Croissance Culturelle de l’Humanité

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Un projet de nature culturelle & interculturelle nous semble d’un possible concours au règlement des grands défis de notre temps. Celui-ci peut y prendre les chemins d’une croissance culturelle de l’humanité [CCH] se déclinant en 15 volets dont chacun vise à nourrir les autres, leur ensemble défendant l’idée d’une unité du genre humain pleinement respectueuse de sa diversité. La formulation qui suit en propose un essai, en tout point perfectible, mais aussi et surtout issu d’un cycle 2021-2026 en ayant approché le questionnement…

Acte 1 – C’est dans la diversité & le dialogue, c’est aussi dans le partage d’une infinité de récits, que la [CCH] puise ses premiers élans. Chaque prétexte qu’il soit celui d’un mot, d’une pensée, d’une action, peut y convier le regard, charge à celui-ci de sortir d’un enfermement exclusif, charge à chacun, chacune de nourrir de telles rencontres par une volonté de découverte & de compréhension mutuelles. Evocation d’un « jardin », de la fabrication de la « bière », de la signification d’une « valise » ou des voies de la « non-violence », qu’importe le motif, le postulat de départ de la [CCH] est celui de l’échange, de la communication des savoirs & des idées à partir desquels tout devient ou redevient possible…

Acte 2 – Aucun projet humain, aucun projet terrestre, ne peut se concevoir sans répondre aux enjeux environnementaux de notre temps. On peut certes rêver de la conquête pour quelques-uns de nouveaux espaces interstellaires et cela pourrait bien un jour concourir à notre sauvegarde commune, mais n’est-il pas tout aussi raisonnable de préserver en premier lieu la Vie là où elle s’est manifestée et de quelle sublime manière. Revenir à la Vie que les cultures du monde ont pour beaucoup d’entre elles honorée de leur estime, de leur respect fondamental. Nous avons la responsabilité commune de changer un certain nombre de caps. Le ferons-nous ? La [CCH] s’y interroge au regard des innombrables savoirs & sagesses que nous aurions sans doute grand intérêt à retrouver, ainsi qu’au regard des innovations vertueuses, et des initiatives engagées plus nombreuses qu’on ne le dit, enclines à leur succéder…

Acte 3 – La  [CCH] trouve dans la langue, dans les langues, et plus largement les langages, codes, systèmes sémiotiques, l’un de ses socles les plus fertiles. Il incombe aux générations présentes [lesquelles devraient se déclarer « générations aux 7000 langues »] de comprendre que ce patrimoine, en danger, n’est pas un décor inerte. Comprendre avec l’accompagnement de personnes investies dans ces champs, par passion, amour, que lorsqu’une langue disparaît, c’est l’humanité entière qui s’appauvrit. Comprendre également que cette présence des langues devrait s’inscrire plus largement dans notre relation quotidienne aux autres, au monde. Occasion constante d’en découvrir les richesses infinies ainsi que l’éclairage qu’elles peuvent porter sur nombre de nos entreprises par l’intermédiaire d’un mot, d’un concept, d’une expression, d’un proverbe. Autant de relais assemblant l’humanité dans sa volonté de dire, et d’en renouveler constamment le champ…

Acte 4 – D’un âge à l’autre se succèdent les sciences. Avec elles, des lois se formulent dont certaines seront réfutées à plus ou moins longue échéance, renvoyant au statut de toute « vérité » scientifique. Avec elles, des compréhensions progressent parmi lesquelles certaines connaîtront des mises en application plus ou moins conséquentes. Avec elles, des changements s’opèrent qui affecteront la société, la nature, le travail… C’est à cette place majeure des sciences, non seulement dans l’architecture du savoir, mais dans les équilibres de nos   sociétés, que la  [CCH] accorde ici son plein intérêt. À la clé, une prise en considération de l’importance d’une relation instruite et éclairée aux sciences et à leurs interactions avec les autres dimensions de la [CCH].

Acte 5 – Qu’est donc le pouvoir sans la justice ? Quelle serait cette coquille vidée de son âme ? La [CCH] questionne ce rapport étroit en empruntant ici les chemins de la justice tout en tenant compte de la diversité des systèmes mis en place tout au long de l’aventure humaine. Prendre en considération ces systèmes peut être en effet d’un grand concours aux relations qui nous assemblent ainsi qu’aux progrès que nous pourrions réaliser au regard de tant d’injustices sur lesquelles nous fermons les yeux, souvent faute de mieux…

Acte 6 – Signes, signaux & symboles nous entourent de leur omniprésence. Qu’ils soient graphiques, sonores, tactiles, cette forêt de signes puise ses racines dans le plus lointain de nos histoires collectives, mais aussi individuelles. En traverser l’espace, c’est assurément risquer de s’y égarer tant la forêt est immense, tant les chemins s’y croisent dans tous les sens. La [CCH] peut toutefois participer à nous en faire découvrir sinon les mystères, en tout cas les formes & traces, nous instruisant de leur étonnante assemblée. 

Acte 7 – Accéder au sens est au cœur des humanités. C’est bien là une grande partie de notre activité permanente. Certains y excellent, d’autres un peu moins. Mais que dire de notre espèce dans son ensemble, entendons de la place qu’y prend cette relation à la signification dans le jeu de la vie ? L’Acte 1 s’y est avancé en prenant prétexte de quelques rencontres, les suivants n’ont fait qu’en amplifier le besoin. Oui, l’être humain est quêteur de sens et c’est pourquoi la  [CCH] place ici l’une de ses plus grandes espérances : celle de trouver ou retrouver la voie du sens. Non pas d’un sens imposé, établi sans notre concours, mais d’un sens réfléchi, discuté. Un sens qui prend appui sur la variété de nos définitions ou indéfinitions comme on se plaît à les nommer ici. Un espace de rencontres & d’échanges fabriquant un dictionnaire hautement personnel, évolutif, reflétant la richesse de la vie.

Acte 8 – L’histoire n’est pas posée indépendamment de qui la partage. L’histoire qu’elle soit celle d’une société, d’une famille, a fortiori du monde, appelle à des interprétations, des colorations, des partis pris pouvant inclure certains préjugés et a priori. L’histoire n’est pas univoque. Elle est le reflet des pouvoirs & des chroniques qui en ont restitué le cheminement, les épisodes successifs faits de conquête, de gloire, d’effondrement. C’est en songeant à la diversité & à la complexité de ce matériau que la  [CCH] avance, avec d’autres, la suggestion d’une histoire ouvertement plurielle. Une histoire mettant en parallèle ces lectures distinctes, différenciées et parfois hostiles, socle non pas de leur arbitrage mais de leur saisie concertée.

Acte 9 – Alors que l’art nous renvoie à une constellation de réalités, d’imaginaires, de fabriques, de destins, de révélations, de transmission… la [CCH] sait pouvoir ici compter sur l’un de ses plus fidèles alliés. L’art  accompagne l’humanité de lointaine antiquité, et la convie en tous lieux et toutes époques, à se dépasser elle-même. Qu’il soit sacré ou profane, qu’il soit enfantin, naïf, académique, maîtrisé, qu’il soit le fait d’une âme solitaire, d’une Ecole ou d’un collectif, son omniprésence nous rappelle à tous les questionnements qui le traverse. Pendant que certains plus que jamais s’interrogent sur ce que signifie « créer » dans un monde environné d’IA productives, il est décisif de replacer l’art, les arts, au cœur d’un processus où se révèlent l’intention, l’animation, les doutes, les cheminements lents ou fulgurants, qui en ont porté les valeurs au plus haut.

Acte 10 – Nous recevons en héritage quantité de patrimoines. Les listes établies par l’UNESCO sont explicites de cette richesse inouïe, même si elles n’en représentent bien entendu qu’une petite partie. Que ces héritages soient naturels ou culturels, que ces patrimoines soient matériels ou immatériels, qu’ils nous transmettent des édifices ou des idées, des paysages grandioses ou des traditions locales, leur concours est décisif à la capacité individuelle à nous y situer, quelque part dans le monde ou dans son mouvement. La [CCH] se pose avec force devant ces patrimoines et nous invite certes à les apprécier dans leur singularité, leurs valeurs propres, mais aussi et surtout à les entrecroiser, à opérer leur tiss’âge de terre, d’eau & de feu, de montagne, de fleuve, de couleur, de murailles, de bois & de verre, de saveurs & de sons… Tiss’âge grâce auquel nous pouvons peu à peu nous relier à un héritage commun tout autant qu’à sa transmission aux générations qui viennent.

Acte 11 – Est-il anecdotique que l’une des questions les plus abyssales, et les moins évidentes à résoudre, l’une des questions les plus communes à une grande majorité d’êtres humains, entendons celle de la spiritualité, soit aussi l’une des plus propices à les diviser, les opposer ? Comment parvenir à réunir autour d’une même table, d’un même projet de concorde ceux & celles qui en vivent dans leur âme et souvent leur chair toute l’exigence ou la révélation ? Peut-être en prenant de plus en plus conscience, et en premier lieu connaissance que bien des principes universels nous assemblent, nous relient par-delà le cadre légitime d’une croyance ou d’une incroyance. La [CCH] s’attache tout spécialement à apporter sa contribution à cette connaissance en meilleur partage.

Acte 12 – L’IA triomphe. D’aucuns nous rappelleront qu’ils nous en avaient prévenu de longue date, tout en s’en réjouissant, ou en s’en désolant. D’autres ironiseront sur ce triomphe très fragile et, selon eux éphémère. La [CCH] se doit de participer à une démarche moins dogmatique, plus pragmatique. Qu’attendons-nous de l’IA ? Quelle monde voulons-nous ou ne voulons-nous pas vivre avec elle ? Cette volonté aura-t-elle quelque raison d’être entendue dans une histoire largement dérégulée où des acteurs économiques et/ou politiques ont pris une bonne part des commandes ? C’est à notre avis par une forme de lucidité actualisée, de prise en compte de la complexité d’un tel questionnement, qu’une voie certes étroite peut être empruntée. Elle requiert diverses conditions dont en premier lieu, une assemblée sémiotique des humanités, exceptionnelle dans sa forme comme dans sa convergence. Mais aussi de nouveaux moyens de représentation permettant d’échapper à la confusion qui n’a pas tardé à pointer le bout de son nez et qui se révèle en particulier dans un usage trouble du langage. « Créer » disions-nous ? « Savoir » ? « Penser » ? « Décider » ?… Est-il un seul de ces termes qui ne nous en avertisse ? Bien entendu, œuvrer à ce questionnement suppose d’en accepter l’effort [ou mieux, d’en éprouver le plaisir] en lieu et place du confort que promettent tant d’usages gadgétisés et de consommations hautement personnalisées…

Acte 13 – La mosaïque des métiers est fascinante et elle est l’une parmi les expressions les plus représentatives de l’épopée humaine. Dans leur création souvent opportune, dans le « service » qu’ils rendent par nature même, et tout autant dans leur renouvellement continu [et que l’heure de l’IA ne saurait contredire], les métiers appellent à des choix, des décisions. Ils incarnent des parcours, des formations, des apprentissages, des rencontres, des épreuves aussi. Oui, la mosaïque des métiers est fascinante par tout ce qu’elle nous donne à penser de nos équilibres tout à la fois collectifs & individuels. Et c’est bien là que la [CCH] trouve son appui, là c’est-à-dire dans l’enchevêtrement souvent inconscient de tous ces métiers dont le dysfonctionnement de l’un d’entre eux qu’il soit porteur/se d’eau, de message, ou de paix, entraîne souvent la chute de bien d’autres. Prendre conscience de cette balance presque secrète tant elle est discrète, n’est pas sans nous rappeler à l’ensemble des Actes qui précèdent, à tous les tiss’âges qui s’y sont révélés et sur lesquels la [CCH] vise à se fonder…

Acte 14 – Assurément le temps de la synthèse, au rappel de tous les Actes qu’elle souhaite valoriser, est un aboutissement logique de la [CCH]. Une synthèse dont nous gagnerions à ne pas figer les formes, les moyens, les laissant ouverts à la plus lare créativité. Une synthèse reflétant en quelque sorte qui l’entreprend, personne ou communauté, dans toute la singularité d’une interprétation unique, irréductible à toute autre. Le matériau de cette synthèse n’est-il pas en perpétuelle actualisation grandissant avec la [CCH] elle-même, et les questionnements voire les quelques résolutions qu’elle accueille ? Alors peut-être quelque part, dans l’espace des humanités, se manifestera une lecture transversale à toutes ces synthèses, une synthèse des synthèses en somme, non moins provisoire et inaccomplie…

Acte 15 – Peut-il y avoir d’autre convergence à la démarche entreprise dans le cadre de la [CCH] que celle de l’éducation ? D’une éducation non pas substitutive, mais complémentaire, accompagnatrice de tous ces élans, toutes ces entreprises qui au fil des millénaires ont tenté de produire les formes les plus diverses de pédagogie, souvent avec brio. Nous nommerons ici cette ligne complémentaire : « encyclopédagogie ». Entendons une éducation orientée vers l’ensemble des savoirs, savoir-faire, savoir-être… Une éducation associant l’esprit au corps et aux émotions. Une éducation tout au long de la vie qui, à l’instar de la synthèse opérée, se place au service des humanités et de leur dialogue en leur diversité de savoirs, d’arts, de sciences, de spiritualités… Une éducation enfin où la force du récit, d’un récit à taille humaine, occupe une place centrale.

Tel est en quelques lignes introductives le projet de la [CCH] dont la fortune dira s’il était destiné à se partager en divers esprits susceptibles de le compléter, l’enrichir de leur concours. Un projet dont nous disions d’emblée qu’il s’inscrit dans un temps particulièrement sensible des humanités, confiant dans la responsabilité qui incombe à chacun, chacune d’en interpréter la signification au regard de ses propres engagements.