Au lever de rideau, Antigone, plus jeune fille d’Œdipe, a déjà commis l’irréparable : profitant de la nuit, elle s’est glissée hors du palais pour jeter une poignée de terre sur le cadavre de son frère Polynice, accomplissant ainsi les rites funéraires que le roi avait proscrits. Ismène, sa sœur aînée, belle et raisonnable, avait refusé de l’aider par peur de la loi de Créon. Antigone, elle, n’a pas pu supporter l’idée que l’âme de son frère n’ait pas le repos. Au petit matin, un garde la surprend près du corps violant l’édit royal, et la jeune princesse est aussitôt arrêtée. Créon se retrouve donc contraint d’appliquer son propre décret : il a juré de faire exécuter quiconque enterrerait Polynice, même si c’est sa nièce bien-aimée.
[Jean Anouilh écrit Antigone en 1942, au cœur de la Seconde Guerre mondiale, alors que la France est occupée par l’Allemagne nazie. La pièce est créée le 4 février 1944 au Théâtre de l’Atelier à Paris, dans une mise en scène d’André Barsacq, en pleine Occupation. Ce contexte historique singulier imprègne profondément l’œuvre et sa réception. Il fallait oser, devant l’Occupant, montrer la révolte exaltée d’une jeune fille contre le pouvoir en place. Anouilh puise dans la tragédie antique de Sophocle un écho aux enjeux de son temps, comme il l’explique plus tard : « L’Antigone de Sophocle […] a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l’ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre ». En effet, l’idée de cette réécriture aurait germé après un fait divers de 1941 : le geste héroïque et isolé du résistant Paul Collette, qui tenta d’assassiner deux dirigeants collaborationnistes, geste « héroïque et vain » qui frappe Anouilh et lui semble contenir « l’essence même du tragique ». Ainsi, la figure de la jeune Antigone défiant l’ordre établi devient pour l’auteur une métaphore puissante de l’individu en résistance face à l’oppression.]
Source : Antigone | Jean Anouilh | lespetitesanalyses.com
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