[La bouteille en plastique ne dure pas très longtemps. C’est dans sa nature, dans son objet tel que nous l’avons qualifié – peut-on le lui reprocher ? Du reste, quel est notre rapport à la durée, et au changement ? Comment appréhendons-nous les phénomènes du monde dans leur renouvellement perpétuel ? Quel équilibre y trouver ? Alors que nous vivons une ère de transition, qu’en est-il de sa signification, de ses valeurs et de la volonté réelle de les mettre en œuvre ? Pouvons-nous réfléchir ensemble au changement afin de mieux le définir et le vivre ? Petit détour par les voies de l’impermanence…]
Selon Héraclite, philosophe natif d’Éphèse, nulle chose ne demeure ce qu’elle est. On résume sa pensée en disant que pour lui « nul ne se baigne deux fois dans le même fleuve ». On le met souvent en parallèle d’une autre approche de l’impermanence, visitée par certaines branches du bouddhisme. Idée selon laquelle notre attachement à des choses impermanentes, à des choses qui ne pourront en aucun cas rester en l’état, est source de souffrance. Cette idée se nomme anicca en pāli, ou encore anitya अनिच्चा en sanskrit.
Affaire bien entendu centrale à tout ce qui nous occupe ici : celle de concevoir la place du changement dans notre relation au monde, à l’environnement, à la justice, ou au langage. Que serions-nous avisé.es de changer ? Selon quels axes déterminants le faire ? Que serions-nous avisé.es de retrouver, y compris en les revisitant ? Tout au long de l’existence humaine se livre le combat entre l’attachement à ce que nous avons établi et sa remise en cause, volontaire ou subie. Que ce soit dans le domaine relationnel, affectif, professionnel, spirituel… combien de tensions du même ordre se produisent-elles au cours de la vie qui nous amènent – ou pas – à questionner la pertinence de ce changement, ou la tentative de le récuser ? In fine, nous voici à produire, défendre des équilibres plus ou moins durables, ou à y renoncer alors que des visages, des idées, des certitudes… peuvent démontrer leur pertinence ou au contraire leur fragilité.
Plus que jamais, face à des changements aussi majeurs que ceux du dérèglement climatique, mais aussi des bouleversements induits par la transformation numérique, ou encore l’évolution des sociétés et des mœurs, une aptitude à vivre ces changements et parfois à y survivre, se présente dans toute son acuité.
Et si l’on commençait par questionner notre indéfinition du « changement » ?