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Des runes scandinaves…

repère(s) :écriture

Certains parmi nous ne mettront pas longtemps à identifier ce signe, puisque celui-ci accompagne le système ingénieux de transmission à distance qui prit il y a quelques décennies le nom de bluetoothTM. A-t-on toutefois idée de la marque culturelle et sémiotique que véhicule ce signe, plongeant ces attaches dans le plus lointain des cultures scandinaves !
Nous voici alors entraînés en plein cœur d’un monde d’écritures débarquant dans la bonne ville danoise de Jelling située dans le Jutland. S’y dressent devant nous d’admirables pierres runiques. Entendons qu’elles sont recouvertes de runes, signes pratiqués par les anciens Scandinaves et qui précédèrent l’usage de l’alphabet latin. L’écrivain romain Tacite (v. 55 – v. 120) (cité par J. Février) écrivait au sujet des prêtres : « Leur façon de consulter le sort est simple. Ils coupent les branches d’un arbre portant des fruits et la taillent en bâtonnets, sur lesquels ils font certaines marques distinctives; ils les éparpillent sur une toile blanche complètement au hasard. Puis le prêtre officiel (…) ou le père de famille (…) adresse une prière aux dieux et à trois reprises prélève un bâtonnet en regardant le ciel. Il interprète les bâtonnets qu’il a prélevés selon la marque gravée antérieurement. » Les runes auraient été pratiquées à partir du IIe siècle avant notre ère. Après plus d’un millénaire d’usage, elles seront progressivement bannies avec l’évangélisation des peuples nordiques. Le nom de l’alphabet est variable selon les systèmes. On le nomme souvent futhark (fuþark) par l’association de ses six premières lettres. Les lettres elles-mêmes ont toutes un nom et possédaient une fonction magique particulière. Selon les interprétations, la première lettre, dite Fehu, évoquerait ainsi le « bétail », la « richesse ». La seconde, Uruz, s’attacherait plutôt à l’idée du « buffle », ou de l’aurochs et de sa puissance phénoménale… Le nombre de lettres connut quant à lui d’importantes variations. S’il est généralement fixé à 24, ou plus exactement à trois séries de huit, les variantes anglaise et frisonne (Pays-Bas) en comptaient pour leur part 28 à 33, alors qu’au contraire on n’en utilisait plus que 16 en Scandinavie. Quant au mot « rune », on lui verrait des occurrences dans les langues celtiques et germaniques, évoquant l’idée de « secret ». Ajoutons qu’Odin, dieu suprême, en serait l’inventeur. Et quelle invention ! Le dieu serait resté pendu neuf jours et neuf nuits à l’arbre du monde, le corps transpercé de sa propre lance, afin d’en assimiler toute la signification !
Mais revenons à nos pierres de Jelling lesquelles retiennent toute notre attention car l’on y apprend avec solennité que « le roi Harald fit faire ces stèles pour Gorm son père et Thyra sa mère ». Or c’est ce même Harald 1er dit « à la dent-bleue » (910 – 986), roi du Danemark et de Norvège, qui a donc donné son nom au système bluetooth (angl. blue : « bleu, e » et tooth : « dent ») ! Quant à deviner l’origine de cette dent bleue, d’aucuns prétendent que loin d’y avoir incrusté un éclat de lapis-lazulis, le cher roi aurait plutôt souffert d’une fort mauvaise carie… à moins qu’il ne raffolât de myrtilles au pouvoir colorant ! En tout cas c’est lui qui unifia le Danemark, et ces pierres en sont souvent considérées comme l’acte de fondation.
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