Les « Trois Augustes » (三皇, Sān Huáng) occupent une place fondamentale dans la mythologie chinoise comme fondateurs de la civilisation humaine et précurseurs de l’ordre social, technologique et cosmique. Leur règne est censé s’être étendu bien avant celui des Cinq Empereurs (五帝, Wǔ Dì), dans un passé mythique situé vers 3000 à 2600 av. J.-C., dans le nord de la Chine actuelle, entre 32°N – 112°E et 40°N – 115°E. La tradition classique, notamment sous la dynastie Han (汉朝, Hàn Cháo), identifie trois figures principales, bien que leur identité varie selon les sources : la version la plus répandue nomme Fuxi (伏羲, Fúxī), Nüwa (女娲, Nǚwā) et Shennong (神农, Shénnóng). Fuxi, souvent représenté avec un corps de serpent ou de dragon, est crédité de l’invention des trigrammes (八卦, bāguà), base du Yijing (易经, Yìjīng, « Livre des mutations »), ainsi que de la pêche (渔业, yúyè), de la chasse (狩猎, shòuliè) et de l’union conjugale (婚姻制度, hūnyīn zhìdù). Nüwa, sa sœur et compagne mythique, est considérée comme la déesse qui créa les êtres humains à partir de la terre jaune (黄土, huángtǔ), et répara le ciel brisé avec des pierres de cinq couleurs (补天, bǔ tiān), une métaphore puissante de restauration de l’ordre cosmique. Shennong, quant à lui, est le « laboureur divin » ou « souverain des cinq céréales » (五谷之君, wǔgǔ zhī jūn), inventeur supposé de l’agriculture (农业, nóngyè) et de la pharmacopée (本草, běncǎo), capable, dit-on, de goûter des centaines d’herbes par jour pour en déterminer les effets. On lui attribue l’usage de la charrue en bois (木犁, mùlí) et l’organisation des marchés (集市, jíshì). Ces figures ne règnent pas par la force mais par la vertu (德, dé) et l’exemple, selon une logique cosmologique où l’homme est au centre d’un triangle reliant le ciel (天, tiān), la terre (地, dì) et l’humanité (人, rén). En ce sens, les Trois Augustes ne sont pas de simples souverains mais des archétypes culturels, modélisant les débuts de la civilisation chinoise dans ses aspects techniques (agriculture, calendrier, écriture symbolique), sociaux (mariage, filiation, marchés) et spirituels (équilibre des forces naturelles). Ils sont souvent invoqués dans les textes confucéens comme sources du dao (道, « la voie »), dans les rites taoïstes comme figures cosmogoniques, et dans l’art impérial comme ancêtres légendaires du peuple Han (汉族, Hànzú). Ainsi, même sans preuve archéologique directe, leur importance dans la mémoire chinoise reste immense, marquant la frontière entre chaos primordial (混沌, hùndùn) et société ordonnée (礼治, lǐ zhì), entre nature sauvage et monde humain.
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3000-2000Chineempiremythe