Dans la Grèce ancienne, le bois sacré est une forme rustique, minimale du jardin : un site naturel sobrement aménagé, une prairie avec des fleurs sauvages, une source incertaine, un bosquet, parfois planté d’oliviers ou de vergers, autour d’un sanctuaire, d’un autel, ou près d’une grotte consacrée à une divinité, une nymphe, un héros, un esprit du lieu, le genius loci, quelqu’un qui a vécu ou qui est mort là. Le bosco sacro, comme l’appellent les Italiens de la Renaissance, est un endroit propice au recueillement, le lieu d’un drame ou d’un miracle, un enclos empreint de consolation, de protection, ou tout simplement de délectation; un jardin qui paraît ne pas l’être encore, dans le miracle précaire de son existence.
Ces bois sacrés peuplent de leurs murmures toute la littérature classique. Dans le chant V de L’Odyssée, alors qu’Ulysse ne parvient pas à quitter Calypso, Homère décrit le bois sacré qui entoure la caverne: « Au rebord de la voûte, une vigne en sa force éployait ses rameaux, toute fleurie de grappes, et près l’une de l’autre, en ligne, quatre sources versaient leur onde claire, puis les eaux divergeaient à travers les prairies molles, où verdoyaient persil et violettes. Dès l’abord en ces lieux, il n’est pas d’immortel qui n’aurait eu les yeux charmés, l’âme ravie. »…
Auteur : François Legendre