Dans la première tablette de l’Épopée de Gilgamesh, le grand texte littéraire mésopotamien, se déroule une scène terrifiante : un chasseur de la ville sumérienne d’Ourouk s’est tapi, dans la steppe, non loin d’un point d’eau. Il était venu relever ses pièges, mais ceux-ci ont été détruits, et le responsable est là sous ses yeux. Il ne sait pas encore qu’il s’agit d’Enkidou, le futur ami et compagnon d’aventure de Gilgamesh, le roi d’Ourouk. Ce que le chasseur contemple, avec terreur, c’est un être qui ne ressemble que très vaguement à un homme. La preuve en est que « tout son corps est couvert d’une épaisse toison ; sa chevelure est disposée comme celle d’une femme ; les touffes de ses cheveux foisonnent comme des épis d’orge ». La bestialité d’Enkidu se mesure donc à l’aune de ses poils et de ses cheveux : surabondants, indisciplinés, broussailleux, mais aussi flottants et laissés longs comme ceux d’une femme. L’une des versions paléo-babyloniennes de l’Épopée de Gilgamesh présentée par Andrew George nous indique d’ailleurs que l’acculturation d’Enkidou passe ensuite par une étape chez le coiffeur : « Le barbier gratta son corps velu ; [puis] Enkidu s’oignit d’huile, et il devint un homme. »…
Auteur : Francis Joannès
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