Matthew O’Brien offre, lui aussi, un nouvel angle pour contempler Las Vegas : celui de ses catacombes. Il décrit ses périples dans les tunnels des égouts et les conduits sur lesquels repose la cité. Là, tout au long de ces kilomètres de béton, vivent des centaines d’hommes et de femmes, freaks, clochards, joueurs fauchés, la plupart toxicomanes. Certains fuient la justice, d’autres ont échoué là, mendiant le jour dans les rues ou faisant du «silver mining», (la collecte des pièces oubliées dans les machines à sous des casinos). L’auteur s’attache aux détails et écrit, à la première personne, dans la tradition du journalisme américain, le quotidien de ce peuple souterrain, zombiesque, pour qui le célèbre panneau de néons «Welcome to Fabulous Las Vegas», installé à l’entrée de la ville, a une drôle de signification. C’est justement de cette lumière diffusée par les «billboards» publicitaires et les devantures des casinos que Matthew O’Brien tente de dévoiler le contrepoint. Avec sa lampe torche, il éclaire le «off», ces zones souterraines que forment l’autre réalité du paradis capitaliste et ludique?: un espace obscur, misérable, celui des clochards, des ratés du mirage, et qui s’oppose à cette «aveuglante clarté» émanant des «projecteurs des miradors, des shows politiques, des stades de football, des plateaux de télévision», définie par Georges Didi-Huberman dans son essai Survivance des lucioles. « Si l’on explore les tunnels, on se retrouve nez à nez avec des graffitis gigantesques, des installations et des sculptures, souvent signés par des toxicos. On peut marcher plusieurs centaines de mètres dans le noir et, d’un coup, un trou dans la chaussée transforme le lieu en une «clairière» où les murs sont comme tatoués. Cette expérience est unique. » « Ici, les contrastes sont fascinants mais aussi très frustrants. L’idée de Sous les néons était de mettre en lumière la vie des couches les plus basses de la société, littéralement. Le défi principal pour un auteur est d’explorer des nouveaux territoires, fictifs ou réels. L’histoire est toujours réécrite par les gagnants. À Las Vegas plus qu’ailleurs ! Au lieu de m’intéresser aux PDGs des casinos, j’ai voulu donner la parole aux losers. »
Par : Matthew O'Brien
Source : Sous les néons | liberation.fr | 2012
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