[La bouteille plastique est avant tout un objet. Un objet parmi les myriades d’objets produits par l’humanité. Un objet qui nous interroge sur sa conception, ses usages, son cycle. Un objet qui renvoie finalement à la place que ses prédécesseurs ont pu prendre dans les équilibres de la vie, à l’instar de la kuksa…]
Cela pourrait être un ulu, couteau en forme de demi-lune utilisé par les Inuits, exclusivement les femmes. Ou en-core un ak-kalpak, un chapeau de feutre blanc traditionnellement porté par les Kirghizes qui le célèbrent tous les 5 mars. Mais en vérité nous nous intéresserons ici à un autre objet, une kuksa, tasse traditionnelle réalisée par les Sami. Sa fabrication demande un long processus qui débute par le choix même du bois, de préférence un broussin (loupe) de bouleau, une excroissance sur le tronc. Historiquement façonnée au couteau, elle est idéalement issue d’un seul bloc qui formera à la fois la tasse et le manche. La kuksa s’inscrit dans un artisanat, le duodji qui couvre les éléments du quotidien et se divise en objets féminins, souvent à base de peau, et masculins, plutôt en bois ou en corne et dont la kuksa fait partie. Une fois réalisée, elle intègre le parfait bagage de son propriétaire prête à satisfaire tous ces besoins de contenant ou de contenu au jour le jour, thé, café, soupe ou… eau-de-vie, à son gré. Accrochée à son équipement grâce à une lanière, la kuksa devient ainsi son inséparable compagne, susceptible de le suivre sa vie durant.
Et bien entendu, s’il est un point que nous souhaiterions ici retenir, de même que pour le ulu, le ak-kalpak, et quantité d’autres objets traditionnels, c’est précisément leur durabilité. À l’heure où certains ont les yeux tournés vers les milliards d’objets connectés et leurs prouesses assurées, ne serait-il pas primordial de rappeler à la durée de vie de chacun des objets créés ? À leur renouvellement continu, à leur déchéance promise, pouvons-nous alors substituer l’intelligence par laquelle quantité d’objets ont été conçus, et pourraient être aujourd’hui pensés, dessinés, produits, en respectant ce moindre impact sur l’environnement et une plus grande intégrité de leurs usages ? À quand un système économique, social, artisanal, moral… capable d’en promouvoir les équations vertueuses aussi largement que possible, que ce soit dans les faits ou dans les esprits ?
Et si l’on commençait par questionner notre indéfinition d’un « objet » ?
…Ah, au fait, si elle peut être rincée à l’eau, la kuksa ne doit pas être cependant lavée avec un quelconque détergent, au risque de la dépouiller de sa chance !
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