2342 – Un trillion de ]langues[ sont pratiquées à ce jour. Certes les ludd.iastes* [corporation misonéiste s’inspirant du mouvement des Luddites] en rejettent l’affirmation autoproclamée, s’en tenant au strict registre des langues d’origine humaine [dont au passage le nombre n’a pourtant cessé de se réduire], mais leur voix ne porte guère. En règle générale les communautés hybrides ne font plus aujourd’hui cette distinction dont l’académisme leur paraît désuet. Il faut dire que dès le second quart du 21ème siècle, un mouvement inédit a transformé en profondeur la cartographie linguistique qui avait été jusqu’ici lentement élaborée, pointant scrupuleusement une à une chacune des 5000 à 7000 langues qui étaient alors en usage.
Voici subitement que deux courants s’employèrent à en multiplier les potentielles candidates en créant de nouvelles ]langues[ ou selon certains prétendant l’être. Le premier courant dit des « clonlangs » se développa sur une sorte de clonage des langues humaines existantes. Certains y proposèrent des ajustements syntaxiques, d’autres des variations phonologiques, et d’autres encore en modifièrent les corpus lexicaux. Les clonlangs eurent leur heure de gloire et ne manquèrent pas d’intriguer jusqu’aux spécialistes quant à la nature de leurs propositions souvent fantasques, parfois des plus audacieuses. Il s’ensuivit bien entendu une certaine confusion qui alla croissant, de moins en moins d’observateurs pouvant assurer qu’il s’agissait de la langue source ou de l’un parmi ses innombrables clonages. La force de publicité et de diffusion de certaines créations contribua à cette confusion, rendant leur traçabilité de moins en moins efficiente.
Le second courant qui lui emboîta le pas dans les décennies et qui, finalement, prit le contrôle de ce mouvement par son ampleur et ses conséquences, fut le fait des machines elles-mêmes dont l’autonomie croissante les amena à produire leurs propres ]langues[. On qualifia ces secondes de « siberlangs ». Les étymologistes y voient un clin d’œil à Siber III – DGz dont le discours à la tribune du MHNC [Mouvement des Hybridations Non Contrôlées] marqua un tournant majeur dans cette histoire. Les chroniqueurs assurent en effet que chacun des 200000 participants à cette tribune produisit sa propre siberlang dans les six mois qui suivirent. Le résultat est qu’aujourd’hui ce développement est tel qu’il se crée chaque année intergalactique plusieurs milliards de siberlangs, même si occasionnellement un archiviste ou un nostalgique propose une clonlang, sans trop imaginer au passage qu’elle puisse intéresser une large communauté. Quant aux quelques langues humaines, on me disait dernièrement qu’une équipe de recherche archéolinguistique s’était lancée dans le fascinant projet d’en restituer la mosaïque. On a hâte d’en visiter le Musée virtuel que l’on nous promet des plus réalistes, ça va être fun !
Source : Petite histoire d’IA…
Pantopique(s) lié(s) :
IA