Sao Tomé, ou la terrible expérience coloniale du roi Joao II

[résumé de l’article] La colonisation de l’île de São Tomé par le Portugal, débutée à la fin du XVe siècle sous le règne de João II, marque une rupture avec les premières expériences coloniales portugaises dans l’Atlantique. João II, fervent défenseur de l’expansionnisme portugais, envoya en 1480 des colons sur cette île, peuplée de manière dégradante par des Juifs et d’autres populations jugées indésirables, mais ces derniers moururent rapidement à cause des maladies tropicales. Cherchant une solution durable, le roi proposa l’idée du métissage en 1492, envoyant Alvaro Caminha déporter de force plus de 2 000 enfants juifs vers l’île. Ces enfants furent forcés à se marier avec des esclaves africains pour produire des métis résistants aux conditions de travail inhumaines sur l’île. Sous le règne de Manuel Ier, la colonisation de São Tomé se transforma en un laboratoire pour une forme d’asservissement brutale et inédite, soutenue par l’industrie sucrière. L’île devint le principal producteur mondial de sucre jusqu’en 1530, utilisant un grand nombre d’esclaves venus de l’Afrique de l’Ouest. Les conditions de travail étaient terribles, avec une durée de vie très courte pour les esclaves masculins, souvent seulement de trois à quatre ans. Des révoltes de marrons éclatèrent à partir de 1522, mais elles furent violemment réprimées. En 1595, une mutinerie et l’expansion de l’économie sucrière poussèrent les Portugais à déplacer leur production de canne à sucre vers le Brésil tout en continuant à utiliser São Tomé comme centre de déportation d’esclaves. Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, l’île vit l’expulsion de millions de personnes vers le Brésil, où elles furent exploitées dans des plantations. São Tomé devint ainsi un centre clé du commerce transatlantique des esclaves, qui affecta profondément les populations africaines. La traite négrière, qui dura jusqu’en 1761, date de l’abolition de l’esclavage par le Portugal, fut responsable du transport de plus de 20 millions d’esclaves. Cependant, même après l’abolition, les descendants des esclaves de São Tomé demeurèrent dans une situation de grande précarité.