« [La forêt a accompagné l’histoire des civilisations. Mais elle croule aujourd’hui sous l’appétit sans mesure qui la condamne à disparaître… et nous avec elle ? Comment mieux traduire notre responsabilité ?…]
« Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent ».
Chateaubriand
390 milliards d’arbres, voici un nombre qui à son évocation peut aussitôt donner le tournis. Pas sûr en effet qu’à son écoute nous soyons en mesure d’en dépasser l’abstraction, bien que précisément ce nombre estimé renvoie à une réalité des plus concrètes : celle de la forêt amazonienne. Dans un plaidoyer sur la nature de nos responsabilités à son égard, comme à l’égard de toutes les forêts que l’histoire des écosystèmes a confiées à notre gestion, Prince Ea mentionne la raison qui aujourd’hui nous conduit à les menacer : le gain, l’appétit morbide et aveugle qui emporte de longue date l’espèce humaine et que des moyens toujours plus imposants ont conduit à amplifier. On peut ainsi lire que sur une année des centaines de millions d’arbres, a minima, sont volés à cette richesse et qu’il faudrait bien des décennies pour en panser les plaies, pour en compenser les pertes, en admettant que nous y songions…
Mais alors que nous disent les peuples natifs de ces espaces ? Que nous disent-ils de la forêt, de chaque arbre, de son âme, de son cri lorsqu’il se voit condamner ? Que nous disent les Kayapos, les Yanomamis, les Shuars, les Guaranis… et des centaines d’autres peuples de ce désastre qui les met tous et toutes en péril – et nous dans leur sillon ? Comment l’apprentissage qui fut le leur sur le temps long d’une harmonie sacrée, a-t-il pu en quelques décennies être à ce point bafoué, violenté, sous les prétextes les plus fallacieux ? « Et une fois que toute notre forêt sera partie nous n’existerons plus en tant que peuple. Tout va changer et notre terre va devenir très petite… » dit Paulito, chaman guarani. N’a-t-on pas dit en 2014 que les Guarani-Kaiowá avaient, en raison de cette condamnation, le taux de suicide le plus élevé au monde…
Est-il une voix pour sortir d’une telle impasse ? Et si l’on commençait par questionner notre indéfinition de la « forêt » et de « l’arbre » ?
«