Si l’on se réfère à l’histoire du Petit Poucet, l’abandon évoque des parents indigents, sans pitié, qui se séparent de leurs enfants, faute d’avoir les moyens financiers de s’en occuper. Mais aussi une issue heureuse. Petit dernier délicat et souffre douleur d’une famille nombreuse qui lui laisse peu de place, le Petit Poucet, tire parti de tout et même de sa petite taille, pourtant sujette à moqueries. Et lorsque père et mère « résolurent de se défaire de leurs enfants », pas une seconde il ne se lamente sur son sort, contrairement à ses frères et sœurs qui se « mirent à pleurer » dès qu’ils se virent seuls. À la relecture du conte, on s’aperçoit combien ce petit garçon fait preuve d’ingéniosité, de courage, d’une capacité d’anticipation remarquable, pour surmonter les épreuves. Autrement dit, combien la séparation lui sert, en dépit des conditions pénibles dans lesquelles elle se produit, à gagner en autonomie. C’est cet accomplissement de soi qui capte notre attention et efface presque la cruauté initiale. Ce conte suggère (…) de devenir auteur de soi-même et responsable, plutôt que de s’accepter condamné à l’impuissance, résigné au martyr, sans moyens de réagir sitôt que l’on se sent délaissé. D’une façon symbolique, cette séparation brutale, qui en tous points mettrait en évidence l’indignité des parents, s’avèrerait souhaitable si ce n’est essentielle, pour rompre (de part et d’autres) avec les liens de dépendances infantiles. On peut voir dans ce conte une métaphore de la nécessité de marquer la distance entre parents et enfants et d’encourager ceux-ci à l’éloignement.
Auteur : Virginie Megglé
Source : psychanalyse-en-mouvement.net / 2003
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