[Qu’entreprendre ? Qu’entreprendre au regard de tous les possibles ? Et comment y procéder en réfléchissant aux raisons de le faire, aux moyens mis en œuvre, aux conséquences qui en résultent et à leurs effets sur les équilibres environnementaux, sociaux, éthiques… ? Parce qu’elle constitue le cadre quotidien de très nombreux individus, toute entreprise est un espace de possible progrès. Petite histoire du jugaad sur les chemins de son inventivité…]
Il existe bien des manières d’entreprendre. Par exemple en questionnant l’équité qui l’accompagne, que ce soit dans un contexte artisanal, agricole, industriel, tertiaire, etc. Créer, soutenir, développer des structures dont l’impact économique, social, environnemental, culturel, est profitable aux êtres et aux sociétés. Remettre en cause les mécanismes d’une concurrence effrénée qui se livre dans un monde sans frontière (tant sur les produits, que sur les approvisionnements de matières, ou la consommation d’énergie, etc.). Rejeter l’appétit de certains actionnaires dont la gloutonnerie réclame des bénéfices toujours plus élevés au détriment de tout… Oui, les entreprises sont au centre d’un réel et possible progrès et nombre d’entre elles le démontrent quotidiennement. Ce progrès peut emprunter des voies simples, comme aider des petits producteurs à vivre décemment de leur activité notamment par la fixation d’un « prix juste », les préservant des effets destructeurs de marchés aveugles obnubilés par la seule rentabilité et la spéculation éhontée… Ce progrès peut aussi se loger dans des innovations frugales, ainsi que nous y invite le concept de jugaad…
Alors que l’innovation constitue une ligne majeure de progrès dans tous les domaines, et qu’elle appelle à la plus grande attention des acteurs économiques & sociaux sur ses mérites et parfois ses limites, voilà bien une idée qui fait son chemin, le jugaad जुगाड़. Ce mot hindi pointe avec force la mise en œuvre de solutions souvent improvisées ou de fortune, dont une des caractéristiques essentielles est d’utiliser des ressources limitées. Cela peut s’opérer dans des micro-situations, l’idée étant de faire « simple mais pas simpliste ». Ainsi de l’exemple de Prajapati, potier du Gujarat qui, depuis des années, expérimente l’argile afin de produire une variété de biens durables. Par exemple, ce réfrigérateur entièrement en argile nommé le Mitticool (mitti signifiant « terre » en hindi) : « l’eau d’une chambre supérieure s’infiltre à travers les parois latérales, refroidissant la chambre alimentaire inférieure par évaporation. Le réfrigérateur ne consomme pas d’électricité, est 100 % biodégradable et ne produit aucun déchet pendant sa durée de vie. Une invention géniale ! » (L’innovation Jugaad – redevenons ingénieux – Ed. Diateino). Et si l’entreprise devenait partout comme elle a su le démontrer dans la plupart des sociétés, cet espace de reconquête des équilibres.
Et si l’on commençait par questionner notre indéfinition de « l’entreprise » ?
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