À partir du début du XVIe siècle, les dictionnaires bilingues connaissent une expansion vertigineuse : plusieurs centaines d’ouvrages cherchent à couvrir des langues non européennes. De quelle révolution témoignent ces nouveaux outils de connaissance entre les mains des savants et des diplomates ? Indiquent-ils l’émergence d’une vision sociale et historique du langage, ou poursuivent-ils une mise en ordre ontologique du monde ?
Parallèlement à l’expansion coloniale du Vieux Continent, la recherche d’une trame langagière commune supplée à l’effritement de la conception biblique d’une langue originelle. Face à l’extraordinaire diversité des langues amérindiennes, les Européens créent avec les dictionnaires un espace de traduction qui assigne une correspondance entre leurs catégories fondamentales, telles que « personne », « humain », « dieu », « corps » ou « âme », et des termes autochtones qui n’en sont pourtant pas les équivalents.
En explorant les failles de l’univers créé par cette « raison lexicographique », il devient possible de saisir des formes de construction du monde que l’ontologie du langage, profondément ancrée dans la tradition de la pensée européenne, avait effacées.
Source : fayard.fr
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