C’est à Paris qu’a été inventé un objet salutaire pour l’hygiène publique grâce à un préfet qui a laissé son nom à sa trouvaille : Eugène Poubelle et qui a donné lieu à une véritable révolution sanitaire et urbaine. 24 novembre 1883, le préfet de la Seine fait passer un arrêté à Paris qui oblige les propriétaires à prévoir « un récipient de bois garni à l’intérieur de fer blanc » pour les ordures ménagères. La poubelle vient de naître, mais la bataille pour l’adopter a été rude. L’homme qui signe ce décret est Eugène Poubelle, tout juste nommé préfet de la Seine, à une époque où ce dernier fait également office de maire de Paris. Né à Caen en 1831, Poubelle est un républicain acquis aux thèses hygiénistes qui placent l’assainissement des conditions de vie au cœur d’une nouvelle politique urbaine. Souvent moqué et malmené par la presse, notamment en raison de sa barbe fournie, il a devant lui une lourde tâche : assainir Paris. Il faut dire qu’à cette époque, la capitale a mauvaise réputation à l’étranger. Les épidémies de choléra et de fièvre typhoïde y font encore des milliers de morts. Les 2 millions de Parisiens pratiquent le “tout-à-la rue” avec leurs restes de nourriture qui pourrissent sur la chaussée, créant des tas d’immondices et une boue malodorante. Certaines rues deviennent impraticables, et sont abandonnées aux chiffonniers, prolétaires marginaux qui récupèrent dans les tas d’ordures ce qui peut être revendu. Depuis l’achèvement des grands travaux d’Haussmann, le conseil de Paris cherche à enrayer ce fléau. Les Parisiens regardent du côté de Lyon, où un système de ramassage des ordures avec des paniers et des seaux est en place depuis 1800. Eugène Poubelle n’est pas à l’origine du décret du 24 novembre 1883, mais c’est lui qui le défend face à la levée de boucliers des propriétaires et des concierges, désormais chargés de fournir les boîtes et de les sortir avant le ramassage. L’opinion y voit une intrusion insupportable des autorités dans leur intimité ménagère. Les journalistes soupçonnent les autorités de collusion avec les fabricants des boîtes et s’inquiètent du sort des chiffonniers, privés de leur gagne-pain (…) Eugène Poubelle sort renforcé de ce bras de fer et entame bientôt un autre chantier, celui de l’évacuation des eaux usées. En 1894, il oblige les propriétaires d’immeuble à se raccorder au système de collecte des eaux usées. Après avoir passé 13 ans à la préfecture de la Seine, Poubelle devient diplomate et ambassadeur au Vatican, avant de mourir à Paris, en 1907 (…)v Après son passage à Rome, il compare l’antonomase dont il a fait l’objet à celle de l’empereur Vespasien : “Je voudrais que [ma renommée] vécût longtemps encore, et qu’elle perpétue mon souvenir ainsi que les vespasiennes rappellent un nom célèbre à Rome.”
Par : Yann Lagarde
Source : radiofrance.fr | 2013