[La bouteille a toute sa place dans un dictionnaire des humanités. Au même titre que toutes les notions que nous avons pu traverser ici et qui, par nature, se contiennent les unes les autres… Et si nous compilions ensemble un lexique des humanités ? Un lexique ouvert à notre pluralité de savoirs, de langues, de cultures, d’idées ? Un lexique en faveur d’un dialogue universel …]
Gro Harlem Brundtland l’avait pointé en 1987 dans son rapport Notre avenir à tous au sein duquel la notion de « développement durable » (ou plutôt « soutenable » en anglais) devait gagner son audience… On y trouve cet avertissement :
« Si nous ne sommes pas capables de traduire nos mots en un langage qui puisse toucher le cœur et l’esprit des jeunes comme des vieux, nous ne pourrons entreprendre les vastes changements sociaux qui sont nécessaires pour modifier le cours actuel du développement global de l’humanité… »
L’avons-nous entendue ? Avons-nous mesuré à quel point la question du langage est centrale à tout ce que nous avons ici esquissé ? À quel point toutes les notions, tous les objets que nous y avons croisés, effleurés, sont en attente de la mise en mouvement, du rajeunissement, de la confrontation qu’ils nécessitent ? Nous disions à l’instant « développement durable », certes et une définition usuelle extraite du rapport cité semble en rappeler les contours : « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs… » À ceci près qu’une telle définition, largement colportée, est tronquée, amputée de sa véritable substance puisqu’elle se poursuit ainsi :
« Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »
On le voit aisément, un dictionnaire peut être, doit être un lieu de débat, de frottement des idées, de quête heuristique. Les quelques défis contemporains que nous avons très imparfaitement et incomplètement introduits, et tous ceux appelés à les y rejoindre, sont porteurs d’une telle exigence. Lexis21 a pris pour devise cet avertissement de Diderot : « La qualité que doit avoir un bon dictionnaire est de changer la façon commune de penser. » Sommes-nous disposé.es à « changer » la façon de penser lorsqu’elle le requiert ? Sommes-nous disposé.es à mener une vaste entreprise tenant à la mise en mouvement de tous ces termes, invitant à leur croisement, quêtant leurs variations d’une langue, d’une culture, d’un savoir à l’autre ? Un dictionnaire est certes bien peu de choses face aux enjeux monumentaux du réchauffement climatique, de la violence économique ou des conflits géopolitiques présents et à venir. Et pourtant, un dictionnaire peut aujourd’hui aider à en visiter les termes, y compris et souvent en nous reconnectant à l’infinie richesse que les langues & cultures nous ont léguée. Où l’on se prend à rêver d’une démarche qui saurait concilier la force du futur et les quelques éléments de sagesse que nous confie le passé… Libre à chacun, à chacune de nourrir ces voies d’un concours aussi essentiel qu’apaisé…
Et si l’on commençait par questionner notre indéfinition d’un « dictionnaire » ?
Pantopique(s) lié(s) :
1975-2000environnementlangue