante soit-elle, peut-elle vraiment saisir la complexité des événements humains, l’interprétation, le récit subjectif ? Le risque serait-il, comme on l’a évoqué dans la variable de l’éducation, de confondre mémoire et données, réduire l’Histoire à un ensemble de faits bruts, alors qu’elle est aussi une quête de sens, une narration qui nous relie à nos origines ?

Plus avant, qu’en est-il de la vie elle-même ? L’IA, en intégrant des domaines tels que ceux de la médecine ou la biotechnologie, promet d’allonger notre espérance de vie, de prévenir les maladies, d’améliorer notre bien-être, autant de missions dont le transhumanisme semblerait se faire porteur. Toutefois si elle modifie le cours même de la vie, jusqu’où peut-elle redéfinir ce qu’est vivre ? Une existence où nos choix seraient guidés par des recommandations algorithmiques sera-t-elle plus riche ou plus pauvre ? Et lorsque l’IA entre dans le domaine de la mort, avec des avatars qui prolongeraient la conscience, ou des mémoires numériques persistantes, lorsqu’elle revisite l’idée d’immortalité, comment remet-elle en question l’idée même de ]finitude[ ? Si la mort est une limite qui donne sens à la vie, que devient cette signification si cette limite est repoussée, voire effacée ?

Enfin la notion d’âge, elle aussi, est elle-même réinterrogée. Qu’est-ce qu’être « jeune » ou « vieux » dans un monde où les technologies adaptatives comblent les failles de nos capacités physiques ou mentales ? Lorsque l’IA permet d’apprendre à tout âge, de simuler l’expérience, de compenser les pertes cognitives, est-ce un effacement des frontières entre les âges ou un nivellement qui risque de gommer les singularités propres à chaque étape de la vie ? Que faut-il en attendre de bien, de mieux, d’autrement… de pire ?

Pour une signalétique de l’IA – Thème du temps :

temps
vie
mort
âge
histoire

ESPACE

Si l’espace est le cadre dans lequel se déploie notre existence physique et sociale, comment l’IA réorganise-t-elle nos manières de le percevoir, de l’utiliser, et même de le penser ? En optimisant les déplacements, revisitant les infrastructures, ou en concevant des villes dites ]intelligentes[ où les flux humains et matériels sont orchestrés par des algorithmes, comment l’espace ainsi régulé reste-t-il un lieu de liberté ou comment devient-il un système clos, une architecture dictée par la logique de la performance ? Et que dire de l’univers, cet espace infini qui échappe encore en grande partie à notre compréhension ? L’IA, avec ses capacités d’analyse et de modélisation, jouera de plus en plus un rôle clé dans l’exploration spatiale, en cartographiant les exoplanètes, en anticipant les trajectoires des missions interstellaires, ou encore décodant les signaux cosmiques. Au demeurant en quoi l’autonomie des systèmes d’IA, capables de naviguer sans intervention humaine, transforme-t-elle notre propre place dans cette quête ? Serons-nous des explorateurs ou deviendrons-nous spectateurs d’une exploration déléguée à des machines ? Les enjeux scientifiques et civilisationnels de cette évolution paraissent immenses, tout comme les risques, qu’ils soient d’ordre technologique, économique, ou même militaire.

Mais bien entendu l’espace il inclut notre environnement immédiat, notre planète. L’IA s’y positionne-t-elle comme un allié puissant afin de répondre aux défis écologiques : surveillance des écosystèmes, gestion des ressources, lutte contre le dérèglement climatique, la rareté des ressources, la déforestation… ? Pourtant, où nous conduisent ces solutions ? Va-t-on vers une planète surveillée par des capteurs et analysée par des algorithmes, pouvant accentuer la tendance à une gestion technocratique, diminuant progressivement la question de notre responsabilité dans les équilibres écologiques ?

De même comment l’IA est-elle en voie de modifier radicalement la conception et l’usage des habitations ? Des bâtiments dits ]intelligents[ anticipant nos besoins, aux habitats modulables adaptés à nos modes de vie changeants, ou encore à la construction entièrement assistée depuis l’élaboration  des plans, comment cette dépendance croissante à des systèmes autonomes pose des questions éthiques et pratiques ? À supposer que l’habitat devienne lui-même une entité intelligente, à quel point participerons-nous encore activement à son appropriation ?

Enfin, de la conduite autonome aux systèmes de mobilité partagée, comment l’IA promet-elle une fluidité nouvelle dans nos déplacements ? En quoi cette fluidité efface-t-elle ou amplifie-t-elle la dimension expérientielle du voyage ? Que reste-t-il de la découverte, de l’errance, si tout est prévisible et optimisé ? L’IA, en rationalisant le transport, redessine-t-elle l’espace comme un simple moyen ou le transforme-t-elle en un territoire à réinventer ?

Pour une signalétique de l’IA – Thème de l’espace :

espace
univers
environnement
habiter
transport

COMMUNICATION

Communiquer, c’est transmettre, relier, échanger. En quoi l’IA bouleverse-t-elle cette dynamique essentielle ? Comment par exemple les outils comme les assistants vocaux ou les algorithmes de traitement de texte modifient-ils non seulement la manière mais aussi le contenu même de nos échanges ? Peut-on encore parler d’une interaction humaine lorsque le médiateur est une machine ? À son tour le langage, socle de toute communication, n’est-il pas également en jeu. Que devient-il lorsqu’il est interprété, traduit ou généré par une IA ? Si ces technologies abolissent certaines barrières linguistiques et rendent accessibles des milliers de langues, qu’en est-il des subtilités culturelles, des idiomatismes, ou de l’humour qui échappent [pour combien de temps encore] encore à la précision algorithmique ? Comment la création de nouvelles langues pourrait-elle déferler sans crier gare ? Par ailleurs, comment  la voix, vecteur d’émotion, de présence et de singularité, est-elle en train de perdre son unicité dans un monde où les voix synthétiques imitent à la perfection les timbres humains ? Que reste-t-il de la conversation authentique face à des IA capables de tenir un dialogue fluide, mais dépourvues de vécu ou de sensibilité ?

Bien entendu le rapport à l’information, autre pilier fondamental de l’IA, se voit elle-même pleinement revisité. Qu’est-ce qu’une donnée ou une information à l’ère de l’IA ? Si les systèmes intelligents permettent d’organiser et de traiter des volumes colossaux de données, ne contribuent-ils pas simultanément à amplifier la désinformation à un niveau inégalé [et croissant] ? Peut-on, pourra-t-on contrer la prolifération de contenus trompeurs générés par des algorithmes manipulés par des pouvoirs délétères ? De quoi en revenir – entre autres – au rôle de l’éducation et de la régulation dans cette nouvelle bataille pour la vérité… Mais aussi à aller voir du côté des médias, confrontés à une transformation radicale. Comment le journalisme peut-il intégrer des outils qui synthétisent l’information, identifient les tendances ou produisent des articles complets, sans sacrifier l’éthique et la créativité humaines ? Et que dire des réseaux sociaux, où l’IA influence nos interactions, oriente nos lectures, et modèle jusqu’à nos opinions, favorisant parfois l’enfermement dans des bulles de filtres ?

Pour une signalétique de l’IA – Thème de la communication :

communication
information
langue
conversation
voix

POUVOIR

Comment l’IA revoit-elle les contours du pouvoir, en concentrant d’immenses capacités d’analyse et d’action entre les mains de ceux qui la maîtrisent ? Peut-elle y renforcer des autorités ou des institutions, ou devenir elle-même un acteur de ce pouvoir, par son autonomie croissante et ses décisions parfois opaques ? Faut-il redouter un transfert progressif de pouvoir des humains vers les machines ? Et à supposer que nous considérions ce pouvoir comme un outil, une extension de nos capacités, qu’il s’agirait de bien réguler en toute transparence, qui est appelé à détenir ce pouvoir de régulation ?

À son tour, dans le domaine de la justice, si l’IA semble offrir des opportunités inédites : analyser des précédents juridiques en un temps record, détecter des biais, voire même garantir une certaine impartialité, peut-on vraiment lui déléguer la capacité de ]juger[ ? Le jugement n’est-il pas indissociable de l’empathie, du contexte, de la compréhension humaine ? Et si l’IA devait rendre des ]jugements[, qui en est responsable en cas d’erreur ou d’injustice ? Ces questions ne se limitent pas au droit : elles touchent à la nature même de la justice, à ce qui fait qu’une décision est juste ou équitable.

La sécurité, autre pilier des sociétés modernes, est elle aussi profondément transformée par l’IA. Surveillance ]intelligente[, analyse prédictive des risques, détection des menaces : l’IA semble promettre une sécurité renforcée. Mais à quel prix ? Voulons-nous d’une société hyper-surveillée, déniant tout droit à l’intimité, dans un monde où chaque geste, chaque mot peut être analysé, archivé, exploité ? Les espaces qui d’ores et déjà en esquissent ou en amplifient les possibles, séduisent-ils  qui a encore la possibilité de choisir ? Alors que la frontière entre sécurité et contrôle absolu devient de plus en plus floue, quels sont les défis ici posés ?

Si l’on évoque plus largement le contexte de la guerre, des drones autonomes aux stratégies militaires calculées par des machines, comment l’IA ouvre la voie à des conflits technologiques où l’humain peut être réduit au rôle de spectateur ? Toutefois, alors que l’IA peut certes intensifier les conflits, ne peut-elle pas aussi, paradoxalement, aider à les éviter en modélisant les conséquences des choix stratégiques, en favorisant la diplomatie préventive, en optimisant les ressources pour réduire les tensions ? Une question centrale y demeure : l’IA est-elle un outil de paix ou un catalyseur de destruction ?

Autre volet d pouvoir, le commerce et l’argent, domaines indissociables de la communication humaine, ne sont pas en reste car l’IA révolutionne les échanges de fond en comble : personnalisation des offres, automatisation des transactions, optimisation des flux économiques… Cependant en rendant les processus plus efficaces, ne risque-t-elle pas de creuser également certaines inégalités voire en créer d’autres ? Par exemple les petites entreprises, les acteurs locaux, pourront-ils rivaliser avec les géants technologiques ? L’exemple du rapport à l’argent y est manifeste. Alors que l’IA bouleverse les systèmes financiers mondiaux et nationaux, introduit des monnaies numériques, voire automatise les décisions économiques, que reste-t-il de notre contrôle local sur l’économie mondiale ? À quel point l’argent, déjà abstrait, pourrait-il devenir un simple flux algorithmique, déconnecté des réalités humaines ?

Pour une signalétique de l’IA – Thème du pouvoir :

pouvoir
contrôle
justice
guerre
commerce
argent

ÉTHIQUE

Face à l’émergence de l’IA, l’éthique se réinvente pour encadrer des technologies capables de transformer les sociétés en profondeur. À quoi peut donc ressembler une éthique sur l’IA ? Ou très bientôt une éthique de l’IA ? Comment y définir des règles d’usage, des limites et des responsabilités, tout en tenant compte de la diversité des contextes culturels, sociaux et économiques ? Formulée par des experts, des gouvernements, des entreprises ou des organisations internationales, l’IA soulève la question de sa légitimité et de son universalité : comment créer un cadre global alors que les intérêts des parties prenantes divergent profondément ? Est-il réaliste de bâtir une éthique mondiale dans un monde fragmenté par des visions contradictoires du progrès ? Les notions de bien et de mal, souvent associées à des jugements moraux, sont en effet complexes à appliquer aux usages de l’IA. Comment entreprendre un dialogue sur les finalités des technologies ?

Dans ce bouleversement majeur, comment la vérité, définie comme conformité à la réalité, devient-elle de plus en plus floue avec les simulateurs IA capables de recréer voix, visages, corps et écrits avec une précision troublante ? Alors que ces outils brouillent les repères entre réel et artificiel, rendant plus difficile la vérification des faits, faut-il urgemment développer des mécanismes afin d’authentifier les informations, tout en sensibilisant les utilisateurs à la méfiance critique ? Toutefois la notion même de ]vérité[ ne pourrait-elle pas elle-même évoluer, englobant des réalités virtuelles aussi influentes que le monde physique ?

De son côté comment la spiritualité, qui dépasse souvent les cadres de la rationalité, pourrait-elle être influencée par l’IA, notamment par des applications simulant des expériences mystiques, facilitant des pratiques méditatives, favorisant des modes de croyance, voire en faisant émerger de nouvelles ? La spiritualité est-elle quelque chose que l’on peut reproduire technologiquement, ou est-elle intrinsèquement liée à l’humain ?

Au sein de ce déferlement et de ses remises en cause décisives, comment la conscience, souvent perçue comme ce qui différencie fondamentalement l’humain des machines, entre-t-elle dans le débat ? Si celle-ci inclut des dimensions comme la perception de soi, la subjectivité, et la capacité à éprouver des émotions, comment l’IA, peut-elle un jour développer une forme de conscience, aussi rudimentaire soit-elle ? Une IA consciente aurait-elle des droits ? Serait-elle sujette à des obligations éthiques ?

Pour une signalétique de l’IA – Thème de l’éthique :

éthique
bien
mal
spiritualité
conscience
vérité

MATIÈRE

Tandis qu’elle désigne tout ce qui possède une masse et occupe un volume, constituant l’essence même de l’univers tangible, comment notre rapport à la matière est-il en train de se transformer avec l’émergence de l’IA, par exemple à travers la conception et l’optimisation de matériaux ? En quoi les algorithmes de machine learning permettent-ils de modéliser des structures atomiques, de prédire les propriétés de nouveaux matériaux ou de concevoir des composites innovants pour des applications spécifiques, accélérant des processus qui prenaient autrefois des temps bien plus longs ?

Quels effets concrets tout ceci peut-il avoir sur les ressources de la planète, et la gestion quelque peu problématique que nous en avions déjà. Si l’IA facilite l’innovation, ne peut-elle pas aussi accentuer la consommation et l’exploitation des ressources, modifiant ainsi notre rapport écologique à la matière ? De même qu’en est-il de notre rapport à l’énergie, laquelle occupe une place centrale dans la relation à l’IA ? Alors que les centres de données qui entraînent les modèles d’IA consomment d’énormes quantités d’énergie et que leur  croissance est pour le moins questionnante, comment inversement l’IA peut-elle optimiser l’efficacité énergétique, en ajustant la production aux besoins ou en améliorant la gestion des réseaux électriques ?

Simultanément qu’en est-il, qu’en sera-t-il de la production et de la gestion des déchets ? Si des algorithmes sont capables de trier efficacement les matériaux recyclables, détecter des anomalies dans les systèmes de collecte, ou encore modéliser des solutions circulaires pour réduire les déchets, comment la production électronique massive alimentée par les technologies connectées peut-elle générer des flux de e-déchets déraisonnables, posant des défis environnementaux supplémentaires ? L’IA peut-elle vraiment résoudre un problème qu’elle contribue à alimenter ? Cette tension ne met-elle pas en lumière la nécessité d’un équilibre entre innovation et responsabilité ?

Dans cette même approche, quelle est la place des objets à l’heure de l’IA ? De la montre ]intelligente[ au thermostat autonome, comment les objets connectés redéfinissent-ils notre quotidien en combinant matière et information ? S’ils sont censés améliorer la qualité de vie, favoriser une personnalisation accrue voire même optimiser les ressources, comment leur prolifération accentue-t-elle l’intrusion dans la vie privée, les vulnérabilités en matière de cybersécurité, ou une dépendance excessive ?

Ne ressort-il pas de tout cela un questionnement sur le rapport plus global aux sciences & techniques lesquelles bénéficient considérablement de l’IA ? Pendant que celle-ci accélère les découvertes, automatise l’analyse des données, ouvre des perspectives inédites en matière de recherche, que ce soit en médecine, en climatologie ou en physique fondamentale, comment l’IA pose-t-elle aussi des questions sur le rôle du scientifique, sa responsabilité sociale, éthique ?

Pour une signalétique de l’IA – Thème de la matière :

matière
déchet
énergie
objet
science

CODE

Alors que le « code » en tant qu’ensemble d’instructions écrites dans des langages de programmation, constitue l’ossature de l’IA, définissant ses fonctionnalités, ses limites et ses capacités, est-il censé déterminer ce qu’une IA pourrait, devrait ou ne pourrait pas, ne devrait pas faire ?  Toutefois, alors que l’IA est de plus en plus impliquée dans les activités de concevoir, améliorer, ou transformer les systèmes, elle modifie de manière décisive le rôle des développeurs humains. De nombreux métiers liés au développement y évoluent ou disparaissent, tandis que d’autres émergent, les plaçant de plus en plus dans une position de supervision et de validation que de création directe. Avec quelles conséquences non seulement sur la génération mais sur le contrôle des systèmes créés ?

Pour sa part, quelle place sont appelés à occuper les robots ? Encore perçus selon les uns comme des outil industriels, voici qu’ils deviennent compagnon domestique ou humanoïde capable de simuler des interactions humaines. En imitant l’homme, brouillent-ils les frontières entre le naturel et l’artificiel ? Si leur potentiel est immense –médecine, assistance, exploration, etc. – ne peuvent-ils pas également susciter de sérieuses craintes : perte d’emplois, dépendance excessive, menaces à l’identité humaine ? Leur conception et leur déploiement nécessitent une réflexion globale sur leurs finalités et leurs limites.

À ce propos, les limites du développement de l’IA renvoient certes à des contraintes techniques, telles que la puissance de calcul ou la gestion des données massives. Mais elles s’accompagnent parallèlement de considérations éthiques et philosophiques. Le « point de singularité », concept où l’IA surpasserait l’intelligence humaine, cristallise ainsi les espoirs et les peurs. Est-il proche, et si oui, dans combien de temps ? Alors que certains experts parlent de quelques décennies, d’autres doutent de sa faisabilité. Ce point d’inflexion, s’il survient, transformerait radicalement notre rapport au monde, exigeant une préparation et une régulation internationales pour en anticiper les impacts positifs et négatifs.

Pour une signalétique de l’IA – Thème du code :

code
développement
robot
limite

HUMANITÉ

L’humanité se trouve face à un miroir inédit avec l’avènement de l’IA. Si l’IA peut être perçue comme une menace, notamment par son potentiel à déstabiliser les équilibres économiques, sociaux et environnementaux, elle peut également être vue comme un levier d’évolution. Quels chemins seront-ils empruntés ? Les deux ? L’IA met en effet en lumière nos limites – cognitives, éthiques ou organisationnelles – invitant à réfléchir sur ce que signifie être humain. Le transhumanisme, mouvement qui prône l’amélioration des capacités humaines par la technologie, trouve en l’IA un puissant allié, que ce soit à travers les interfaces cerveau-machine, les prothèses ]intelligentes[ ou les simulations de ]conscience[. Ces avancées posent cependant des questions sur la nature même de l’humanité et sur les frontières entre humain et machine.

Certains avanceront alors que la présence de l’IA peut contribuer à une meilleure prise de conscience de la place et du rôle de l’espèce humaine, en illustrant à la fois sa créativité et ses responsabilités. L’IA, en assumant des tâches répétitives ou complexes, libèrerait l’être humain pour des activités plus introspectives ou créatives, tout en exigeant certes une réflexion sur l’équité, la durabilité et la finalité des choix sociétaux. Enfin sur le plan psychologique, la généralisation de l’IA peut induire des sentiments ambivalents : fascination devant ses capacités, mais aussi angoisse de l’obsolescence ou perte de sens face à la déshumanisation perçue de certaines interactions. Si une IA peut imiter l’empathie ou la bienveillance, que devient la distinction entre le réel et le simulé dans nos relations ? Comment la sexualité, mêlant robots compagnons, interactions virtuelles ou plateformes alimentées par l’IA, peut-elle évoluer redéfinissant les comportements, avec des conséquences sur l’intimité, les normes sociales et les relations humaines ?

Finalement quel impact peut avoir l’IA sur la société entre d’un côté, une exacerbation de l’individualisme, à travers des expériences hautement personnalisées qui isolent les individus dans des bulles technologiques, et de l’autre, une meilleure reconnaissance des interdépendances sociales grâce à des outils collaboratifs et des analyses globales des dynamiques sociales ? En modifiant les structures économiques et sociales, l’IA peut-elle nous inciter à repenser les notions de solidarité, d’identité collective et de responsabilité partagée, un défi et une opportunité pour réaffirmer ce qui nous lie en tant qu’humanité ?

Pour une signalétique de l’IA – Thème de l’humanité :

humanité
société
famille
sentiments
sexualité

[Pour aller plus en détail et qui aime lire ;-)] Une série de chroniques pour mener l’enquête :

Chronique #1 – Pour une assemblée des humanités…

Chronique #2 – Dis, dessine-moi l’intelligence artificielle (1)… Un « agent conversationnel » ?

Chronique #3 – Dis, dessine-moi l’intelligence artificielle (2)… La genèse d’un système

Chronique #4 – Pour un éloge de l’effort…

Chronique #5 – « Diriger » un orchestre…

Chronique #6 – « Un filigrane de l’IA »…

Chronique #7 – « J’hallucine »…

Chronique #8 – Miscellanées [1] – « L’humain médian »…

Chronique #9 – Miscellanées [2]… « Et si on parlait de vitrifixation ? »

Chronique #10 – Miscellanées [3]… « Ne pas devenir SDF… grâce à l’IA »

Chronique #11 – « Éducation & IA : une journée ordinaire… »

Chronique #12 – « John Lennon [n’]est [pas] mort… »

Chronique #13 – Mais que « comprend » donc une IA ?…

Chronique #14 – Vers la fin du « travail » ?…

Chronique #15 – Quand les robots rencontrent les journalistes…

Chronique #16 – Une question de « recherche » ou de « point de vue » ?

Chronique #17 – Avec ou sans notre consentement…

Chronique #18 – Un « simple » album photo…

Chronique #19 – « Capacitation » ? « Incapacitation » ? « Décapacitation » ? L’IA & l’humanité : une affaire de « capacités » ? Vraiment ?

Chronique #20 – « Dictionnaire [contradictoire] de l’IA » – algorithme, algocratie, enfermement algorithmique…

Chronique #21 – L’IA entre menaces, alarmes & dangers…

Chronique #22 – IA et prises de ]décision[…

Chronique #23 – « Le mur de l’IA… » – Le défi collégial

Chronique #24 – Le Mur de l’IA – Miscellanées [1]…Au sommaire : (1) Addiction & dépendance émotionnelle… (2) L’IA qui « ment »… (3) Un brevet d’invention attribué à une intelligence artificielle…

Chronique #25 – Le Mur de l’IA – Miscellanées [2]… Au sommaire : Faut-il continuer à apprendre les langues étrangères ?

Chronique #26 – Le Mur de l’IA – Miscellanées [3]… Au sommaire : Était-il opportun de nobéliser l’IA ?…

Chronique #27 – Le Mur de l’IA – Miscellanées [4]… Au sommaire : Le juge sera-t-il un robot ?

Chronique #28 – Le Mur de l’IA – Miscellanées [5]… « La visio m’a tuer »

Chronique #29 – Le Mur de l’IA – Miscellanées [6]… Au sommaire : Les 5 étapes du deuil… et l’IA 

Chronique #30 – Le Mur de l’IA – Miscellanées [7]… Au sommaire : Système 0… Vers une perte d’autonomie de la pensée ?

Chronique #31 – Le Mur de l’IA en questions et en signes [1]…

Chronique #32 – Le Mur de l’IA en questions et en signes [2]

[à suivre]

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Le Mur de l’IA en réalisations…

Ainsi donc on été introduites nos 11 variables destinées à proposer une lecture de l’IA et bien des développements, présents et à venir, s’appuieront sur leur énoncé, tout en ne s’y réduisant pas pour autant. Outre l’extension continue des fragments qui les composent [et comme on l’imagine, continueront de les enrichir], il est un enjeu majeur du « Mur de l’IA » qui tient à la manière dont des groupes divers vont être appelés à s’en saisir, à le traduire dans une réalité réflexive ou créative. Il nous paraissait donc de prime importance d’amorcer ce mouvement et en accueillir ici les traces. Et c’est bien ce qui suit, dont chacun pourra apprécier la promesse d’incarnation. Idée de livrer les fragments du « Mur de l’IA » à toutes sortes d’appropriation et d’interprétation créatives qui augurent des nombreuses suites qui pourront leur être données…

[à l’instar des premiers exemples qui en amorcent ci-dessous l’histoire, merci de nous partager votre « Mur de l’IA » en l’accompagnant de quelques précisions sur la matérialisation que vous lui avez donnée – quelques lignes explicatives, ainsi qu’un visuel [.png ou mp4] permettant de le découvrir]

Projet 1 – Dans le labyrinthe…

Projet 2 – Un parcours dans la forêt…

Projet 3 – Un cube en pleine expansion…

Projet 4 – Une tornade qui nous emporte…

Projet 5 – Dialogues picturaux avec l’IA…

Projet 6 – Un Mur de lumières…

Pantopique(s) lié(s) :
IAnumérique