Yu le Grand (大禹, Dà Yǔ), figure majeure de la protohistoire chinoise, est traditionnellement considéré comme le fondateur de la dynastie Xia (夏朝, Xià Cháo), vers 2100 av. J.-C., et comme le dernier des souverains exemplaires à avoir reçu le trône par transmission méritocratique (禅让, shànràng), rompant avec cette coutume en instaurant l’hérédité dynastique. Il est surtout célébré pour avoir maîtrisé les grandes inondations (治水, zhì shuǐ) qui dévastaient les terres du centre de la Chine, notamment le bassin du fleuve Jaune (黄河, Huáng Hé), dans une région située entre 34°N – 112°E et 38°N – 115°E. Contrairement à son père Gun (鲧, Gǔn), qui échoua à contenir les eaux par des digues, Yu mit en œuvre une méthode fondée sur la canalisation (疏导, shūdǎo) plutôt que sur l’endiguement : il dirigea les eaux vers les mers, creusa des canaux et établit des déversoirs naturels. Cette action hydrologique monumentale, qui aurait duré treize ans (selon les légendes), symbolise à la fois le pouvoir sur la nature et la capacité politique à créer un ordre civil. Yu est aussi crédité de l’organisation territoriale de l’empire en neuf provinces (九州, Jiǔzhōu) et de l’unification de tribus jadis rivales, posant les fondements d’un État centralisé. Il aurait fait frapper les premiers ding (鼎), grands chaudrons en bronze, emblèmes du pouvoir royal et de l’unité rituelle. Dans la tradition confucéenne, Yu est une figure d’abnégation et de rigueur morale : on dit qu’il passa devant sa maison à plusieurs reprises sans y entrer, absorbé dans son devoir (公而忘私, gōng ér wàng sī, « mettre le public avant le privé »). Le Shujing (书经, Shūjīng), ou Classique des documents, le mentionne comme un sage législateur, et Sima Qian (司马迁, Sīmǎ Qiān), dans le Shiji (史记), lui consacre une biographie fondatrice. Bien que sa réalité historique reste débattue, les fouilles archéologiques sur les cultures de Erlitou (二里头, Èrlǐtóu) – datées vers 1900–1500 av. J.-C. – ont ravivé les hypothèses sur un pouvoir proto-étatique correspondant à la dynastie Xia. Yu le Grand incarne ainsi la transition du mythe à l’histoire, de l’idéalisme moral à l’institutionnalisation du pouvoir. Il est également honoré dans les traditions taoïstes comme maître du fengshui (风水), et dans les rites impériaux comme ancêtre politique. La figure de Dà Yǔ résume un idéal de souveraineté fondé non sur la guerre, mais sur la capacité à harmoniser nature, société et cosmos (天人合一, tiān rén hé yī).
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3000-2000Chineempiremythe