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ACTE 11

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21 septembre 2024

Croire ou ne pas croire

Une immersion dans la pluralité des croyances & incroyances, et leur manière de produire du sens ou de le questionner…


Il était une fois deux amis, animés de la volonté et du plaisir de débattre. Deux amis, qui se voyaient régulièrement et abordaient ensemble toutes sortes de sujets, les plus graves comme les plus insolites. Une joie indicible les y accompagnait, même si en certaines occasions, une forme de tristesse, de désarroi, ou encore de colère pouvait les y gagner. Ainsi va la vie des Idées, et le lot de sa confrontation si on en accepte le jeu, ou l’enjeu.

Or, un jour, un thème qu’ils n’avaient guère vu venir, s’imposa à eux, de toute sa force. Un thème qui certes s’était glissé de temps à autre dans leurs échanges mais qui, en ce jour-là en prit la place centrale. Ce thème tenait aux croyances, et incroyances. Et à constater la manière dont ils venaient d’y plonger, tout annonçait que des questions sensibles les y attendaient. Il faut bien se dire que nos deux amis abordaient ce sujet de deux angles fort différents ce qui, du reste, correspondait bien d’habitude à l’idée qu’ils se faisaient de leur débat d’opinions. Mêlant argumentation, ironie, questionnement réciproque, leur visée n’était effectivement en rien de taire leurs différences, bien au contraire.

À ceci près que si, en d’autres sujets, ils pouvaient souvent prendre une certaine distance et s’amuser de leur désaccord, celui de la croyance prit d’emblée une tournure inattendue. Pour l’une des toutes premières fois, peut-être la seconde [ils se souvenaient vaguement d’un clash précédent tenant à un conflit sur une recette de cuisine], voici que ce désaccord leur semblait sinon infranchissable, pour le moins des plus aigus. Un silence, assez rare dans l’histoire de leur partage, se fit. Et se prolongea.

Ce ne fut qu’un instant plus tard, lequel dut leur paraître interminable que, de manière quasi simultanée, chacun d’eux tenta de reprendre le fil de la conversation interrompue. Et alors que leur complicité les avait toujours emportés sans délai dans le tourbillon de leurs fructueux échanges, ils ne tardèrent pas à convenir que ce débat-ci pourrait être quant à lui légèrement reporté. Ils s’accordèrent alors sur l’idée de le relancer prochainement en y apportant chacun, non pas seulement des avis, des opinions, fondés ou non, mais des contextes de croyances, et d’incroyances, susceptibles de nourrir leur dialogue…

Et c’est bien ce qu’ils firent, et dont le résultat prit finalement forme d’un nouveau poster s’inscrivant à son tour dans l’histoire des « Dialogues du 21 ». Un poster établi autour de quelques questions majeures que l’on n’envisagera guère de limiter, mais qui renvoyaient peu ou prou aux suivantes : en quoi les croyances dans toute leur diversité déterminent-elles une part décisive de l’histoire du monde ? Comment chacun, chacune d’entre nous, y est sensible et comment s’exprime cette sensibilité dans la dynamique de la société, la relation aux autres ? Quel est l’impact de la croyance sur nos choix de vie, d’activité, d’éducation… ? Quelle est la place de l’incroyance dans ce mouvement des peuples, des idées, des individus ?…parmi quelques autres.

Durant des moments passionnants d’échanges, de discussion, d’affirmation, mais aussi de fébrilité, de contradiction plus ou moins forte, voire d’incompréhension mutuelle, les deux amis alimentèrent ainsi le propos, comme ils en avaient convenu, l’illustrant de divers exemples glanés dans l’espace et le temps. Les miniatures qui sont attachées au poster, en témoignent, convoquant pêle-mêle les tikis polynésiens, les villes anciennes de Djenné, les chemins de Saint-Jacques, la Roue du Dharma ou encore les « ghosts shirts »… Comme l’on s’en doutera, en se multipliant [et la liste est bien entendu ouverte], tous ces exemples viennent confirmer à quel point la question des croyances renvoie à l’ensemble de nos 52 repères pantopiques, tout en constituant l’un d’entre eux. Ce n’est pas le rappel des autres Actes du cycle, qu’il s’agisse de celui de la justice, de l’histoire, des langues ou encore des arts, qui le démentira. Figurent donc ci-dessous très partiellement quelques thèmes de dialogue qui les traversent et attestent, dans tous leurs croisements, combien ils sont un préambule à bien d’autres développements…

On y trouvera dans un mouvement large, les questions de la création non seulement des croyances, mais de l’univers avec « Ahura Mazda », divinité suprême du zoroastrisme, ou « Aton », divinité solaire louée dans l’Egypte antique… Une création dont il faudra parfois renouveler certaines formes, comme l’indiquent de nombreux récits du « déluge », tel celui d’Ut-Napishtim… Une création qui renverra bien entendu au cycle de la vie, comme le rappellent les « Moires » grecques… Tant de vérités s’y succéderont, dont le soufi Djalal al-Din Rumi suggérera une possible origine, déclarant : « La Vérité est un grand miroir tombé du ciel qui s’est brisé en mille morceaux. Chacun en possède un, mais pense détenir toute la vérité ». On en questionnera le constant mystère que ce soit auprès du « Sphinx », ou perché au sommet d’une « colonne » en compagnie de Syméon…On y abordera la protection qu’offre la croyance, qu’elle se manifeste à travers les « ghosts shirts » précitées allant jusqu’à mettre à l’abri des balles, les « fétiches » vaudous, le « nazarboncuk », détournant les regards malveillants, les « tupilaks » inuits, gardant leur propriétaire des attaques ennemies, ou qu’elles empruntent les formes les plus détournées comme avec « la querelle des indulgences »… On y fera appel au pouvoir des « tikis », représentant des ancêtres mythiques ou des divinités, ou de « Cernunnos », dieu gaulois du renouveau et des cycles naturels… Un pouvoir pouvant aller jusqu’à détruire ceux & celles qu’il se prend à craindre, pour les motifs les plus variés, tout en faisant preuve de l’inventivité la plus riche afin d’y procéder ainsi qu’en témoigneront les « balances des sorcières »… On pratiquera sa croyance au quotidien environné de toutes sortes de coutumes, de rites, voire d’objets, ainsi que le  démontrent le « tasbih », chapelet utilisé par les musulmans pour aider à la récitation de prières, le « chandelier à neuf branches » présent lors de la Hanouka, fête de la lumière juive, les statuettes « ibeji », propres aux jumeaux, ou encore les véhicules divins, les vahana, alors que le majestueux « Garuda » emportera le dieu Vishnu… On y reconnaîtra l’omniprésence des symboles et de leurs usages, que ce soit à travers la complémentarité du « yin – yang », la présence d’un « caducée » ou d’un « scarabée » égyptien, mais aussi l’étoile du « bahaïsme », la main du « jaïnisme » ou les significations ésotériques attribuées au billet du « dollar »… Symboles qui pourront occasionnellement s’incarner dans toutes sortes d’interprétations comme celle des nombres, ainsi que l’affichent la « tétraphobie », ou la « paraskevidékatriaphobie », ou des bâtons « runiques » aidant à la divination…  On s’y déplacera constamment sur la carte du monde, et dans ses architectures les plus variées, que ce soit dans les « Villes anciennes de Djenné », sur les routes de « Saint-Jacques de Compostelle », au cœur de « Lalesh » ou la cité « d’Amritsar », dans l’enceinte du jeu de balle chez les Mayas ou encore sur les plages de « Wanokaka » lors de la venue des vers marins nyale… Des espaces dont le caractère profane ou au contraire sacré sera mis en avant, ainsi que les « portes torii » l’illustreront… On y accueillera enfin le désir constant de mise en cause, voire de dérision ainsi qu’y inviteront la « pataphysique », « science des exceptions et des singularités », le « kopimisme », considérant « le partage de fichiers et la copie d’informations comme une vertu sacrée » ou encore le « pastafarisme », assurant « l’existence d’un monstre en spaghettis volant qui aurait créé le monde en une journée, après une cuite mémorable »… Et de tout cela, on fera finalement grand cas au sein même des systèmes éducatifs, où tant de valeurs s’incarneront, adoptées par les sociétés, ou parfois combattues, ainsi par exemple des kachinas, chez les Hopis, aidant les enfants à faire un inventaire du monde visible et invisible, ou du « Dharmachakra », Roue du Dharma, symbole central du bouddhisme représentant l’enseignement du Bouddha …

En l’abordant de manière aussi variée, en y mêlant toutes sortes de croyances, et d’incroyances, tout en supposant leur prochaine et souhaitable extension, nos deux amis finirent par retrouver toute la beauté et la raison d’être de leur échange. Dans leur for intérieur peut-être certaines lignes, certaines convictions, avaient-elles été légèrement ou plus fortement déplacées, ou au contraire confortées. Mais plus que tout, un sentiment les unissait tous deux, puisant dans la nécessité de cet élargissement de l’âme à la complexité des croyances, et assuré de la retrouver au détour de bien des mots qui tentent depuis si longtemps d’en exprimer le mystère…

Un chaleureux remerciement à Pierre Chavot et Joël Coutausse pour leur accompagnement éclairé de cet acte 11…

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