[Le paysan est au cœur des équilibres alimentaires et donc de l’intelligence collective nécessaire pour les obtenir et les maintenir. Il est en cela premier fournisseur de bien-être. Son héritage est majeur et son enseignement central à l’évolution du monde… Mais il est également aux avant-postes de transformations sensibles, liées à celle des contextes socio-économiques, géopolitiques, environnementaux bien entendu. Un exemple du côté des organopónicos…]
Agriculture. Le terme suscite bien des débats qui porte tant sur son objet que ses moyens, tant sur ses missions que leurs impacts. Flattée pour le dévouement et le sens des équilibres naturels, vilipendée pour les formes parfois délétères que peuvent y prendre certaines exploitations lorsqu’elles en sont peu ou pas respectueuses, l’agriculture n’échappe pas aux contradictions de nos évolutions collectives. Demander plus, toujours plus, à un coût moindre, toujours moindre, et ne surtout pas assumer les conséquences d’une telle fuite en avant. Cherchons l’erreur. Comment avons-nous donc pu en arriver à des sociétés souvent oublieuses de celles et ceux à qui elle doivent d’exister ? À quand une éducation généralisée à la terre qui passerait par des stages suffisamment longs dans des fermes (pardon, des exploitations agricoles), auprès de vrais paysans (pardon, exploitant.es agricoles). Durée indispensable pour arriver à percevoir les lois de la nature, le respect qu’on leur doit. Durée pour arriver à sentir dans nos muscles, dans nos os, dans notre âme, ce qu’œuvrer au quotidien veut dire quand cela ne se résume pas à une visite courtoise.
Et au hasard de situations hautement différenciées, comprendre comment nous avons pu cheminer vers des résolutions occasionnelles ou plus durables, histoire – très jugaad – de nous préparer aux innovations d’échelle souvent modeste, susceptibles d’établir ou rétablir ce rapport fondamental à la terre. Par exemple, nous arrêter à Cuba, afin d’y découvrir comment et pourquoi s’y sont mis en place les organopónicos. Le récit mérite le détour plongeant ses racines dans la grande Histoire, celle des relations tendues avec le voisin états-unien. Inscrite dans un contexte d’embargo, amplifiée par l’écroulement de l’URSS entraînant un manque de carburant, d’engrais, etc., la pénurie alimentaire encourage des habitants des cités devenus parceleros, à subvenir sur place, entendons en ville, à leurs besoins alimentaires. C’est sur ce premier terreau, dans ce contexte d’émulation « obligée », que les organopónicos vont voir le jour, du grec órganon désignant un « instrument, outil » mais aussi un « organe du corps », et ponos, « le travail » ou « l’effort ». S’ensuit la mise en place de systèmes constitués de surélévations par rapport au sol, entourés d’un muret, remplis de terre et enrichis en matière organique. Un lieu de la résilience, pour produire certes, mais aussi des espaces de rencontres, de fraîcheur, d’expérimentation fournissant une part non négligeable des besoins locaux.
Et si l’on commençait par questionner notre indéfinition de « l’agriculture » ?
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