Catégorie : 21 août 2021

Quel dialogue instaurer entre continents ? Vous savez, ces vastes ensembles dont on dit – par commodité – qu’ils correspondent à des terres « continues » et dont le nombre fait, aujourd’hui encore, l’objet d’âpres discussions : 5, 6… 8 ? Oui quelle place les continents occupent-ils dans le dialogue universel ? Entre généralisations hâtives et amalgames douteux, entre revendications assumées et désignations géopolitiques, les appartenances continentales véhiculent chacune leur histoire, plus ou moins porteuse de renouveau et riche d’interprétation.

N’oublions pas les cheminements par lesquels des dénominations leur ont été données, sujettes à maintes hypothèses et controverses, puisant parfois dans les mythes et légendes. Histoire biblique de Noé qui, à l’issue du Déluge, confie à ses fils, Japhet, Sem et Cham, le soin de repeupler la Terre… et par le « Tableau des Nations » d’initier les peuples du monde. Histoire d’Europe, fille du phénicien Agenor, enlevée par Zeus. Europe à la recherche de laquelle se lanceront sans succès frères et mère… Racine sémitique, ereb, le « coucher du soleil » à laquelle viendrait faire écho celle de l’Asie, désignant plutôt le « lever »… Rappel par l’appellation « Afrique », d’une tribu amazighe présente sur le territoire de Carthage et nommée Afri par les Romains, finissant par dénommer toute une province avant de s’étendre au continent… Désignation de « l’Amérique » par le cartographe Martin Waldseemüller nommant ainsi le Nouveau continent en 1507 en hommage à l’explorateur Amerigo Vespucci (1454 – 1512)… « Océanie » toute dédiée à la puissance de l’Océan qui la contient dans toute sa distribution de peuples et de terres… Ou encore « l’Antarctique » qui s’oppose (anti) à la Grande Ourse (grec arktos : « ours ») évoquant le Nord dont l’océan polaire n’a pas gagné le titre…

Et voici que parfois des changements sont avancés, souhaités, argumentés… Ainsi de « Abya Yala », proposé par certaines communautés afin de se substituer à celui « d’Amérique ». Un terme de  la langue des Kunas, au Panama, désignant la « terre dans sa pleine maturité »…

Nous rapprocherons-nous par ailleurs des grandes tables ou des projections murales, où leur représentation cartographiée s’opère ? Prendrons-nous la mesure de ces décalages diversement représentatifs des réalités géographiques, en passant de la projection de Mercator à celle de Peters, visant au prix de quelques déformations à en corriger les distorsions, ou garder la juste proportion des superficies…

Tandis que bien des croisements se sont opérés dans la mouvance d’un monde de rencontres, d’attraction, de frottement, de tentatives variablement heureuses de compréhension mutuelle, plus que jamais la référence continentale joue un rôle éclairant sur la capacité individuelle à être en paix avec elle et avec autrui… Plus que jamais, sa convocation doit faire l’objet d’une implication et distance mesurées à tout ce qu’elle contient de valeurs ancestrales, et de promesse de renouveau. Et alors que la lointaine Pangée nous en conte l’unité, et que des temps futurs non moins éloignés nous en murmurent le retour, sachons faire des continents des amis du dialogue, nous parlant des terres et des eaux, du vent et des cités, nous parlant des êtres qui les ont peuplés et qui continuent aujourd’hui de s’y référer… Puisse l’humanité s’y retrouver par-delà la tentation de sa division sectaire…