Cette oreille de la ville n’est pas un seul organe d’alerte ; elle est morale, dans la mesure où elle ne peut s’empêcher d’évaluer certains sons saillants (au sein du continuum sonore) qui se présentent à elle. L’utilisation du mot « bruit » est une première évaluation morale de ce qui est désigné en termes neutres comme « son » ; évaluation morale à laquelle s’opposeraient des caractérisations comme « musique » ou « musicalité d’un son », et qui pourrait conduire à des jugements définitifs sous le terme « pollution/ nuisance sonore ». Ici comme souvent, il est utile d’en passer par le langage ordinaire, par nos façons de parler, ainsi que le recommande inlassablement J. L. Austin. Ainsi, nous disons « Chut, j’entends du bruit » de préférence à « j’entends des sons », car cela intervient dans des contextes où les sons sont suspects : ils ne devraient pas provenir de tel endroit (le bruit vient de l’étage alors que tout le monde est en bas) ou à tel moment (alors que les enfants dorment).