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Aller à cheval et regarder les fleurs

repère(s) :langue

Que seraient les langues sans leur riche patrimoine d’adages, proverbes et dictons dans lequel on puise de temps à autre une formule toute faite, souvent bien faite ?!
Tenez, prenons l’extraordinaire langue chinoise dans laquelle existe entre autres ce que l’on appelle les chéngyǔ 成语…
On les emploie dans les circonstances les plus diverses afin de commenter les situations de la vie.
Par exemple, si je dis : « Dessiner un serpent et ajouter des pattes » 画蛇添足 huà shé tiān zú, que vous vient-il à l’esprit ?
« Dessiner un serpent » ? « Ajouter des pattes » ? …
Cela voudra dire que l’on en fait trop !
Ou encore « Vider l’étang pour attraper tous les poissons » 竭泽而渔, jié zé ér yú ?
Un peu plus évident ?
Cela signifie en somme : « tuer la poule aux œufs d’or »…
Nous comprenons alors que cette connaissance peut être précieuse dans la communication interculturelle.
Soit on passe totalement à côté, soit précisément, on crée des ponts, on cherche dans nos langues respectives comment dire des choses communes de manière différente et imagée…
Bien sûr, ce passage d’une langue à l’autre est un exercice parfois acrobatique.
Je me souviens ainsi d’un graphiste dont la mission était d’illustrer par une expression française le chéngyǔ suivant : 杯水车薪 bēi shuǐ chē xīn, « éteindre une charrette de fagots en feu avec un verre d’eau »…
Soit prendre des mesures inadaptées, agir de manière inadéquate et surtout inutile.
Après réflexion, son choix s’était porté sur l’expression française : « pisser dans un violon » ! qu’il représenta donc graphiquement.
Imaginez alors ses interlocuteurs chinois devant à leur tour deviner à quel chéngyǔ il faisait ici référence !
Prenons un autre exemple, qu’entendez-vous par : « Aller à cheval, regarder les fleurs » ?
走马观花 zǒumǎguānhuā
Une idée ? « Aller à cheval » ? « Regarder les fleurs » ?
Pour le comprendre, il faudra rappeler l’histoire à laquelle il est attaché, ce qui est assez souvent le cas avec les chéngyǔ.
Nous ferons alors la connaissance de deux jeunes gens qui avaient du mal à trouver leur moitié.
Elle, souffrait en effet d’un nez disgracieux.
Lui boitait.
C’est alors qu’un marieur songea à un stratagème.
Un beau jour, il fit passer le jeune homme tout fringant, à CHEVAL, malin non ! devant la demeure de la jeune fille qui, à cet instant, plongea son joli minois dans une charmante composition florale !
Les deux convolèrent en justes noces, journée au cours de laquelle ils devaient découvrir, une fois mariés, leurs imperfections respectives…
Alors, un sens à ce chéngyǔ ?
En fait, on pointe là un jugement bien trop rapide à partir d’informations insuffisantes : « Aller à cheval, regarder les fleurs ! »

Morale de l’histoire : Un petit conseil – Constituez-vous un bon stock de proverbes & adages du monde ! Nul doute qu’ils vous y accompagneront dans le plus fécond des dialogues.

Un dernier chéngyǔ pour la route ?
« Ouvrir la porte, regarder la montagne » 开门见山 kāi mén jiàn shān …
En quelque sorte « aller droit au but » !

Drôle de monde !

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