Depuis une vingtaine d’années, l’industrie cinématographique nigériane, mieux connue sous le nom de Nollywood, a connu une croissance remarquable, s’élevant au rang de l’une des forces majeures du paysage cinématographique mondial. Nollywood est désormais la deuxième industrie cinématographique du monde en termes de nombre de films produits, devant Bollywood. Mais cette première place sur le podium, Nollywood ne la doit pas à son chiffre d’affaires. Films à petits budgets, montages artisanaux, supports VH : les réalisations estampillées Nollywood se caractérisent par leur côté low-cost qui permet une production pléthorique et la conquête du champ cinématographique non seulement national mais africain voire planétaire. En effet, cette « nouvelle vague » du cinéma nigérian ne se limite pas seulement à une expression artistique, mais constitue également l’un des secteurs les plus dynamiques de l’économie nationale. Nollywood est devenu le second employeur du Nigeria, s’établissant juste derrière le secteur agricole. Cette ascension fulgurante souligne l’impact économique substantiel de l’industrie cinématographique dans un pays où les productions locales trouvent un écho retentissant au sein de la population et au-delà des frontières nationales. En 2014, le Nigeria a marqué un tournant significatif lorsque de nouvelles modalités de calcul du Produit Intérieur Brut (PIB) ont été adoptées, intégrant davantage de données provenant des industries créatives locales. Cette révision a propulsé le Nigeria au rang de plus grande économie africaine, confirmant l’influence grandissante de Nollywood dans le contexte économique global. Au-delà des chiffres et des statistiques, l’essence de Nollywood réside dans la diversité de ses thématiques captivantes qui reflètent la réalité complexe du Nigeria contemporain. Les films abordent des sujets tels que l’émigration, le progrès économique, la corruption ou l’argent facile. Ces productions offrent une fenêtre sur la vie quotidienne des Nigérians, tout en explorant les dynamiques socio-économiques et culturelles qui façonnent le pays. Ainsi, Nollywood ne se contente pas d’être une industrie cinématographique florissante, mais également un miroir fidèle de la société nigériane. Un reflet qui fait parfois l’objet de censure par les autorités, comme le raconte Françoise Ugochukwu : « il y a un bureau de censure qui décide quels films seront vus ou non, quels films seront projetés. Par exemple, pour l’adaptation cinématographique du film « La moitié du soleil jaune » de Chimamanda Ngozi Adichie, ils ont attendu plus de six mois et ont dû édulcorer le film pour pouvoir le passer ». L’histoire de Nollywood suit finalement l’histoire économique du Nigéria, de production locales faites de bouts de ficelles à une industrie davantage mondialisée et rentable.
Par : Alessandro Jedlowski | Françoise Ugochukwu
Source : Épisode 97/112 : L'économie selon Nollywood | radiofrance.fr/franceculture | 2024-03