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L’interdépendance – Et si l’humanité ?

repère(s) :humain

S’il est un acteur central à la crise pandémique planétaire, un acteur inattendu de son interdépendance, c’est sans aucun doute « l’humanité » elle-même. Voici en effet qu’un ensemble hétérogène d’individus, de groupes et de sociétés, antérieurement aptes à quelques rapprochements mais aussi mais surtout à toutes sortes de divisions, d’indifférences, et de déchirements, se voit assemblé dans une même cause, faisant face à un ennemi commun.

Bien sûr chacun.e aura pu observer que le grand idéal d’une espèce humaine devenue soudain intelligente, taisant complètement le fracas des armes, des rivalités politico-économiques, ou des pré-positionnements d’après-crise, n’est pas pour aujourd’hui. Il y a tant et tant de raisons de se quereller, et comme le dit l’adage, il n’y aurait pas de querelle si l’un des deux avait tort…

Néanmoins, cela n’empêche nullement le terme « d’humanité » d’être au centre du débat, même s’il se trouve légitimement relégué par de pressantes résolutions. C’est alors qu’une question nous vient, inéluctablement : et si dans le cataclysme actuel, l’humanité était invitée à prendre tout simplement une meilleure conscience d’elle-même et de ses devoirs de justice, de respect mutuel, de dignité pour tous et toutes et de paix ? Heureuse chimère nous dira-t-on qui aura tôt fait de voler en éclats une fois que la crise (ou la « catastrophe » ainsi que l’avance B. Cyrulnik) sera passée ? On nous l’aura répété tellement de fois que nous n’aurons plus vraiment le goût, ni du reste le temps, à en dissuader quiconque. D’autant qu’une autre question bien plus troublante s’impose : c’est quoi, c’est qui « l’humanité » ?
Pensez-vous que je plaisante ? En fait, pas vraiment… car voyons, que nous en dit-on : « Ensemble des êtres humains, considéré parfois comme un être collectif ou une entité morale » (larousse .fr) ? « Ensemble des hommes, du genre humain, parfois considéré comme constituant un tout, un être collectif » (cnrtl.fr) ? À cette seule lecture, un doute s’empare de nous… et chaque terme laisse songeur : « être collectif » « entité morale » « homme » « parfois » « tout »…

En quoi suis-je impliqué.e dans cette proposition ? En quoi mes attentes légitimes en matière de justice, de dignité, de paix, s’y retrouvent-elles ? Que puis-je dire à mes enfants quant à l’évolution que devrait connaître notre espèce si elle s’approchait un tant soit peu de cette entité morale ? Comment devraient sans aucun report y être incluses les questions incontournables de la relation à l’environnement, à l’égalité de genre, à l’éradication de la famine, à l’éducation pour tous et toutes, à l’installation de toilettes… ?

Difficile de prévoir ce que nous dirons de nos abandons, de nos impuissances, de notre acceptation quotidienne à ce que des millions, des milliards d’individus, en soient écartés. Nous devrions savoir en revanche que l’union de fait à laquelle nous assistons pourrait servir de catalyseur afin de faire émerger une in/définition beaucoup plus exigeante sinon engageante. L’on se dit alors qu’en y associant nos intelligences, nos soifs de changement véritable, de construction commune, nous pourrions peut-être, en ce début du 3ème millénaire pour le moins chaotique, faire acte inédit : donner enfin à l’humanité une chance d’être.

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