L’« Effet Matthieu » tel que Merton l’a forgé en 1968, s’appliquait principalement à la première moitié de Matthieu, 13, 12 – l’excès de reconnaissance dont bénéficient ceux qui sont déjà célèbres, ou déjà au sommet, dont il prenait acte. Mais (conformément au message qu’il comporte), on n’a pas accordé le même intérêt au phénomène décrit dans la seconde moitié de la parabole alors qu’il se produit assez couramment, en particulier dans la longue histoire de la présence des femmes dans les sciences. Au lieu, comme les sociologues l’ont fait jusqu’à maintenant, de la nier, il faut reconnaître, faire remarquer et mettre en lumière le sexisme qui préside à la dévalorisation systématique des femmes dans la sociologie de la connaissance ou de la science, comme un « effet » nommé. Compte tenu de son caractère patriarcal, même les femmes concernées par la Bible, que ce soit Priscilla en tant qu’auteure ou Marthe en tant que partie prenante, se prêtent sans doute moins à l’objectif poursuivi ici, que l’une de celles qui en a fait, plus tardivement, une critique féministe, contribuant aussi à la Woman’s Bible des années 1890. L’honneur revient à l’Américaine Matilda J. Gage, de l’État de New York, d’avoir la première formulé (mais hélas, également vécu) ce que nous pouvons appeler ici, en sa mémoire, l’« Effet Matilda ». Attirer l’attention sur elle, et sur cette tendance, qui remonte à des siècles, incitera et aidera peut-être les universitaires d’aujourd’hui et de demain à écrire une histoire et une sociologie des sciences plus équitable et plus précise, ce qui implique de ne plus passer sous silence toutes les « Matilda », mais aussi d’appeler l’attention sur davantage d’entre elles encore.
Par : Margaret W. Rossiter
Source : L’effet [Matthieu] Mathilda en sciences | journals.openedition.org | 2003
Pantopique(s) lié(s) :
1850-1900discriminationEtats-Unis d’AmériquefemmeMonde