Ghetto n’est pas un mot polonais ou allemand mais italien. C’est dans le quartier de l’ancienne fonderie, « Getto Vecchio» en dialecte vénitien qu’en 1516, les juifs reçurent l’ordre de se rassembler pour vivre en un lieu séparé et fermé. (…) Cette idée de quartier séparé remonte au concile de Latran. L’Eglise et notamment les franciscains, préconisent la séparation des chrétiens et des juifs (…) Les preuves certaines d’une présence juive à Venise remontent au XIIIème siècle. Les guerres avec Gênes avaient vidé les caisses de la ville. Pour trouver de toute urgence des capitaux, la république autorise le prêt à intérêt, longtemps banni de la ville pour des raisons religieuses. Ce fut là le début de la première présence des juifs à Venise (…) Pour fixer leur présence dans la ville, le Sénat de la cité des Doges publie un décret le 29 mars 1516 : les 700 juifs qui vivent sur la Lagune seront déplacés dans un quartier fermé de l’ile de Cannaregio (…) Un quartier clos par un canal et deux grandes portes en bois, d’où les juifs ne peuvent sortir que le jour. Ils doivent porter un habit distinctif, une rouelle jaune transformée quelques années plus tard par un béret de la même couleur. Seuls les médecins, très appréciés par les notables chrétiens, peuvent sortir du ghetto la nuit, sans porter cette marque distinctive. C’est l’une des rares professions libérales, sinon la seule, qui leur est ouverte (…) Ce premier ghetto de l’histoire va accueillir les juifs fuyant les persécutions européennes. Après les décrets d’expulsion d’Isabelle la catholique, ils quittent l’Espagne et le Portugal pour Constantinople, Salonique et Venise. « Ces fugitifs apatrides, marranes (convertis de force), fragilisés par leur errance mais que la misère rend audacieux, ne vont pas tarder à devenir les principaux animateurs du commerce en Méditerranée. » écrit Donatella Callabi… On entend dans le ghetto les dialectes les plus divers, espagnols, portugais, turcs, grecs mais aussi polonais, allemand, italien (…) Ayant gardé des liens de confiance avec les communautés juives disséminées en Europe et en méditerranée, ils vont ouvrir de nouvelles routes commerciales vers Alexandrie, Constantinople, Anvers et Amsterdam et porter la masse des échanges commerciaux à des niveaux rarement atteints. Ces proscrits, relégués, réfugiés vont contribuer à faire la richesse de cette ville monde…
Par : Michel Lachkar
Source : francetvinfo.fr