[La situation contemporaine renvoie chaque individu, chaque société, chaque territoire à une certaine vision du monde et à la lecture plus ou moins prospective que nous en avons. En quoi notre vision du monde participe-t-elle à y défendre la vie, le respect mutuel, la dignité ? Histoire d’une grenouille au fond d’un puits, ou plutôt deux…]
« Tu ne vois pas le monde tel qu’il est, mais tel que tu es. »
Le Talmud
Une grenouille vagabondait en ce vaste monde lorsqu’elle s’approcha dangereusement de la margelle d’un puits. Si imprudemment qu’elle finit par y chuter. Se remettant de son effroi, elle se retrouva donc dans le fond du puits où elle rejoignit une comparse. Une conversation débuta bientôt entre elles. La nouvelle arrivante s’enquit sans tarder de sa condition, et finit par comprendre que son interlocutrice ne connaissait du monde que ce puits, qu’elle y avait passé toute son existence. Ce à quoi elle tenta de lui faire comprendre que le monde n’avait rien à voir avec ce ridicule espace, limité par d’humides parois. Hélas, ses tentatives furent vaines car la résidente du puits ne parvenait pas à se représenter les dimensions de ce monde « tellement plus vaste » auquel rien ne lui permettait de songer. Dépitée, la malheureuse arrivante finit par abandonner, admettant à contrecœur que pour une grenouille au fond du puits, le ciel se limite à la margelle !
Nous sommes tous et toutes plus ou moins dans la position de l’une de ces deux grenouilles, et plus particulièrement de la seconde, aussi « vaste » soit en fait notre monde. Bien sûr nous avons pu, par bonheur, devoir ou contrainte, arpenter de larges étendues du dit monde, mais pour peu que nous y songions, qu’en avons-nous réellement découvert, compris ? Comment y sommes-nous sorti.es de notre puits [zone de confort, moule, idéologie…] ? Et quand bien même, n’est-ce pas souvent pour retomber dans un autre puits, avec un autre ciel lui-même limité à sa propre margelle… ? Ainsi en va-t-il de bien des relations au monde, ou à l’empilement des mondes qui le constituent, riches de langages, de systèmes, de valeurs… comme autant d’énigmes lumineuses, prêtes à s’éclairer lorsque nous leur accordons une suffisante attention. Et, dès lors, ne sommes-nous pas convié.es à tenter de concilier la singularité de notre condition, en ce puits que nous habitons, et l’universalité qui la contient ? Montaigne nous invitait à reconnaître qu’est « barbare ce qui n’est pas de notre usage ». Combien fécond serait-un monde où nous accepterions d’œuvrer à cette reconnaissance et de travailler sur une idée dynamique d’une singularité universelle en paix avec toutes les autres singularités ?
« Je ne veux pas que ma maison soit murée de toutes parts, ni mes fenêtres bouchées, mais qu’y circule librement la brise que m’apportent les cultures de tous les pays. »
Gandhi
Et si l’on commençait par questionner notre indéfinition du « monde »?
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