Un monolithe noir, en basalte, symbole d’une fantastique odyssée du temps car il a porté jusqu’à nous, à travers plus de trente-sept siècles, l’un des plus anciens systèmes de justice dont nous ayons connaissance, codifié et gravé pour l’éternité par le grand roi de la Mésopotamie antique, Hammurabi : telle se présente la stèle de 2,25 mètres de haut, exposée au Louvre, où l’on peut voir, inscrite au burin dans la pierre, en caractères cunéiformes et en langue akkadienne, la quasi-totalité d’un texte juridique, dont le premier traducteur (J.V. Scheil) a dégagé 282 articles. Cette longue inscription comporte un prologue et un épilogue, tous deux à la gloire de Hammurabi qui régna sur Babylone de 1792 à 1750 environ avant notre ère. Son sommet s’orne d’un bas-relief au sens limpide : assis sur un trône, Shamash, dieu-soleil garant de la justice et de l’équité, remet au roi qui se tient debout devant lui les insignes de la royauté.
Au roi le pouvoir. Au roi de dire la loi. Pour unir, pacifier, administrer son royaume. Pour l’ordre et pour le bien de ses sujets. Pour que justice prime sur la loi du plus fort.
De très nombreux aspects de la vie babylonienne sont réglementés dans le corpus des lois de Hammurabi : famille, mariage, adultère, propriété, commerce, activités économiques, etc. La peine de mort, les châtiments corporels, les mutilations, l’ordalie y sont souvent de mise. Pourtant aussi antique, exotique et brutal nous paraisse-t-il, ce texte nous invite à nous interroger sur le caractère relatif de toute justice. Mais également sur ce qu’est la justice, en tout lieu et en tout temps. Sur son rapport à ce qui est juste ou non, sur son rapport à ce qui est moral ou non. Sur son rapport à la force, même : Hammurabi, le roi, dit le droit, impose le droit, fait respecter le droit, par la force. Car il est le plus fort. Sans la force, et donc un rien d’arbitraire, le droit est-il possible ? Force et justice ne seraient-ils que les deux faces d’une même médaille ?
Auteur : Joël Couttausse
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