Réaliser un pantopique

repère(s) :

Alors que vous avez pris connaissance de la démarche de la Pantopie, vous avez décidé de vous lancer dans la réalisation d’un premier pantopique. Félicitations ! Voyons donc ici comment vous y accompagner. Nous enchaînerons pour cela 4 grandes étapes, dont la première tient bien entendu au choix du sujet…

Toutes sortes de motifs peuvent bien entendu susciter la création d’un pantopique. Qu’il s’agisse d’une personnalité qui nous intrigue, un lieu que nous envisageons de visiter, une notion qui nous interroge, une prise de parole qui nous attend, nous voici face à la myriade des investigations envisageables… Supposons par exemple que notre intérêt du jour se soit porté sur la découverte d’une Cité antique, laquelle fut un haut lieu de pouvoir & regorge aujourd’hui encore de mystère : « Babylone ». Notre objectif : en savoir plus sur cette cité, ses origines, ses évolutions, l’idée que l’on s’en fait, ou que l’on s’en est faite. Nous demander quelle place elle occupe aujourd’hui dans notre imaginaire, ou notre culture… Sommes-nous prêts pour l’aventure ? C’est donc parti pour la deuxième étape, la plus longue du processus…

Nous voici en effet au moment de collecter des repères et, comme on l’imagine, les chemins pour y procéder renvoient aux mille et une manières de découvrir et d’apprendre. Que ce soit au détour d’une rencontre, d’une lecture, d’une vidéo, d’un podcast, que ce soit à la suite d’un ou plusieurs prompts traités par un agent conversationnel, l’afflux de repères peut emprunter bien des axes. En ce qui concerne Babylone, y émergent par exemple des divinités : Marduk, Ishtar, Nabu… des espaces politiques : outre la Babylonie, l’Assyrie, l’Egypte, la Perse… des sciences : mathématiques en particulier, ou encore juridiques… des édifices plus ou moins attestés : la porte d’Ishtar, les jardins suspendus, une ziggourat [tour à étages] dite d’Etemenanki… ou bien entendu, des souverains : Sumu-abum, le fondateur, Hammurabi, celui des stèles de justice, ou encore Nabuchodonosor II…

L’objectif vise ici non seulement à lancer cette enquête [au risque très assumé d’être submergé] mais surtout à l’accueillir au sein d’un tableau et d’une collecte où se manifesteront bien des articulations utiles. Il est alors décisif de souligner que la réalisation de tout pantopique, aussi autonome soit-il en lui-même, s’inscrit en pleine interaction avec notre répertoire personnel. Chaque repère qui va y être collecté offre une opportunité de se relier à ce répertoire au sens plein du terme, que ce soit à travers une période, une zone, une langue, un tag… L’exploration de tout sujet y apparaît donc non pas comme une fin en soi, mais comme l’occasion de s’interconnecter dans l’espace, le temps, les peuples, les langues… D’un pantopique à l’autre, nous sommes dès lors embarqués dans une forme de spirale ascendante où d’anciens repères vont se réactiver et quantité de nouveaux se révéler.

Pour conclure cette étape, il va de soi qu’un travail de validation, de recoupement [parfois de traduction], y est fortement requis, même s’il n’est pas garanti d’être achevé ou pleinement certifié, et même si bien des commentateurs et experts pourront en appeler à corriger ou compléter ceci ou cela. Ne disions-nous pas que la Pantopie était aussi une aventure collective ?

Considérons donc que nous soyons à présent satisfaits du tableau de repères que nous avons constitué [lequel pourra continuer de s’étendre ou se transformer]. Dès lors se rappelle à nous la méthode en 5 temps à la base de la Pantopie : écouter – connaître – comprendre – se comprendre – communiquer. De quoi revenir sur leurs fonctions respectives et les illustrer à travers notre exemple babylonien…

ÉCOUTER

Avec le premier temps : ECOUTER, nous sommes invités à nous demander qui est en mesure de nous parler de cette cité… Occasion d’y associer des impressions, des avis, des témoignages… Voire dans le cas d’une cité où nous nous trouverions, de renvoyer par exemple à des micro-trottoirs, des blogs/vlogs, etc.

Extraits.

La grande Prostituée de Babylone

La vision chrétienne de Babylone que propose le Nouveau Testament est tout aussi critique que celle de la Bible, en particulier le Livre de l’Apocalypse, qui la décrit ainsi comme « la grande Prostituée de Babylone ». Le Livre de l’Apocalypse assigne aussi à Babylone une fin funeste. » [archeologie.culture.gouv.fr] « Elle est tombée, elle est tombée, la grande Babylone. Et elle est devenue un antre de démons, repaire de tous les esprits impurs, repaire de tous les oiseaux impurs, et détestables. Car tous les peuples ont bu le vin de sa prostitution furieuse. 

Apocalypse 18 : 1-6]

Babylone : symbole de la vanité humaine pour les Rastas

Comme on peut le constater, Babylone est devenue l’image même de la dépravation des hommes. Cette notion se trouve dès les premiers textes rastas, rédigés par Leonard Percival Howell. Il est l’un des premiers à avoir assimilé la cité antique au capitalisme sauvage… Les Rastas ont stigmatisé la cité et en ont fait l’ennemi majeur du mouvement et des hommes. La ville représente à leurs yeux le symbole de la vanité humaine qui construit non plus pour uniquement se protéger de l’extérieur mais pour mettre en avant ses richesses, son despotisme. Elle représente ce qu’il y a de pire en l’homme, sa volonté de dominer les plus faibles, sa volonté d’être supérieur. 

rasta-colibri.fr

CONNAÎTRE

Avec le second temps : CONNAÎTRE, l’idée est de sélectionner quelques éléments susceptibles de constituer un premier savoir, incluant ici une frise chronologique…

De nombreux éléments de connaissance peuvent s’y animer, puisés dans les repères que nous évoquions précédemment : Marduk, Ishtar, Nabu, la Babylonie, l’Assyrie, l’Egypte, la Perse, la porte d’Ishtar, les jardins suspendus, la ziggourat d’Etemenanki, Sumu-abum, Hammurabi ou encore Nabuchodonosor II…

Extraits.

Ishtar – Reine du Ciel

Ishtar, appelée la Reine du Ciel par les peuples de l’ancienne Mésopotamie (Irak moderne), était la divinité féminine la plus importante de leur panthéon. Elle partageait de nombreux aspects avec une déesse sumérienne antérieure, Inanna (ou Inana) ; le nom d’Ishtar vient de la langue sémitique des Akkadiens et est utilisé pour désigner la déesse à partir d’environ 2300 avant notre ère. Déesse aux multiples facettes, Ishtar revêt trois formes primordiales. Elle est la déesse de l’amour et de la sexualité, et donc de la fertilité ; elle est responsable de toute vie, mais elle n’est jamais une déesse mère. En tant que déesse de la guerre, elle est souvent représentée ailée et portant des armes. Son troisième aspect est céleste ; elle est la planète Vénus, l’étoile du matin et du soir.

brooklynmuseum.org

Babylone au patrimoine mondial de l’UNESCO

Situé à 85 km au sud de Bagdad, le bien réunit les ruines de la cité qui fut le centre de l’empire néo-babylonien entre 626 et 539 AEC ainsi que des villages et des zones agricoles entourant l’ancienne cité. Ces vestiges – murs d’enceinte extérieurs et intérieurs de la cité, portes, palais et temples – sont un témoignage unique de l’un des empires les plus influents du monde antique. Siège d’empires successifs, dirigés par des souverains tels que Hammurabi ou Nabuchodonosor, Babylone représente l’expression de la créativité de l’empire néo-babylonien à son apogée. Le lien de la cité avec l’une des Sept Merveilles du monde antique – les Jardins suspendus de Babylone – a par ailleurs inspiré la culture artistique, populaire et religieuse au plan mondial. 

whc.unesco.org

Autant de fragments qu’une frise chronologique pourra distribuer en partie…

  • Hammurabi (régn. de 1792 à sa mort en 1750 av. J.-C.)
  • Nabuchodonosor II (régn. de 605 à sa mort en 562 av. J.-C.)
  • Décès d’Alexandre le Grand en 323 av.J.-C.

COMPRENDRE

C’est alors qu’avec le troisième temps : COMPRENDRE, nous nous lançons dans une série de questions et d’enquêtes qui peuvent porter sur les sujets les plus divers…

Extraits.

  • Quand Babylone a-t-elle été fondée et par qui ?
  • Quels étaient les dieux qui étaient associés à cette cité ?
  • Qu’en est-il de Babylone aujourd’hui ?
  • etc.

SE COMPRENDRE

Nous aurons réservé pour le quatrième temps : SE COMPRENDRE, les sujets qui font dialogue, parfois polémique… Ceux qui nécessitent de peser des avis contradictoires… Nous profiterons également de ce quatrième temps afin de confronter si besoin des indéfinitions [à savoir des définitions personnelles], ici par exemple, nous demander comment au sein d’un cercle d’échanges, nous définirions la Cité de Babylone…

Parmi les sujets de débat possibles, retiendrons-nous les hypothèses contradictoires avancées concernant l’histoire ou le mythe des fameux « jardins suspendus [dits] de Babylone » ?

Extraits.

(…) Les historiens sont confrontés à un problème : toutes les sources qui font allusion à un magnifique jardin babylonien suspendu datent du quatrième siècle avant J.-C. L’historien grec Hérodote, qui écrivait au cinquième siècle avant J.-C. – soit un siècle seulement après le règne de Nabuchodonosor – ne mentionna pas ces jardins extraordinaires en parlant de Babylone dans son ouvrage Histoires. De même, la découverte d’écrits qui dataient de l’époque du roi babylonien s’avérèrent décevants : on ne faisait même pas allusion aux jardins suspendus. 

nationalgeographic.fr

Une enquête récente a permis à Stephanie Dalley, assyriologue de l’université d’Oxford, d’établir l’hypothèse selon laquelle les jardins suspendus n’auraient pas été construits par le roi Nabuchodonosor II à Babylone mais plutôt à Ninive par le dirigeant assyrien Sennachérib qui y régna de 704 à 681 avant J.-C. Elle s’appuie sur les annales de son règne, gravées dans des pierres en forme de prismes. Dans l’un des écrits, le roi fait l’éloge de l’imposant monument qu’il a fait construire : « Les alentours du palais sont en hauteur pour que tous les peuples puissent admirer cette merveille. Un jardin suspendu, comparable aux monts Amanus, où poussent tous genres de plantes aromatiques.

nationalgeographic.fr

COMMUNIQUER

Enfin vient le cinquième temps : COMMUNIQUER, lequel s’intéresse aux formes de communication attachées à cette cité, qu’il s’agisse de développements philosophiques, d’ouvrages, de films, de musiques, de légendes, ou encore de symboles que l’on pourrait expliciter…

Extraits.

Nous rappelant à l’univers des Rastas, retrouverons-nous ici l’illustre chanson Rivers of Babylon composée par The Melodians en 1970, chère aux communautés reggae…

“By the rivers of Babylon, there we sat down
Yeah, we wept, when we remembered Zion
By the rivers of Babylon, there we sat down
Yeah, we wept, when we remembered Zion
There the wicked
Carried us away in captivity
Required from us a song
Now how shall we sing the Lord’s song in a strange land?”
[« Près des fleuves de Babylone, nous nous sommes assis.
Oui, nous avons pleuré en nous souvenant de Sion
Au bord des fleuves de Babylone, nous nous sommes assis
Oui, nous avons pleuré en nous souvenant de Sion
Là, les méchants
Nous ont emmenés en captivité
Ils ont exigé de nous un chant
Comment chanter le cantique de l’Éternel sur une terre étrangère ?

Nous arrêterons-nous auprès du grand épigraphiste que fut Jean Bottero nous conviant au sein d’une série de vidéos à l’accompagner sur les bords de l’Euphrate…

Insistons sur le fait que la répartition des repères entre les cinq temps procède d’un choix narratif et subjectif, et qu’il est le reflet d’une navigation libre, même si le cadre en est donné par la construction du pantopique. En somme, il y autant de pantopiques de Babylone [ou de tout autre thème] qu’il y a de voyages possibles à la rencontre de la fascinante mosaïque des humanités… Et l’on peut supposer que revenant sur un pantopique à dix ou vingt ans de distance, nous ne le composions pas de la même manière alors que notre répertoire, notre regard sur le monde, aura évolué entretemps…

Un pantopique étant ainsi constitué, il est temps d’observer comment celui-ci se mêle, ou plutôt se mêlerait à un répertoire personnel auquel il viendrait se connecter. Ainsi que nous le disions plus haut, un pantopique n’est pas une fin en soi bien qu’il puisse s’en satisfaire. Sa mission plus générale est de participer à la fabrique d’un répertoire individuel de notre temps. La Cité de Babylone, sa gestion écologique, politique, sociale, entre dès lors en résonnance avec d’autres investigations menées ou à mener, au détour desquelles bien des croisements s’opèrent…

Les divinités babyloniennes viendront-elles consolider notre relation aux croyances & religions, étendant par exemple le panthéon de divinités dont nous avions connaissance ?

Les souverains mentionnés, mais aussi leurs dynasties, ou encore divers événements historiques, se situeront-ils dans une plus large frise chronologique ?

L’espace mésopotamien au sein duquel se trouve Babylone, s’élargira-t-il à d’autres espaces géographiques ou culturels qu’ils soient hittites, assyriens, perses, etc. ? Mettra-t-il en relief sa situation présente qu’elle soit géopolitique, environnementale ?

L’exemple du Code d’Hammurabi et des stèles qu’il fit ériger, nous questionnera-t-il sur la manière dont d’autres temps & sociétés abordent la justice ?

Les langues utilisées à Babylone, que ce soit le babylonien lui-même, mais aussi l’akkadien, le sumérien, ou encore l’araméen, nous renverront-elles à d’autres espaces linguistiques, à ce que nous en avons découvert ?

Que ce soit à travers l’organisation sociale ou familiale, que ce soit dans les activités artisanales ou artistiques, ou encore les pratiques divinatoires, comment les cultures babyloniennes échangent-elles avec d’autres cultures que nous avons visitées, environnantes ou plus éloignées ?

Enfin comment les échanges commerciaux ou agricoles faisaient de Babylone un carrefour avec l’Égypte, l’Anatolie, l’Inde ou encore le golfe Persique ?

Ainsi se suspend la réalisation de ce premier pantopique et l’on peut voir aisément à travers les schématisations proposées comment chaque repère, chaque découverte, chaque savoir relevé, est invité à s’y resituer dans un ensemble dynamique prompt à se renouveler. Il va de soi que le plaisir de ce mouvement tient à chacun, chacune de nous, au hasard des découvertes et rencontres appelées à s’y produire. Bon choix pour le pantopique à venir !