Quelqu’un qui m’a marqué, c’est le Général De Gaulle. Tout d’abord dans le Pacifique lors d’une tournée sur les essais nucléaires français. Puis une seconde fois, à l’époque de l’entrée des troupes soviétiques à Prague en 1968. J’étais alors rédacteur en chef adjoint à Nancy, et lors d’un reportage on s’est fait doubler par les gendarmes à moto… On s’est demandé ce qu’on avait encore fait ! Un gendarme s’est approché, nous a salués et a dit : Est-ce qu’il y a quelqu’un qui s’appelle Jean S. parmi vous ?, j’ai dit : moi Venez avec moi. Alors je l’ai suivi, dans la sacoche de cuir de son engin, il y avait un téléphone (Il n’y avait pas de portables à l’époque !). Et j’avais Michel Péricard au bout du fil, responsable de l’info. Il m’a dit : Les Russes viennent d’entrer à Prague. C’était un dimanche. – De Gaulle est à Colombey-les-Deux-Eglises et c’est toi qui es le plus prêt. – Et alors ? – Alors tu y vas. Il a dit quelque chose au motard, et les motards nous ont ouvert la route jusqu’à Colombey. Nous étions quatre : le chauffeur assistant, le preneur de son, le caméraman et moi. Tante Yvonne est venue avec un petit plateau. Il y avait quatre verres et une bouteille de Dubonnet. Elle nous a servis. On a bu et après on a fait l’enregistrement. On sentait que tout était prêt, Le Général était assis à son bureau. Le preneur de son était par terre avec son Nagra, la caméra derrière moi. – On peut mon Général ? – Oui. – Général de Gaulle, une première ! Je regarde le caméraman et une minute, une minute et demi, mon regard glisse vers le preneur de son. Il était blanc. Il me montre le Nagra et la bobine ne tournait pas. On prenait l’image du Général … mais pas de son ! Dans ces moments là, il faut dire : Coupez. Alors j’ai dit : Coupez. Il s’est exclamé : Ho la technique !. Et on a recommencé. Exactement les mêmes mots, mot pour mot, et aucun papier ! Là on est allé jusqu’au bout, et on est sorti. Il nous a raccompagné jusqu’à la porte, il y avait les marches, le chauffeur était déjà en place, je me suis retourné : Madame de Gaulle !, sans trop m’approcher. Et puis je me suis tourné vers lui : Merci mon Général, au revoir mon Général !, et là il m’a tendu la main, et au moment où je descendais, il ne m’a pas retenu mais j’ai eu l’impression que la main ne me lâchait pas immédiatement et il m’a dit : Jeune homme, il y a loin de Colombey-les-Deux-Eglises aux rives du Pacifique n’est-ce pas ?. Ouf. Il se souvenait parfaitement bien que nous nous étions connus ailleurs. Ça c’était lui.
Par : Jean Suhas
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