Plutôt qu’à mettre sur le compte d’Internet ou des jeux vidéo une « distraction généralisée » dont seraient victimes (ou responsables) les générations natives du numérique [Jackson, 2009 ; Carr, 2011], Jonathan Crary nous fait voir que l’attention est au cœur des tensions anthropologiques générées par le capitalisme depuis le développement simultané de l’industrialisation (comment rester attentif sur une chaîne de montage ?) et du consumérisme publicitaire (comment attirer l’attention des consommateurs sur les marchandises produites en surabondance ?). L’émergence, à la même époque, de la psychologie expérimentale (comment mesurer les limites de la capacité humaine à rester attentif ?) et des mass media audio-visuels (comment moduler les désirs et les intérêts des nouveaux producteurs-consommateurs ?) a lancé une dynamique où de nouvelles technologies, depuis le téléphone et le cinéma jusqu’à la tablette numérique et le smartphone, ont sans cesse restructuré « une crise permanente de l’attention », avec de nouvelles sollicitations attentionnelles causant périodiquement de nouvelles complaintes sur la distraction des nouvelles générations.