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La Vallée de l’étrange

repère(s) :science

Nous voici en janvier 1921 à Prague.
Première d’une pièce de Karel Čapek (1890-1938) contant l’histoire des « robots universels de Rossum » [en tchèque : Rossumovi univerzální roboti].
Histoire d’êtres organiques créés artificiellement et d’une jeune femme, Héléna, qui se bat pour défendre leurs droits.
Histoire qui se produit en une lointaine année 2000, et qui questionne au fil de ses épisodes sur le rapport de l’humanité à ce qu’elle a engendré.
Il s’agirait là de la première occurrence dans la littérature du terme « robot », que l’on peut rattacher au tchèque robota, « travail forcé », lui-même s’apparentant au russe.
Un terme que l’on dit avoir été suggéré par Josef Čapek, frère de Karel, décédé au camp de concentration de Bergen-Belsen…
Nous sommes à présent en 2015, le réalisateur japonais Kôji Fukada 深田 晃司 produit Sayonara さようなら, le premier film à inscrire un robot humanoïde, Geminoid F, dans son casting.
Un scénario post-apocalyptique…
Et nous voici encore en Arabie Saoudite en 2017.
Sophia y devient le premier robot humanoïde à recevoir la citoyenneté d’un pays.
Tous ces profils robotiques pour en arriver à Mindar, un autre androïde, conçu en 2019 selon le modèle de Kannon la déesse bouddhiste de la miséricorde.
Une œuvre conjointe réalisée entre le temple Kôdai-ji 高台寺 à Kyôto 京都市, vieux de 400 ans, et la société du Professeur Hiroshi Ishiguro 石 黒 浩, l’un des acteurs incontournables de l’expansion des robots humanoïdes à partir de son laboratoire d’Osaka.
[androïde m. : robot construit à l’image d’un être humain.]
Tandis que nous voici confrontés à la Vallée de l’étrange [Uncanny Valley] qui stipule que plus un androïde est similaire à un être humain, plus ses imperfections nous paraissent monstrueuses, vers où nous dirigeons-nous ? Comment apprendrons-nous – ou pas – à vivre en compagnie des robots ?
Pour y répondre, Hiroshi Ishiguro renvoie quant à lui à la philosophie japonaise, et plus particulièrement au shintoïsme, pour lequel les divinités habitent toute chose, alors pourquoi pas des robots !
Quant au vieux moine du Kôdai-ji, Tensho Goto, ne nous dit-il pas que « le bouddhisme n’est pas une croyance en un dieu (…) et peu importe qu’il soit représenté par une machine, un morceau de ferraille ou un arbre »…
D’ailleurs, s’adressant aux jeunes générations, il ajoute « qu’il peut être difficile à certains de communiquer avec des prêtres un peu ringards ».
Il espère néanmoins « que ce robot sera une manière ludique de combler le fossé… » On le lui souhaite de tout cœur.

Morale de l’histoire : Sous forme de deux courtes questions – Quel équilibre visons-nous entre humains & robots ? Sommes-nous en mesure d’y parvenir ?

Il y a dans le jardin du temple Kôdai-ji, une petite maison de thé – J’ai bien envie d’aller m’y poser un jour pour discuter avec Mindar tout en dégustant un thé vert…

Drôle de monde !

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1900-1925Arabie saouditeJaponrobotTchécoslovaquie