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Un projet de « blanchiment de la nation »

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Il faut se rappeler qu’après l’instauration de la loi Áurea, loi qui officialisa la « libération » des esclaves, et donc la fin supposée de l’esclavage dans ce pays, en 1888, l’économie brésilienne dut faire face à une restructuration de taille, ne pouvant plus compter sur la main-d’œuvre forcée des esclaves venus de diverses régions d’Afrique. Un projet dit de « blanchiment de la nation » vit le jour, lisible à travers la peur que constituait entre autres, pour les scientifiques de l’époque, le métissage (comme forme biologique d’hybridation), source d’impureté et de dégradation « de la race » (blanche), et les pratiques nationales de soutien à l’immigration qui ont favorisé, en particulier dans les régions sud et sud-est, la venue d’Européens de diverses origines.

À la même époque, les anciens esclaves furent laissés à eux-mêmes, sans compensation et sans titres de terres. Ce n’est que quarante-cinq ans plus tard, avec la parution du livre de Freyre, qu’une autre vision de la société brésilienne, apparemment moins racialisée, celle de la démocratie raciale, chercha à voir le jour, par laquelle furent valorisés les thèmes du mélange et de l’harmonie. Ce mythe fut contesté, entre autres par la célèbre étude qui impliqua des sociologues de l’école pauliste de sociologie ainsi que Roger Bastide, étude commandée par l’Unesco en 1950, parce que le Brésil paraissait de l’extérieur tolérant et capable de composer avec sa diversité culturelle et raciale. Mais cette étude mit en évidence, contrairement aux attentes, le problème de la discrimination dont les Afro-Brésiliens continuaient d’être l’objet dans ce pays, même après l’abolition de l’esclavage. Aujourd’hui, les tensions politiques, sociales et scientifiques sont toujours aussi vives autour du statut de ce mythe dans la société brésilienne, bien que des centaines d’études aient démontré, depuis la parution du livre de Freyre, son obsolescence.

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